Chapitre 10

700 60 6
                                    


« Même si c'est affreusement douloureux, il faut savoir décrocher avant que ça ne devienne trop compliqué. »

— William Powell


Lorsque j'arrive à l'hôtel, Jessica est toujours fidèle au poste. Je n'ai pas connaissance de son emploi du temps et si elle a une vie hors du travail, mais elle est bien plus souvent présente que tous ses autres collègues réunis. Elle grimace en me voyant arriver ; je ne sais pas si c'est ma tête ou ma présence qui lui déclenche cette réaction. C'est vrai qu'au début on ne s'aimait pas, mais j'ai beaucoup parlé avec elle et j'ai appris à l'apprécier.

« Gabi ça craint, t'as pas le droit d'être ici...

— Ah ouais ? »

Je n'arrive même pas à faire comme si ça ne m'atteignait pas. Je suis déjà au plus bas et je n'ai pas envie de devoir creuser encore.

« Je suis désolée, faut que tu t'en ailles.

— Y a quelqu'un là-haut ? »

Elle ne répond pas et ça veut certainement dire oui alors je ne perds pas une seconde de plus et je fonce vers les ascenseurs. Je monte jusqu'au cinquième étage pour rejoindre la chambre que j'occupais avant ; je ne frappe pas, je rentre. Dieu merci, je n'interromps rien du tout, mais William est en train de se rhabiller alors que j'entends la douche couler.

« Dans ma chambre ?, j'articule difficilement. Sérieusement ?

— Qu'est-ce que tu fais là ? T'as pleuré ?

— Non. »

Il sait que je mens et il termine d'enfiler son t-shirt sans pour autant insister.

« T'avais le choix, il finit par me dire. C'est toi qui as provoqué cette situation.

— Alors c'est tout... ? Tu t'en fiches ? On est partis en vacances et–

— Ne rends pas ça plus difficile, Gabi.

— Mais j'sais pas où aller, j'ai personne qui–

— Tu viens seulement quand t'as besoin d'argent. T'as des parents, Gabriel. Ils n'ont qu'à faire leur boulot.

— Ils m'ont foutu dehors.

— C'est pas la première fois, c'est bon.

— Non, cette fois c'est différent. Avant c'était souvent moi qui partais et ils étaient inquiets, c'est vrai que je te mentais... Mais là, ils m'ont foutu dehors parce que je suis gay. Pour de bon. »

Il me scrute un instant sans rien dire et c'est à ce moment-là que mon imbécile de remplaçant fait son entrée. Le gars, c'est carrément une gravure de mode et je me sens minable. Je ne peux même pas me rassurer en me disant que c'est un pauvre type dégueulasse qu'il a trouvé parmi les junkies du coin parce qu'avec son mètre quatre-vingt-dix et son sourire ultra blanc, il me remballe au moins cent fois.

« Tout va bien ? C'est qui ? »

William ne répond pas et c'est pire que le mensonge parce que ça veut dire que je ne suis rien du tout. Même pas un ex, une erreur, son filleul, le service d'étage... Je suis rien. Il fouille dans ses poches et en sort une liasse de billets assez impressionnante ; après avoir brièvement compté, il s'approche pour les coincer dans la poche arrière de mon jean et c'est vraiment difficile de ne pas m'accrocher à lui pour me supplier de me reprendre.

« Y a £2000.

— Mais–

— Y a £2000, reprend-t-il pour m'empêcher de continuer, alors tu les prends, tu vas où tu veux, mais tu ne reviens pas.

GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant