Chapitre 28-1 - Paul - Questionnement

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Paul fait le trajet du retour en voiture, sifflotant un air entendu à la radio. Romy n'a pas répondu à son message, mais qui l'aurait fait ? En fait, le pompier a du mal à croire ce qui est en train de se passer dans sa vie. Il rentre chez lui en sifflant, tout joyeux. Il a l'impression de goûter à nouveau à la vie, alors que rien n'est clair entre lui et Romy. Il sait seulement que lorsqu'il arrivera chez elle, il ne sera pas seul. Elle sera là, ils se feront à manger tous les deux et regarderont un film, comme un couple, sans vraiment en être un. Paul ne sait même pas s'il veut être avec elle, en couple. Peut-être que cette attirance n'est qu'une passade. Peut-être qu'elle lui fait cet effet parce qu'il a rarement vu une femme capable de se battre et de tuer de sang-froid comme elle, parce que c'est la seule chose qu'elle est capable de faire, comme elle l'a dit. Paul n'a jamais compris ça, mais il a laissé couler. La chose qui le freine, c'est qu'elle ne se confie pas. Il est attiré par une femme dont il ne sait rien. Il ne voit que les blessures, les cicatrices. Il la voit craquer, se relever avec de plus en plus de peine, et il ne comprend pas pourquoi.

Il arrive dans la rue quelques minutes plus tard, et trouve une place en créneau juste derrière la Peugeot de Romy. La rue est calme, le seul bruit qu'on peut entendre, alors qu'il fait déjà nuit, c'est celui des lampadaires bringuebalés par le vent. Paul bataille pour gagner la porte d'entrée de l'immeuble. Il croise Oliver dans les escaliers, lui souhaite une bonne soirée alors qu'il part pour sa garde de nuit. Celui-ci lui adresse un sourire sincère, et Paul n'en croit pas ses yeux. La Guerre Froide qui a démarré entre eux depuis que le pompier a emménagé sur le canapé des deux colocataires n'a pas vraiment été terminée. Paul se sent toujours très mal à l'aise en sa présence car Oliver met un point d'honneur à lui rappeler que si Romy n'avait pas insisté, il ne serait pas là avec eux. Peut-être qu'il a enfin compris que Paul ne tenterait jamais de manipuler la blonde pour que celle-ci le mette dehors ou l'ignore.

Quand il pousse la porte de l'appartement, Romy est dans le canapé, un sourire sur les lèvres. Elle se retourne pour le regarder, et Paul a l'impression, pendant de courtes secondes, qu'elle le mange des yeux. Lui la bouffe du regard depuis qu'il l'a rencontré, alors elle peut bien s'offrir cette vue, si ça lui plait.

- Qu'est-ce que tu regardes ? la taquine-t-il.

- Toi, répond-elle du tac au tac, sans aucune gêne.

- Je suis si beau que ça ?

- Oui... je trouve que tu es bien conservé pour un homme de ton âge.

Le ton est à peine moqueur, et c'est ce qui lui permet de comprendre qu'elle ne pense pas ce qu'elle a dit sur son âge. Mais ça touche Paul bien plus qu'il ne l'imaginait. Lui vit comme un homme de vingt-cinq ans, dans la fleur de l'âge. Il fait encore des projets de vie comme s'il l'avait devant lui, mais la vérité, c'est qu'à cinquante-cinq ans, la vie est plus derrière lui que devant. Il devrait être un homme marié, avec deux beaux enfants, pas un célibataire endurci qui fantasme sur une jolie blonde de deux fois moins son âge, sans enfant, avec un appartement pratiquement vide de toute décoration, sans vie. Un appartement témoin.

- J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? constate Romy.

Le sourire de Paul s'est effacé sans qu'il ne s'en rende compte.

- Non, tout va bien, ment Paul. Tout va bien. Je suis juste un peu fatigué de ma journée.

Et terriblement vieux, tout à coup. Le pompier prend ses aises. Il se dirige vers la cuisine, ouvre le frigo, et attrape une bière qu'il a trouvé dans la porte. Romy l'observe. Il sent ses yeux sur lui. Il entend le froissement du canapé, elle se lève. Lui reste obstiné et observe le frigidaire comme si celui-ci était devenu l'article d'électroménager de l'année, quand il sent deux bras entourer sa taille, et un buste chaud se coller à son dos.

Le Requin [RAMMSTEIN - TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant