Arrest Me - T2

1. Mental

ZOÉ

— Merci, mamou.

Je déballe sur mon lit le kit de vernis à ongles que ma mère m'a apporté.

— Tu n'auras plus l'air d'une paysanne.

— Nous sommes tous paysans dans l'âme, maman.

Elle rit en s'asseyant sur le matelas avec moi.

Je sors les bouteilles de gel, la lampe UV, les différentes couleurs de vernis, pile les couleurs que j'aime. Je lis les instructions sur les bouteilles de gel, excitée d'essayer pour la première fois de me les faire moi-même. Parce qu'un hôpital de désintoxication pendant trois mois, ça veut dire des ongles moches pendant trois mois aussi, ce qui est aussi inacceptable pour ma mère que pour moi.

Je sens les yeux de maman peser sur moi pendant que je m'excite sur son petit cadeau. Je plonge alors mon regard dans le sien en déposant les flacons de vernis sur l'édredon noir.

Bleu dans bleu.

— Je ne sais pas comment tu t'es rendue ici, Zoé, souffle-t-elle avec une infinie tristesse dans la voix.

Mon sourire retombe.

La réalité me revient en pleine face.

Non, je ne suis pas dans mon propre appartement au milieu du centre-ville comme je l'ai toujours voulu, acheté avec l'argent que j'aurais fait en dansant à l'Opéra de Paris. Je ne suis pas libre comme l'air et sans antécédents judiciaires. Je suis plutôt dans un putain d'hôpital de désintoxication après que mon frère et moi avons failli mourir à cause de mes décisions complètement stupides, de mon addiction au fentanyl, de mon addiction à lui.
Je me suis laissée enfoncer de mon propre gré dans une affaire beaucoup plus grande que moi, plus grande que nous.

Pour un relâchement momentané des sens, j'ai accepté de faire l'inacceptable. Pour ce que j'ai cru être de l'amour, j'ai accepté de faire l'inacceptable.

Pour la drogue, j'ai accepté de voler.
De mentir.
De me faire abuser sexuellement.
De trahir mon frère. De trahir mes valeurs.
De me trahir moi-même.

De trahir mes parents.

De m'éloigner de tous ceux qui ont un jour cru en moi. De perdre leur confiance.

De regarder mes rêves d'un jour devenir une danseuse professionnelle s'envoler en fumée.

De détruire mon corps de mes propres agissements, de mes propres mains.

De détruire mon avenir.

Et ma mère a beau essayer de venir me rendre visite régulièrement, je sais que plus rien ne sera jamais comme avant. Parce que mon père ne daigne même pas soulever le téléphone pour prendre de mes nouvelles. Parce que Luka n'est plus aussi proche de moi qu'avant. Parce que Margaux ne vient jamais me visiter lorsque Noah, lui, se démerde avec son horaire pour me trouver un moment. Parce que mes parents n'ont rien dit à personne à propos de ce qui est arrivé ces derniers mois.

Je suis la honte des Carpenter.

Parfois... parfois, je souhaite que Greyson m'ait tiré une balle à moi au lieu de mon frère, que j'en sois morte et que ce soit la fin de cette putain d'existence minable. Parfois, j'ai envie de me jeter de cette seule putain de fenêtre qui éclaire ma chambre et d'en finir.