Chapitre 18

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« Je n'imaginais pas le retour de Gabriel comme ça. Je n'imaginais pas que ce serait festif et que tout rentrerait dans l'ordre, c'est évident, mais je n'imaginais pas que ce serait aussi dur et morose. Gabriel donne l'impression d'être mort au Guatemala et de ne plus être que l'ombre de lui-même, comme si nous n'avions plus que son corps alors que son âme s'en était déjà allée. Avant, je ne croyais pas aux fantômes, mais c'était avant que Gabriel ne rentre parce que, maintenant, je sais que ça existe. Peut-être que c'est seulement une métaphore, mais Gabriel en est un. »

— Marie Saint-Clair


Je me suis officiellement réinstallé chez mes parents et, contre toute attente, ça me fait beaucoup de bien. Ma sœur est impliquée à mille pour cent dans ma convalescence : elle assiste à toutes mes séances pour apprendre à lire sur les lèvres ou pour apprendre la langue des signes. Elle s'est mise à lire de nombreux livres et témoignages sur les personnes devenues sourdes et rencontre toutes les associations susceptibles de m'aider à faire un choix pour une éventuelle opération. Bien sûr, elle tient à ce que ma vie ne tourne pas essentiellement autour de mes oreilles alors elle programme des sorties, des balades, on regarde des films sous-titrés et elle m'oblige à assister à son cours de danse en ligne. Marie me maintient en vie parce qu'elle sait que si je m'arrête, je lâcherai prise. Mais aujourd'hui je suis fatigué, je n'ai pas envie d'aller manger une glace avec elle et, comme William me manque un peu, je m'éclipse lorsqu'elle est sous la douche – en lui laissant tout de même un mot pour ne pas l'inquiéter. Avant, je n'aurais jamais fait ça parce que je n'y voyais aucun intérêt, mais maintenant j'ai compris que ce n'est pas parce que je ne sais pas pourquoi les gens m'aiment ou que j'ai du mal à les croire que c'est faux. Ce n'est pas parce que je ne m'aime pas, que je dois décider pour les autres. Alors même si je n'estime pas que ce soit important de prévenir parce que je me fous bien de savoir où se trouve Gabriel Saint-Clair et s'il va bien, j'ai compris que ça intéressait ma sœur : je ne vais pas la priver de ces informations.

Quand j'arrive à l'hôtel, personne ne fait attention à moi. Pas parce qu'ils s'en foutent, mais parce qu'ils ne savent pas comment réagir en ma présence et qu'ils préfèrent faire comme s'ils ne m'avaient pas vu plutôt que de se demander s'il faut me faire un signe de la main ou me crier dans les oreilles.

Quand j'arrive au cinquième étage, Jessica est dans le couloir devant la porte de la salle de réunion et, plus je m'approche, plus j'entends des hurlements. C'est un vrai brouhaha avec mes acouphènes mais, une fois devant la porte du bureau, je reconnais William. L'autre voix, je ne sais pas à qui elle appartient, mais je comprends rapidement que c'est celle de Fabio.

"Qu'est-ce qu'il y a ?", j'écris sur mon portable avant de le présenter à Jessica.

Elle grimace et écrit rapidement sur son calepin : "dispute".

"Divorce ?"

Elle secoue la tête. Dommage, même si j'ai compris que je resterai toujours la roue de secours.

"Moi ?"

Cette fois-ci, elle valide alors je m'approche au maximum de la porte et ça crie tellement que j'arrive plus ou moins à distinguer ce qui se dit avec mon oreille la moins endommagée.

« Je n'accepterai plus d'être ridiculisé comme ça ! Va falloir que tu portes tes couilles William parce que j'ai l'impression d'avoir épousé une fiotte ! »

William ne crie pas aussi fort alors je n'entends pas ce qu'il dit, mais Jessica me jette un regard inquiet et quand Fabio reprend, ça me fend le cœur.

GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant