68. Hannah

70 9 2
                                    

Après de derniers au revoir avec ma grand-mère sur le quai, je partis m'asseoir dans le train, anxieuse. J'allais voir Matthieu ce soir, j'allais enfin pouvoir lui parler et peut-être même l'embrasser. En imaginant ses lèvres sur les miennes mon cœur s'emballa et je sentis mes joues rougir. Le train démarra au même moment et je sus qu'il n'était plus question de faire demi-tour, ma grand-mère m'avait donné une chance de vivre enfin une vie dont j'avais été si souvent spectatrice et je ne la gâcherai pas.

Les quatre heures de train me parurent interminables, je retournai en boucle ce que je voulais dire à Matthieu et plus je me le répétais, moins j'étais confiante. Je descendis du train extrêmement stressée, je dus lutter pour avancer pas par pas. Ce sentiment s'atténua quand j'aperçus Thomas et Pauline qui m'attendaient au loin. Je les avais avertis la veille de mon retour prématuré, leur demandant de ne rien dire à Matthieu.

— Hannah ! S'exclama Pauline heureuse de me revoir. Le trajet s'est bien passé ?

— Oui, un peu long, mais ça va, répondis-je nerveuse, merci d'être venu me chercher en pleine fête.

— C'est normal ! Matthieu va être tellement content de te voir, se réjouit Pauline.

— Je l'espère, souris-je crispée.

— Par contre il n'était pas encore à la soirée quand on est parti, on devrait passer chez lui avant, me conseilla Thomas.

J'acquiesçai et nous partîmes en direction de son appartement. Moins les kilomètres me séparaient de lui, plus l'anxiété prenait le pas sur ma détermination. Un lourd silence avait envahi l'habitacle et je devinai qu'ils sentaient ma nervosité.

Nous arrivâmes devant le Rick's trop vite à mon goût, mes jambes étaient paralysées.

— Tu veux qu'on t'accompagne ? Demanda Pauline prévenante.

— Non, je dois le faire toute seule.

Je trouvai enfin le courage d'ouvrir la portière et de me glisser dans le froid hivernal. Je n'osai pas me retourner, et quand j'atteins la porte ma main hésita avant d'enfin appuyer sur l'interphone. J'attendis plusieurs secondes, insistai, rien. J'entendais le vacarme dans le pub juste à côté, la fête du Nouvel An battait son plein. Je me retournai alors vers Pauline et Thomas et haussai les épaules.

— Il n'est pas là, renseignai-je en arrivant à leur niveau.

— Il est peut-être arrivé à la fête entre temps, suggéra Thomas. Tu peux appeler Benoît, s'il te plait ?

Pauline s'exécuta.

— Ouais Benoît, dis-moi ! Matthieu est là?... Oui elle est avec nous... Ok, on va continuer de chercher alors.

Je vis Thomas occupé sur son téléphone au même moment, secouer la tête de dépit et le ranger.

— Il ne répond pas. Qu'est-ce qu'on fait alors ?

— Je vais voir dans le bar, peut-être qu'il a voulu rester avec son père, essayai-je de comprendre.

Ils acquiescèrent et je partis en direction du bar espérant cette fois le trouver. Quand j'ouvris la porte, la foule me surprit, je n'avais jamais vu cet endroit aussi bondé, je cherchai des yeux, dans l'espoir d'apercevoir une crinière blonde, mais je peinai à distinguer quoi que ce soit. Je décidai alors de me diriger vers le bar, son père y était, plaisantant avec des clients. J'arrivai difficilement à atteindre le comptoir et une fois à bon niveau je l'interpellai.

— Rick !

Il se retourna aussitôt, surpris.

— Hannah ? Que fais-tu ici ? Tu n'étais pas chez ta grand-mère ?

— Si, mais je suis rentrée plus tôt, répondis-je gênée. Je cherche Matthieu.

— Mais il n'est pas ici, il est parti à la soirée qu'organisent Thomas et Pauline.

— Non, nous avons appelé là-bas à l'instant, Benoît m'a dit qu'il n'était pas là et il est injoignable.

Je vis la peur se lire sur le visage de son père.

— Pourtant il est parti il y a bientôt une heure, il est venu me souhaiter une bonne année avant de monter en voiture. J'ai vu sa voiture partir, insista-t-il.

Je commençai à paniquer également. Je ne savais pas où il avait pu aller, et si ?

— Je vais retourner chez moi, peut-être qu'il est là-bas finalement et que Benoît ne l'a juste pas aperçu.

— D'accord, dis-lui de me joindre si tu le vois.

— Je le ferai, ne vous inquiétez pas.

Je vis son regard inquiet et j'essayai de lui rendre un sourire rassurant, mais moi aussi j'avais peur.

Je sortis du bar un peu secouée.

— Alors ? Me demanda Pauline.

— Il n'est pas là non plus, son père l'a vu partir avec la voiture il y a plus d'une heure. Je lui ai dit qu'on retournait à l'appart, peut-être que Benoît ne l'a juste pas aperçu.

— Oui ça se peut, il avait l'air un peu éméché.

Je montai dans la voiture et nous démarrâmes dans un silence encore plus pesant que celui qui avait recouvert le trajet précédent. Je regardai les passants dans la rue, espérant en voir un qui ressemblait à Matthieu. Où pouvait-il être ? La pensée de sa mère me vint en tête, mais pourquoi le cacher à son père, de plus je ne savais pas où elle habitait, ni comment la joindre. Quel autre endroit avait-il ? Chez Xavier ?

— Il est peut-être chez ses potes de l'université, suggérai-je.

— Non, répondit aussitôt Thomas, Xavier et Max sont également à notre fête, Nico est chez lui avec sa copine.

La tension monta encore d'un cran, j'avais épuisé toutes les pistes que j'avais et je priais pour qu'il soit, finalement à la fête.

Les minutes passèrent comme des heures, mon cerveau cherchant toujours une réponse. Quand soudain la solution apparut devant moi, je savais où il était.

— Je sais où il est ! M'exclamai-je.

— Où ça ? Demanda Thomas prêt à changer de direction à tout moment.

— Je vais y aller moi-même, dépose-moi devant l'appart, je vais prendre ma voiture.

Thomas fronça les sourcils, mais accepta sans rien dire. Deux minutes plus tard, je descendis de la voiture en vitesse, je savais qu'il était là-bas.

— Tu ne peux pas nous dire où tu vas au moins ? Demanda Thomas en sortant de sa voiture.

— Je vous expliquerai plus tard, criai-je de l'autre côté de la rue, mais préviens son père que je sais où il est.

— Tu es en es sûre ?

— Oh oui !

Parce que je le connais mieux que n'importe qui, Matthieu avait raison, sa condition sociale ne le définissait pas, j'étais la seule à connaître le vrai Matthieu.

Ma voiture ne démarra pas tout de suite, mais quand elle le fit je ne pris pas le temps de la ménager, j'avais trente minutes de route pour y arriver, et je ne voulais pas perdre une seconde de plus.

Une Saison Suffit - 2. La pivoine | FinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant