Ces derniers jours, Till les a passés à serrer les poings derrière le comptoir de son bar. Les clients se sont faits moins présents, les hommes russes, habillés en noir, beaucoup plus. En plus d'être désagréables, Till sait parfaitement ce qu'ils font ici. Ils recrutent, et à défaut, ils repèrent des cibles. La cerise sur le gâteau, ç'a été sa fille qui lui a proposé de garder Otto. Till aurait adoré. Les clients du bar se montrent toujours très gentils avec le petit garçon. Mais là, c'est risqué, voire même suicidaire. Tout le quartier a appris ce qui est arrivé à la fille du médecin, et il n'est pas question que qui que ce soit s'en prenne à la famille du barman. Lui n'a peut-être pas l'expérience de la demoiselle blonde, mais il a la force, et il aura la rage.
Till a désespérément cru qu'aujourd'hui serait un jour sans russe, un jour calme, apaisé, sans tension. Quand il a vu l'espèce de troll entrer dans son bar, tous poings serrés, l'air méchant, la seule réaction qu'il a réussi à avoir devant lui a été un rire rauque, jaune, ironique. Till a renâclé, essuyé un verre, encore, et a invité ses clients à sortir du bar sans plus attendre. En colère, il a décroché son téléphone avec l'intention d'appeler la police, avant de se rappeler ce que Christoph lui a soufflé quelques jours plus tôt. Il ne faut plus qu'il compte sur la police pour régler ses problèmes. D'un coup, alors qu'il a reposé le combiné sur son socle et s'est pincé l'arête du nez, Till s'est dit que l'idée des barmans américains d'avoir un foutu fusil de chasse planqué derrière les tireuses à bière n'était pas une idée si débile. Dommage, c'était trop tard. Les gens ont quitté le bar, et il est resté planté là une minute de plus, tentant de comprendre les réelles intentions de l'homme en face de lui.
Est alors entrée la demoiselle qui aime le cuba libre, avec qui il avait bien aimé discuter l'autre fois, et qui n'a pas eu le temps de remettre les pieds ici depuis. Il aurait bien aimé lui servir un verre, offert par la maison, parce qu'il aime bien sa tête et que les belles blondes se font rares par ici. L'ours s'est retourné vers elle, et Till l'a vu devenir plus pâle que d'ordinaire. Elle lui a presque ordonné de quitter le bar, alors il est allé attendre dehors, sur le trottoir d'en face, que les choses se calment. Il a regardé par la vitre les deux énergumènes mettre son précieux commerce en pièces, la demoiselle se faisant trimbaler comme une vulgaire pièce de viande morte aux quatre coins de son bar.
Les choses se sont envenimées, et Till a appelé Paul, ne sachant pas qui contacter d'autre. Celui-ci, peu rassuré, a quand même tenté de le calmer. Till lui a ri puis raccroché au nez, avant de reprendre son observation des silhouettes à travers les vitres de son bar.
Quand enfin il a vu le monstre s'effondrer, il s'est approché de la porte pour entrer, découvrant une scène macabre. Trois ou quatre tables ont été cassées ; quand aux chaises, il ne les a pas comptées. Derrière le bar, il retrouve le cadavre d'une bouteille presque vide, et félicite celui qui l'a utilisé d'avoir bien fait attention à ne pas en gaspiller une pleine. Quand il retourne inspecter la salle, il passe à côté du corps du russe, dont d'épaisses gerbes de sang coulent encore de la gorge, le tuant à petits feus dans d'immondes gargarismes qui lui glacent le sang. Till contourne le corps pour s'approcher de celui de la blonde, méconnaissable, la mâchoire bleue et de travers, qui marmonne un prénom. Il lui parle, l'appelle, essaye de la maintenir dans la réalité, mais elle perd connaissance aussitôt qu'il la prend dans ses bras.
Le souvenir de sa femme, allongée sur le bitume après son accident de voiture, qu'il tente de faire revivre en pleurant près de son visage, se superpose à l'image de la jeune fille. Cette fois-ci, il a plus de chance : la poitrine de la blonde se soulève encore, lentement. C'est mieux que rien. Elle est vivante.
Paul ne tarde pas à arriver. Il s'agenouille près de lui, et observe la blonde. Richard n'est pas loin derrière, trousse de secours en main, et le véhicule de secours est garé devant le bar. Till observe son ami regarder la jeune femme. Son attitude n'est pas celle d'un secouriste : ça lui saute aux yeux. Il lui caresse le visage, marmonne des mots doux à son attention, alors qu'il sait très bien qu'elle est dans les vapes.
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Le Requin [RAMMSTEIN - TERMINÉE]
Hayran KurguRomy est une jeune femme simple : un caractère doux, des cheveux longs aussi blonds que les blés, de beaux yeux verts rieurs, et une lame plus tranchante qu'un rasoir. Elle a choisi sa place dans le monde facilement : elle corrigera la justice quand...