Chapitre 19 - Richard - Vingt-cinq-mille euros

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Richard fait les cents pas dans son salon. Il réfléchit, encore et encore. Margaux ne se détend pas, et rester chez lui devient de plus en plus pesant. Il a promis de ne plus faire d'écart, de réduire sa consommation de cigarettes qui forme un trou béant dans son budget.

Il y a ce stress, le stress de Margaux, le travail de plus en plus mal fait par ses collègues qui ont peur du Requin, qui lui fournissent une charge en plus, la maladie de Maxime qui stagne sans qu'il ne sache si c'est bon signe ou pas. Tout, absolument tout, lui donne envie d'abattre son poing dans une fenêtre. Paul n'a pas l'air plus rassuré, et il ne sait pas ce que devient Romy. D'après son collègue, elle aussi sombre peu à peu dans le marécage de l'angoisse. Flake a mis les voiles, Oliver a refusé. Richard se demande s'il ne devrait pas faire la même chose.

Margaux rentre d'ailleurs des courses, et est passée chercher Maxime chez sa grand-mère. La petite est tout sourire, elle est heureuse de rentrer à la maison. Elle lui fait un câlin pendant que sa femme part ranger les courses, puis elle monte faire une sieste dans sa chambre. Le traitement évite le pire, mais Maxime est quand même très souvent fatiguée. Richard part aider sa femme, pensif. Il prête à peine attention à ses gestes, et elle le remarque.

- Richard, tu es sûr que tout va bien ? demande-t-elle.

- Hmm hmm, répond-il mécaniquement.

Margaux lui prend le paquet de farine qu'il a en main, le pose sur le plan de travail, et le force à lui faire face.

- Ecoute, je sais que ça n'a pas été très facile dernièrement. J'ai été odieuse, et je suis désolée pour ça. Mais si quelque chose ne va pas, il faut que tu m'en parles.

Richard soupire, se gratte le menton. Une petite barbichette commence à repousser, alors il continue de gratter le poil dru pour continuer à ressentir cette sensation. Il ne s'arrête pas de regarder dans le vide, et Margaux semble de plus en plus inquiète.

- Richard, tu n'es pas normal. Cela fait des jours que tu es comme ça. Quand tu n'es pas perdu on ne sait où, tu sursautes au moindre bruit, tu travailles dix fois plus pour remplacer des collègues qui ne viennent mystérieusement plus au travail, Paul passe te voir tous les deux jours et il a l'air aussi cinglé que toi. Et... même les gens dans la rue, ils ont l'air tous drogués, et ceux qui ne le sont pas ont la tête de ceux qui vendent, justement. Je ne suis pas idiote, alors s'il se passe quelque chose dans cette foutue ville, et que tu es au courant, j'aimerais bien que tu me le dises.

Le pompier lève les yeux vers elle, soudain revenu à la réalité. Il a l'air plus pâle que d'habitude, cherche ses mots. Il a peur, et Margaux le voit bien. Et puis, d'un coup, c'est comme si sa langue le brûlait. Richard lui explique tout, depuis les menaces du Requin, aux assassinats, à son espèce de course au pouvoir, sa corruption évidente, Romy qui fait ce qu'elle peut pour défendre tout le monde, sa peur de perdre Margaux et Maxime. La femme menue en face de lui, les larmes aux yeux, vient se lover contre lui. Elle n'a pas l'air d'avoir peur, elle, et semble même soulagée qu'il lui ait tout dit.

- Il vaudrait mieux qu'on s'en aille, non ? demande-t-elle d'une petite voix.

- Oui, mais avec quel argent ? Je gagne à peine de quoi nous faire vivre...

Margaux ne répond rien. Les deux réfléchissent, enlacés. Richard en profite pour s'imprégner de ce contact, qui lui a beaucoup trop manqué. Puis il a une idée. Une idée de génie, bien que gênante.

- Je reviens, lâche-t-il de but en blanc, s'éloignant d'elle.

Il attrape son téléphone portable qui traîne sur la table basse du salon, et compose le numéro de Paul, qui décroche après deux tonalités.

Le Requin [RAMMSTEIN - TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant