28. Hannah

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Ces derniers jours se déroulaient avec une paix intérieure que je n'avais plus goûtée depuis très longtemps. J'avais cette sensation que je ressemblais de plus en plus à celle que j'aurais pu devenir si je n'avais pas eu ce parcours si chaotique et je devais tout cela à une seule personne, Matthieu. Il arrivait à atténuer toute cette colère qui m'habitait depuis des années, comme si le monde reprenait petit à petit toutes ses couleurs. Malgré cela il y avait une chose qui était toujours bien ancrée, profondément en moi, ma peur, cette foutue peur qui m'empêchait de lui dire tout ça. Dès que l'envie venait, je me sentais comme paralysée, alors j'essayais de lui faire comprendre par des gestes et en me laissant faire entre ses mains qui me faisaient ressentir à quel point j'étais importante à ses yeux.

Nous étions samedi matin, et je n'arrivais pas à sortir de mon lit, je préférais garder la chaleur des couettes sur moi, ces derniers jours les températures avaient vraiment chuté et je le ressentais à chaque levé du lit. C'est à ce moment-là que j'étais partie dans mes pensées qui m'avaient vite emmenée vers Matthieu, comme tous les jours ces dernières semaines. Je commençais à ressentir l'envie de le voir même au réveil, juste pour ressentir sa chaleur.

Je finis par me lever difficilement et pris directement une douche bien chaude. En sortant de la salle de bains je croisai Benoît qui n'avait toujours pas l'air intéressé de me parler, j'avais pris cette habitude et ne réagis pas, je me servis mon petit déjeuner et le mangeai dans le salon. La seule chose qui avait changé c'est que je ne me cachais plus dans ma chambre, si ma présence le dérangeait il n'avait qu'à aller dans la sienne et c'est d'ailleurs ce qu'il fit assez vite, ce qui me permit de traîner tranquillement devant la télé. J'eus mon premier SMS de Matthieu de la journée très vite, nous discutâmes comme ça une petite heure, il me dit alors qu'il passerait en début d'après-midi, j'avais hâte.

***

J'entendis la sonnette retentir deux heures plus tard, je fus surprise qu'il ait autant d'avance, mais j'étais contente, j'ouvris heureuse, mais fut surprise en découvrant quelqu'un que je ne connaissais pas.

— Bonjour, saluai-je confuse.

— Bonjour, je suis bien chez Benoît ? Demanda-t-il gêné.

— Oui, il...

— Gaël ? Entre, invita Benoît derrière moi.

Je sursautai d'étonnement et me retournai incrédule. C'était un ami ou plus ?

— Tu n'as rien oublié au moins ? Demanda-t-il froidement.

— Non j'ai tout pris avec moi, répondit Gaël en montrant son sac.

— Ok viens, ma chambre est par là, dépêche-toi qu'on en finisse au plus vite.

Gaël lui obéit sagement et ils partirent dans sa chambre. Je ne comprenais pas ce qui venait de se passer, mais apparemment ça n'avait pas l'air d'être un copain. J'envoyai tout de même un message à Pauline pour savoir si elle était au courant. Elle me répondit très vite que c'était un gars avec qui il avait un projet pour la fin du semestre ce qui me surprit au vu de la froideur de Benoît, mais je ne dis rien de plus.

Quelques minutes plus tard, Matthieu arriva à son tour et nous décidâmes de sortir pour faire un tour. Idée qui s'avéra mauvaise au vu du froid qui nous gela très vite, alors après plusieurs minutes de réflexions nous décidâmes d'aller au cinéma. Bob nous reçut avec sa bonne humeur habituelle et nous nous installâmes l'un à côté de l'autre. Une fois de plus je remarquai que tout se faisait naturellement entre lui et moi, nous discutions d'un tas de choses, très souvent sans importance, mais nous avions tout le temps un sujet de discussion, il n'y avait que très peu de silence entre nous. Après le film nous continuâmes de parler sur des sujets diverses, tout en nous promenant dans le quartier, ce n'est qu'au bout de vingt minutes qu'il me proposa de venir nous mettre au chaud chez lui. Je fus plutôt surprise et assez gênée par sa proposition, je m'étais souvent demandé à quoi ressemblait l'endroit où il vivait, son univers, mais en même temps cela me mettait mal à l'aise de le savoir, il allait encore une fois être un peu plus que Matthieu. Je finis par accepter, ma curiosité avait été plus forte et pour être honnête, je savais que Pauline n'était pas là de la journée et je n'avais pas envie d'être à la maison en ce moment. En tout cas sa réaction me convainc que j'avais pris la bonne décision, Matthieu m'avait l'air très heureux. Nous retournâmes sur nos pas pour reprendre sa voiture et arrivâmes chez lui peu de temps après. Je sentis mon cœur s'accélérer de plus en plus, un mélange d'excitation et de stress. Il ouvrit la porte d'en bas et nous montâmes les marches jusqu'au premier étage, Matthieu était silencieux, il m'avait l'air également tendu, après tout c'est lui qui allait me dévoiler son intimité. Je souris en y pensant et cela me fit un peu plus relativiser. Il ouvrit sa porte d'entrée et je n'eus pas le temps de voir l'appartement que j'entendis déjà la voix de son père.

— Matt ? Ah te voilà ! Ta mère essaie de te joindre depuis tout à l'heure...

Il s'arrêta alors en me voyant.

— Hannah ? Oh, bonjour ! C'est étonnant de te voir ici, enfin pas que ça me dérange, pas du tout, c'est juste étonnant, essaya d'expliquer son père maladroitement.

— Désolée de m'imposer ici, m'excusai-je amusée, mais dehors il fait plutôt froid et comme je n'avais pas envie de rentrer chez moi, Matthieu m'a invitée.

— Oh il a bien fait.

— Mais qu'est-ce qu'elle me veut encore ? S'énerva soudainement Matthieu en regardant son portable. Six appels en absence, elle ne peut pas attendre que je la rappelle ? S'agaça-t-il encore plus.

— Matthieu parle mieux de ta mère, le réprimanda son père.

— Quand elle arrêtera d'être aussi têtue, peut-être que je m'énerverai moins, lança-t-il cinglant. Hannah je reviens, je vais la rappeler.

— D'accord.

Il partit aussitôt dans la pièce qui devait être sa chambre. Je regardai alors autour de moi, l'entrée était pile entre le salon à droite et la cuisine à gauche, tout était ouvert, il n'y avait que le coin nuit qui se trouvait à l'écart du reste de l'appartement.

— Un vrai homme d'affaires, rigola Rick qui me sortit de mes pensées.

Je tournai alors la tête et le trouvai dans la cuisine, trois verres déjà sortis. Je déposai mon manteau sur un des crochets vides accrochés au mur et partis m'installer sur l'îlot central.

— Je me fais également souvent cette réflexion, répondis-je amusée.

— Vraiment ? S'étonna-t-il intéressé. Tu penses qu'il pourrait en être un ?

Je fus étonnée par sa question.

— Oui, carrément, répondis-je franchement, je pense même qu'il devrait faire ça plus tard, il en a les épaules en tout cas.

Son père me regarda intrigué, il allait commencer une nouvelle phrase quand Matthieu réapparut.

— Et bien sûr quand c'est moi qui essaie de la joindre elle n'est pas capable de répondre, fustigea-t-il en s'asseyant au bout de l'îlot, près de moi.

Son père me regarda à la fois fatigué et amusé par le comportement de son fils puis alla ouvrir le frigo.

— Qu'est-ce qui se passe avec ta mère ? Demandai-je un peu perdue.

Matthieu soupira.

— Elle n'arrête pas d'insister pour que je retourne vivre avec elle, mais ce qu'elle ne comprend pas c'est que je n'en ai pas envie ! S'exclama-t-il énervé.

— Pourquoi ? Demandai-je pour comprendre.

— C'est plutôt évident, j'aime cet endroit, je me sens bien, il me ressemble et avec mon père je peux être moi-même et faire tout ce dont j'ai envie.

Son père se racla la gorge. Il était adossé à sa cuisine écoutant son fils.

— Oui, enfin pas tout non plus, compléta-t-il amusé.

Je souris à mon tour et repris.

— Et même quand tu lui expliques tout ça, elle ne le comprend pas ? Demandai-je essayant de comprendre quel genre de mère il avait.

Il soupira.

— Même si je lui expliquais elle ne le comprendrait pas, elle est extrêmement têtue, lança-t-il désespéré.

Je baissai la tête vers la table, essayant de trouver un moyen de l'aider.

— Et l'appartement est si nul que ça ? Lançai-je un peu pour le détendre.

— Je n'en sais rien, je n'ai jamais été le voir, j'ai l'impression que si j'y vais le piège se refermera derrière moi, lança-t-il amusé.

Je souris à mon tour, Matthieu savait se montrer tout aussi obstiné apparemment.

— Je pense que tu devrais y aller, au moins pour le visiter, montrer à ta mère que tu lui portes de l'intérêt et pas tout rejeter en bloc. Si ta mère est aussi insistante, c'est sûrement qu'elle tient à toi et qu'elle a envie de le partager avec son fils. Et qui sait, si tu fais le premier pas peut-être qu'elle sera plus en mesure de t'écouter également. Si tu ne lui expliques pas les choses correctement comment veux-tu qu'elle sache ce qu'il y a dans ta tête. Ils ont beau être nos parents, ils n'ont pas de super pouvoir.

Une Saison Suffit - 2. La pivoine | FinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant