Chapitre 22

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« J'ai toujours pensé que Gabriel était une drogue. J'ai la certitude aujourd'hui que c'est un poison. Un poison qui nous tue à petit feu et dans d'atroces souffrances. »

— William Powell


Quand je débarque à l'hôtel, William est en pleine réunion, Fabio installé face à lui. Jessica m'a couru après tout le long pour m'empêcher d'entrer, mais ça m'arrangeait bien de ne pas entendre sa voix fluette pour une fois.

Immédiatement, William se lève et l'ambiance s'alourdit. Plus de brouhaha ambiant, simplement mes acouphènes et des regards assassins qui veulent dire : on sait qui tu es, comment tu oses te pointer ici ? Quand j'y regarde mieux, il n'y a pas grand monde à cette réunion et je n'y comprends pas grand chose avant que William ne me prenne par les épaules pour me faire sortir de force.

Pendant un bref instant, je me sens bien. Parce qu'il me touche, parce que j'existe pour lui. J'ai réalisé que, maintenant que les gens s'évertuent à me parler avec leur main, ils ne prennent plus le temps de me toucher. Ou moins qu'avant. Je n'ai jamais été quelqu'un de tactile et ça aurait dû me convenir mais... on n'est jamais satisfait de ce qu'on a, de toute façon.

« Va m'attendre dans la chambre, tu ne peux pas débarquer comme ça. Tu—

— C'est terminé. »

J'ai l'impression qu'il se prend un coup de poing. Il fixe le vide, comme s'il était sonné.

« De quoi, c'est terminé ?, finit-il par demander.

— Toi qui te fous de ma gueule. C'est fini. Je réalise que, quoi que je fasse, ce n'est jamais assez. Je ne suis pas assez bien pour toi, je ne suis pas assez riche, assez vieux, assez intéressant. Je suis handicapé, maintenant. J'ai—

— Je suis en train de demander le divorce, Gabriel. Ce que tu viens de voir là, c'est Fabio et nos avocats qui débattent de comment on va pouvoir s'arranger pour mettre fin à ce mariage chaotique. Puis t'es pas handicapé, tu peux te faire opérer, ça va s'arranger. »

Là, c'est à moi de me prendre un coup et d'être sonné. Je me suis fait à l'idée que c'était fini, que je ne l'avais jamais aimé et que j'étais enfin libre, puis... lui, lui il gâche tout. Il envoie tout balader en moins d'une seconde.

« Gabi ? »

Il caresse ma joue du dos de sa main et je me sens submergé par une vague d'émotions.

« Tu divorces ? »

Il acquiesce avec un sourire et je réalise que, parmi toutes les émotions que je ressens, il n'y a en a aucune qui me dit de me réjouir. Aucune. C'est étrange, non ? Sachant que j'ai attendu ce moment pendant des mois – voire quelques années.

« Pourquoi tu divorces ?, je demande simplement.

— Parce que je peux me le permettre ! Ça y est. Je n'ai plus besoin de lui. Il le savait et... »

Je n'écoute plus : ça fait trop mal. C'est la douche froide parce que, parmi toutes les raisons que je voulais entendre, celle-ci n'était pas prévue. Quand je baisse les yeux, il sait que je perds le fil alors il saisit doucement mon menton pour que je le regarde.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

— Alors c'est pas pour moi ? »

Il fronce les sourcils, comme s'il ne comprenait pas. C'est sans doute le cas d'ailleurs, parce qu'au fond, c'est à lui qu'il pense en premier. Toujours. Je le réalise aujourd'hui et ça fait vraiment mal.

GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant