Arrest Me - T2

0.10. Et si

ZOÉ

Six mois plus tard

— Mama !

— Pas maintenant, bébé, je travaille.

— Jouer ! geint-elle en se collant à ma cuisse.

Je baisse les yeux sur Sara qui a les cheveux tout emmêlés et qui trépigne en attendant que je vienne la rejoindre au centre de son tapis et de ses jouets comme tous les soirs. À faire parler ses peluches et ses poupées. À créer des histoires dans lesquelles elle embarque avec joie. À la faire glousser. À l'épuiser jusqu'à ce que ce soit l'heure de dormir pour qu'elle se couche sans résistance.

Sauf que ce soir, c'est mon dernier soir d'étude avant mon examen final à 9h demain matin.

Je suis stressée comme jamais, mais la culpabilité me tenaille comme jamais aussi.
Il n'y a qu'elle et moi dans l'appartement et je me dois de la surveiller et de prendre soin d'elle. Même si j'ai des priorités, elle doit en faire partie. Elle doit passer en premier.

Je prends une grande inspiration.
Expire. Repousse mon ordinateur sur la table.

— D'accord, Sara. On joue.

Son hurlement de plaisir me transperce alors les oreilles, mais vient me chercher quelque part au fin fond de la poitrine. En plein dans le cœur, ou un truc comme ça. Alors j'abandonne toute mon étude pour m'occuper du petit rayon de soleil qui illumine ma vie, même en pleine nuit.

Depuis plusieurs mois maintenant, j'apprends à cohabiter avec la nouvelle réalité de Donovan. Père d'une fillette de deux ans et demi. Obligations. Responsabilités. Travail. Horaires variants. La présence de Clara, sa mère, l'aidait peut-être beaucoup avant, mais elle s'absente de plus en plus maintenant pour nous laisser notre petit cocon personnel. Alors je prends sa place dans la mesure du possible en alternant entre jouer avec elle et compléter mes cours en ligne.

Je leur fais à manger.
Je lui donne son bain.
Je joue avec elle.
Je lui donne tout l'amour et l'affection que je peux lui donner. Elle en absorbe chaque goutte.
Puis, lorsque Donovan revient du travail, elle est souvent déjà au lit. Alors c'est à son tour. C'est de lui que je prends soin.

Notre relation est différente que la première fois que nous étions ensemble, pourtant. Cette fois-ci, il y a un enfant entre nous. Il y a cette admiration chaque fois que je le regarde en train de prendre soin de sa fille. Chaque fois qu'il essaie de grappiller tous ses moments avec elle malgré son travail épuisant. Chaque fois qu'il la prend dans ses bras et la garde contre lui en lui caressant les cheveux. Chaque fois que je le surprends en train de jouer avec elle dans son lit le soir au lieu de l'endormir. Chaque fois qu'il cuisine pour nous et qu'il s'assure que Sara mange bien.
Que je mange bien.

J'ai un respect pour le père qu'il est.
Je l'adore.

Et lui m'intègre dans chaque sphère de sa vie. Me met au même niveau que Sara, sur ce même piédestal.

J'adore nos soirées silencieuses devant la télévision, collés, tous les trois, à regarder un des dessins animés débiles de Sara. J'adore lui masser le dos après une longue journée de travail. J'adore lorsqu'il m'aide à comprendre un cours. J'adore lorsqu'il m'achète ma pâtisserie préférée chez le boulanger du coin à 21h pendant que je m'acharne à étudier même s'il est épuisé et s'il a faim.