Chapitre 11

617 64 19
                                    


« Je sais que Naël a mis un moment à tourner la page. Parfois, j'ai l'impression qu'il y pense encore, parce que ne pas savoir est quelque chose d'affreux. Mais je sais aujourd'hui que lorsqu'il me fait l'amour, il ne pense plus à Gabriel. »

— Flynn Higgins


Aujourd'hui, les vacances de Noël commencent et je n'ai jamais autant redouté cette période de l'année de toute ma vie. C'est la première fois que j'ai un amoureux sérieux et c'est la première fois que je dois choisir un cadeau pour une occasion comme celle-ci en étant en couple.

« Naël ? »

Ma mère frappe à ma porte et entre sans véritablement attendre de réponse.

« T'es réveillé, chéri ? Il est tard et je pensais que tu voulais aller faire quelques boutiques...

— Désolé, j'ai traîné au lit. Je me suis endormi tard.

— Quelque chose te chiffonne ?

— Bof... je ne sais pas quoi lui offrir. J'arrête pas d'y penser.

— Tu le connais bien, non ? Tu devrais trouver.

— Oui, oui. C'est juste que j'ai des idées de cadeaux d'anniversaire, des idées de cadeaux de St Valentin, des idées de cadeaux pour chaque nouveau mois passé avec lui mais Noël... je sais pas, moi. Qu'est-ce qu'on offre à Noël ? »

Ma mère esquisse un sourire avant de s'installer sur le bord de mon lit.

« Peut-être que tu réfléchis un peu trop... ?

— Tu crois ? Et si Flynn trouve ça nul ?

— Alors évite de prendre quelque chose de nul. Tu pourrais tu prendre quelque chose d'utile ? Un vêtement, par exemple.

— C'est pas nul ?

— Non, c'est très bien.

— Il se plaint toujours qu'il n'a pas assez de pull. Et il me vole toujours mon écharpe. »

Ma mère pose sur moi un regard bienveillant et je réalise que j'ai trouvé quoi lui offrir. Je n'ai pas dormi de la nuit pour rien. Parfois, j'ai vraiment l'impression de me noyer dans un verre d'eau.

« Bon bah... je m'habille, je mange et on y va ? Ça te gêne pas de m'accompagner ? T'es sûre ?

— Tu rigoles ? C'est pas tous les jours que tu me demandes de t'accompagner faire les magasins ! On pourra rapporter quelque chose à manger pour ce midi.

— Génial ! »

Elle s'approche pour me faire un bisou et elle quitte la chambre ; j'attrape mon portable pour découvrir que j'ai déjà plusieurs messages de Flynn. Rien de bien intéressant puisqu'il me raconte une anecdote à propos de sa sœur, mais je ne peux pas m'empêcher de sourire. De toute façon, dès que j'ai son attention, je souris. J'ai beaucoup de chance qu'il ait accepté de me laisser me racheter.

Je lui réponds avant de me lever et en une petite demi-heure, on est sur le perron, maman cherchant désespérément les clés de la maison dans son sac à main.

« T'es sûre que tu les as pas laissé sur le meuble de l'entrée ?

— Ah... peut-être ! Tiens, installe-toi. Il fait froid. »

Je prends les clés de voiture qu'elle me tend et ce que je redoute le plus en sortant de chez moi se produit : Marie Saint-Clair en fait de même. J'ai beau me dépêcher de regagner la voiture, nos regards s'accrochent et le temps s'arrête. Les traits de son visage sont tirés et elle ne parvient même pas à sourire. Elle me fait un signe de la main et ma mère interrompt l'instant.

« C'est bon ! Elles étaient dans ma poche ! »

Marie s'en va, je monte en voiture et quand ma mère prend place, je vois qu'elle se demande si elle doit m'en parler ou pas.

« C'est pas un sujet tabou, maman. C'est bon.

— T'as des nouvelles ? »

Je secoue la tête.

« Non, pas depuis notre dispute.

— C'est triste, ce qui leur arrive.

— Tu sais... je crois qu'ils ont provoqué ça. Je crois que c'est de leur faute.

— Naël, ne sois pas aussi dur...

— C'est pas le cas, maman ! Eux, ils étaient durs avec Gabriel, vraiment. Tu sais pas tout. Mais tu constates au moins qu'ils étaient tellement durs qu'il a fugué et ce n'est pas parce qu'ils ont placardé des affichettes dans toute la ville et qu'ils ont remué ciel et terre pour tenter de le retrouver avec des mots sur les réseaux sociaux qu'ils ne sont pas responsables. Les gendarmes leur ont dit qu'ils ne pouvaient rien pour eux, tu réalises ? Il a fugué et ils ont cherché trois semaines avant qu'il devienne majeur et l'aide des forces de l'ordre s'arrêtait là. Ils savent que c'est une fugue parce que ça n'a rien d'une disparition inquiétante. Il est parti et c'est de leur faute.

— Il est parti sans son portable, sans aucune de ses affaires, mon cœur.

— Et quoi ? Il s'est fait kidnapper ? C'est ce que sa mère t'a dit ? Elle pense ça ?

— Je suppose, oui. Elle est dévastée.

— C'est elle qui l'a privé de son portable, Marie me l'a dit. Ils ont eu une dispute et sa mère lui a dit d'aller faire un tour et il n'est pas rentré. »

Le dire de cette manière me soulève le cœur. Je n'ai jamais cru qu'il lui était arrivé quelque chose et c'est pour ça qu'on s'est disputés avec Marie, mais aujourd'hui, quand j'y pense, je me demande s'il l'aurait véritablement laissée sans nouvelle tout ce temps ? C'est sa jumelle après tout, ils étaient fusionnels.

« Il ne lui est rien arrivé, maman, dis-je finalement avec détermination. C'est Gabriel. Il est égoïste et il est parti voir si l'herbe était plus verte à côté. Certainement que oui parce qu'autrement, il serait déjà revenu. Il se fiche des autres. Il n'a toujours pensé qu'à lui et je m'en rends compte aujourd'hui. Et je ne dis pas ça parce qu'il m'a brisé le cœur ou parce que je suis en colère contre lui. C'est purement objectif : si Gabriel n'a pas ce qu'il veut, il va voir ailleurs. C'est comme ça. »

Ma mère ne répond rien et le silence qui suit mon petit discours est bien plus lourd que je n'aurais pu l'imaginer. Quand je pense à Gabriel, j'ai mal. Je souffre toujours parce que l'inachevé me ronge et qu'il a tout abandonné sans me donner d'explication. Un jour on passait une nuit géniale à faire des pancakes, et le lendemain il disparaissait sans plus jamais me donner de nouvelle. Tout allait bien et il est parti. J'étais amoureux et il est parti. Il m'a laissé, sans se soucier du mal que ça me ferait et je le déteste pour ça. Gabriel a choisi de me laisser tomber parce que je ne comptais pas assez pour qu'il reste et maintenant que j'en suis plus ou moins remis, j'essaie de ne plus y penser parce que lui, il ne doit plus penser à moi. Ça me fait tellement mal de réaliser que ça fait 18 ans qu'on est amis et presque tout autant que j'en suis amoureux et que lui, il a pu partir sans se retourner, sans un mot. Rien. Comme si je n'avais jamais compté – ce qui est sans doute le cas, d'ailleurs.

« Naël... ? Tout va bien ?

— Super. »

Mon amertume jette un froid dans l'habitacle et je m'en veux immédiatement ; elle n'y peut rien, ma mère, mais j'aurais préféré ne pas croiser Marie ce matin. Ça m'aurait évité de me souvenir à quel point Gabriel me manque. 


#GabrielFIC

Un nouveau point de vue de Naël ! J'espère que ça vous a plu. 

Amicalement, LT.

GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant