Chapitre 18 - Christoph - Un dernier regard

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La lettre l'avait prévenu. Christoph se remémore les mots de Georg sur le papier. Romy a mis moins d'une soirée, aidée d'un vieux bouquin d'histoire de cryptographie pour trouver le sens de ce foutoir. Il les prévenait. Le chef de la police criminelle avait préféré se suicider que de laisser le Requin s'en prendre à sa famille, tout ça parce qu'il avait refusé. L'urgentiste que Romy connaît bien n'a pas mis sa famille à l'abri, et maintenant, sa fille cadette est morte.

Et maintenant il est là, assis au bord du lit de sa fille, à lui lire une histoire distraitement, à partager des moments avec elle sans être vraiment présent. Il réfléchit à autre chose. Il cherche les mots dont il aura besoin pour tout expliquer à Gabriele. Sa famille est en danger. Il doit se séparer d'eux. Il doit le faire au plus vite. Pour Gabriele, cela fait de toute façon un bon moment que plus rien ne va entre eux. Ils partagent le même toit, mais il n'est même plus sûr de pouvoir la considérer comme son amie. Elle n'est plus grand chose pour lui, juste la mère de sa fille unique. Pour Erika, c'est bien plus compliqué. La petite est toute sa vie. Christoph a la sensation qu'elle seule peut le comprendre, qu'elle seule sait que sans lui, le Requin va tout détruire sur son passage, et qu'elle ne grandira pas heureuse.

Christoph ne lui a pas expliqué, mais elle devine surement dans son regard qu'il a d'énormes responsabilités. C'est avec sa femme qu'il va devoir mettre les points sur les i, calmement. Le policier referme le livre, Erika a les paupières qui tombent toutes seules. Il se lève, éteint la lampe de chevet, et se faufile hors de la chambre. Gabriele l'attend en bas des escaliers, un verre de vin rouge en main. Elle a les lèvres pincées, signe qu'elle est tendue. Christoph va devoir redoubler de vigilance pour ne pas la mettre hors d'elle et réduire ses chances d'être compris.

- Tu rentres souvent en ce moment, c'est bizarre, lâche-t-elle, suspicieuse.

- Je croyais que tu voulais me voir plus souvent à la maison, justement, rétorque-t-il, déjà agacé qu'elle veuille se battre sur ce terrain.

Gabriele ne répond rien. Elle se contente de lui sortir son sourire constipé. Celui qu'elle affiche quand elle vient de se faire coincer, et qu'elle s'apprête à lui faire un coup bas.

- De toute façon, tu n'as jamais été présent pour nous, argue-t-elle.

Elle boit le fond de son verre d'une traite, et fait volte-face en direction des escaliers.

- Je vais me coucher.

Christoph la retient par le bras. La poigne est un peu plus forte que prévue, à cause de la colère, et Gabriele manque de trébucher quand il la force à rester en bas.

- Il faut qu'on parle, dit-il fermement. Il se passe des choses graves, et tu ne peux pas rester ignorante.

Sa femme soupire. Son visage déformé par la colère est ridé.

- Encore une fois, tu vas me sortir des salades pour justifier que tu n'es jamais à la maison.

- Bon sang, Gabriele ! C'est sérieux cette fois-ci. Il faut que tu partes avec Erika. Il faut qu'on se sépare, parce que ce n'est pas à moi qu'ils vont s'en prendre, c'est à vous deux.

Gabriele range son visage narquois. Elle lit la vérité dans les yeux de son mari, et elle comprend qu'il est sérieux : la petite et elle sont en danger. Elle baisse les yeux vers le bras de Christoph qui la tient toujours, et il la lâche. Elle part dans la cuisine, l'invite à entrer, et referme la porte derrière eux. Lentement, elle tire une chaise et se laisse tomber dessus.

Pendant un instant, Christoph la laisse le détailler du regard. D'abord, elle ne dit rien, puis elle lâche un petit rire, les yeux pétillants. Le policier redécouvre un sourire sincère de sa femme. Il la voit à nouveau sans artifice, sans son regard voilé, manipulateur, et il se demande comment ils en sont arrivés à se haïr à se point. Pendant un instant, il se dit que c'est peut-être un peu de sa faute, qu'il aurait dû se faire violence et laisser son travail de côté de temps en temps, pour passer du temps avec elle, plus qu'avec Erika. Et puis il se rappelle qu'elle aussi n'a pas vraiment fait d'effort pour s'intéresser à son métier, qu'elle n'avait jamais rien voulu savoir.

Le Requin [RAMMSTEIN - TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant