48. Paralysie

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ZOÉ

Il s'est endormi.

Dans le lit.

À côté de moi.

Il ne m'a pas réveillée. Il ne m'a même pas touchée. Il n'a pas dit un mot. Il venait probablement de boire comme un trou. Il ne doit même pas se souvenir que je suis ici.

Et je suis maintenant réveillée, je suis dos à lui et je suis paralysée de peur.

Je ne veux pas oser bouger, le réveiller, croiser son regard et attiser ses foudres. Je ne veux pas oser bouger et sentir ses mains sur mon corps. Je ne veux pas oser bouger et me rendre compte que tout ça est réel. Je veux me rendormir, me réveiller et me retrouver dans ma chambre chez maman et papa, prête à enfiler mes chaussons et à assister à mon cours au théâtre à nouveau.

Je veux reculer deux ans en arrière.

Je veux redevenir la Zoé d'avant et oublier.

Je veux redevenir la Zoé d'avant et m'oublier.

J'essaie de ne pas respirer fort. De ne pas respirer du tout, en fait. Je ne bouge pas d'un poil sous les couvertures en écoutant sa respiration régulière et endormie. Il a le sommeil léger. Les semaines et les mois que j'ai passés avec lui m'ont au moins appris quelque chose. Alors bien que ma vessie me fasse mal et que le bras sur lequel ma tête est reposée est engourdi, je reste complètement immobile.

Les minutes passent.
Deviennent de plus en plus douloureuses.

J'ai tellement envie de pisser. Putain.

J'essaie de me concentrer sur les rayons de soleil qui filtrent par les stores mal-tirés, sur le son régulier de la climatisation qui recycle l'air dans la chambre, sur le silence de l'autre côté de la porte, sur la douceur des draps de satin sur mes cuisses et mes bras. J'essaie de garder mon objectif premier en tête pour ne pas faire n'importe quoi : je ne veux pas le réveiller.

Mais ça fait mal. Et lorsque la douleur et la peur se mêlent, c'est la panique qui prend le dessus.

Me tenant le ventre d'une main, je me redresse dans le lit, laissant glisser la couverture et osant jeter un regard à ma gauche où il est allongé sur le ventre, nu, les mollets à peine couverts. Les muscles sous sa peau dorée ondulent lorsqu'il s'agite dans son sommeil et il pousse un soupir rauque qui me fait regretter de m'être levée.

Et s'il me voyait ?

Et s'il m'entendait ?

Son visage se tourne dans ma direction lorsqu'il bouge encore un peu. Ses lèvres à l'arc de cupidon prononcé et ses paupières frémissent, mais c'est tout.

Dans un hoquet étouffé, je reprends mon souffle en serrant mes doigts tremblants sur le peignoir. Je me retourne en essayant de faire le moins de bruit de froissement possible sur le lit.

— Où est-ce que tu vas ?

Il n'a même pas ouvert les yeux.

Je me raidis et je sens mon cœur cesser de battre complètement.

— J-Je suis... je v-vais aux t-toilettes.

Arrest Me - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant