53. Hannah

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Le lendemain matin je partis vraiment très tôt, le gel était présent sur toutes les surfaces et malgré la couche de vêtements je pouvais sentir le froid m'engourdir. Je ne traînais d'ailleurs pas longtemps dehors, le temps de dégivrer mon pare-brise et de monter dans ma voiture qui s'était transformée en réfrigérateur durant la nuit. Le contact du volant froid me donna des frissons qui parcoururent tout mon corps, je me mis à rêver d'un siège et d'un volant chauffant. Heureusement pour moi l'université n'était pas très loin, le parking était vide et j'aperçus très rapidement la voiture de Matthieu. Je souris à l'idée de le savoir déjà là, je me garai à côté de lui puis partis très vite en direction de la bibliothèque.

Quand j'entrai dans le bâtiment, je fus enveloppée d'une chaleur que j'acceptai avec grand plaisir, ne le voyant pas au rez-de-chaussée je montai à l'étage et après quelques pas à travers les allées je le vis. Il était assis, journal à la main, crayon dans l'autre, concentré sur ses mots fléchés. Mon cœur fit un petit bond quand je l'aperçus, il était tellement beau, mais au-delà de ça, il était tout ce que je désirais en ce moment. Je m'approchai de lui et il leva les yeux vers moi, un large sourire se dessina sur son visage. J'arrivai enfin à son niveau et il se leva pour m'embrasser, je fus étonnée, mais je le laissai faire, sa chaleur me fit du bien.

— Tu as froid, remarqua-t-il refroidi.

— Oui, j'étais congelée durant tout le trajet, je n'ai pas réussi à me réchauffer, expliquai-je en enlevant mon manteau, mais laissant mon écharpe.

— Pourquoi tu n'as pas mis le chauffage ? Demanda-t-il étonné.

Je le regardai un peu désespérée.

— Tu crois réellement qu'il y a le chauffage dans ma voiture ?

Je m'assis amusée, dans quel monde il vivait ?

— C'est vrai, pardon, s'excusa-t-il en s'asseyant à son tour, parfois j'oublie la chance que j'ai d'avoir cette voiture.

— D'ailleurs, je ne sais toujours pas d'où elle vient, lui fis-je remarquer intéressée.

Je le vis un peu gêné puis il me répondit.

— Ma mère me l'a offerte quand j'ai eu mon bac, pour que ce soit plus simple de me déplacer ici.

Je le regardai étonnée.

— Ta mère en a de l'argent à dépenser.

Il se mit à rire.

— C'est ce que je lui ai dit.

Je souris amusée, sa mère devait vraiment l'aimer malgré ce qu'il me disait.

— J'aurais bien aimé que ma mère fasse de même, mais elle m'a payée le permis, c'est déjà ça, fis-je remarquer reconnaissante.

— Connaissant ta mère ça me paraît même miraculeux, plaisanta-t-il.

Je ris de nouveau.

— C'est vrai, mais pour elle c'est un devoir de parent de payer le permis à son enfant. Il ne faut pas chercher, ça m'est bien utile maintenant en tout cas.

Il me sourit tendrement et je lui répondis en retour.

— Au fait, se souvint-il, j'ai pris rendez-vous pour que l'on fasse une prise de sang demain matin avant les cours pour savoir si on peut enlever ce préservatif.

Je fus assez gênée qu'il en parle aussi facilement dans un lieu public, certes il n'y avait personne, mais cela me fit bizarre.

— Ok, on ira ensemble ? Demandai-je naturellement.

— Oui, mais ce serait plus pratique de dormir chez toi alors.

— Pas de soucis, lui souris-je étonnamment heureuse de savoir que je pourrais être avec lui cette nuit.

— Alors j'ai hâte d'être à ce soir maintenant, me sourit-il heureux.

Notre relation commençait à devenir de plus en plus naturelle, et je devais avouer que j'aimais ça. Mon regard s'abaissa alors sur son journal, je vis qu'il n'avait pas fini son jeu.

— Rose.

Matthieu me regarda étonné et je pointai du doigt la case en question.

— La fleur des poètes, la rose, expliquai-je.

— Ah oui, dit-il en complétant son mot fléché, tu veux qu'on le fasse à deux ? Proposa-t-il gentiment.

— Si tu veux, répondis-je avec un sourire.

Il s'installa alors près de moi et me montra une définition dont le mot lui échappait. Je me mis à le chercher avec lui quand je sentis sa main frôler la mienne sous la table, mon cœur fit un léger bond de surprise puis il me la prit et nos doigts s'entrelacèrent.

***

Le mardi matin nous arrivâmes fatigués au laboratoire, il était beaucoup trop tôt pour se faire retirer du sang. Nous nous rendîmes à l'accueil et nous patientâmes qu'on veuille bien nous appeler.

— Tu n'aimes pas les prises de sang ? Me demanda Matthieu remarquant mon stress.

— Non, les aiguilles ne m'ont jamais dérangée, souris-je en montrant mon bras rempli de tatouages.

— Alors pourquoi je te sens nerveuse ?

Je n'avais pas encore osé lui raconter mes relations non protégées à risque, j'avais peur que son jugement sur ma personne se détériore. Mais peut-être qu'il fallait que je lui dise avant de recevoir les résultats.

— Je... j'ai peur de ce qu'ils pourraient découvrir, avouai-je à contrecœur.

— Comment ça ? Demanda-t-il étonné.

— Je n'ai pas toujours été très sérieuse avec Alex. Je savais qu'il allait parfois avec d'autres filles et je m'en foutais un peu de ce qu'il avait pu attraper.

Cela me fit mal de lui parler de ces fois-là, je savais que ça pouvait le blesser et encore plus de lui raconter ce genre de détails. Je le vis se crisper un peu et serrer la mâchoire, il essayait de se contenir.

— Et avec Josh ? Demanda-t-il simplement.

— On s'est toujours protégé.

Il hocha la tête avant de reprendre.

— C'est complètement inconscient comme comportement, tu aurais pu attraper n'importe quoi, tu aurais pu mourir, me réprimanda-t-il.

— J'en étais consciente, répondis-je franchement, c'est un peu ce que je cherchais. Mais maintenant...

J'avais le cœur gros, je sentais les larmes se bloquer dans ma gorge.

— Maintenant j'ai peur de découvrir que ce sera le cas, j'ai envie de vivre, pour la première fois depuis longtemps, avouai-je très difficilement.

Je sentis le regard de Matthieu posé sur moi, me jaugeant, puis sa main se glissa dans la mienne.

— Tout ira bien, me réconforta-t-il, et si on apprend que tu as quelque chose, j'irai moi-même régler son compte à Alex.

Au début je pensais qu'il plaisantait, mais quand je vis son air grave je sus qu'il lui en voulait réellement.

— Ce n'est pas vraiment de sa faute, l'excusai-je.

— Si, c'est en grande partie de sa faute, il était avec toi, même si ce n'était que de l'amitié, il se devait de te protéger de ses écarts. Et il pouvait te dire non pour le faire sans protection, mais ça devait bien l'arranger que tu veuilles le faire sans capote.

J'observai Matthieu, un peu confuse, c'était dans ces moments-là que je réalisais tout l'amour qu'il avait pour moi. Jamais personne n'avait autant exprimé l'envie de me protéger.

— Monsieur Leconte ?

Matthieu se leva et se pencha vers moi.

— Ça va aller Hannah, je serai toujours présent pour toi.

Puis il m'embrassa tendrement.

Une Saison Suffit - 2. La pivoine | FinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant