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Le brouhaha ambiant avait laissé place au silence doux. Chacun avait mangé, racontant des anecdotes. Zara avait laissé revenir ses démons, observant d'un oeil vide les visages brillants de ses camarades. Son cœur battait dans un rythme lent, noyée par ses souvenirs. Aujourd'hui, elle avait enfin dix-huit ans.

Dix-huit années à survivre à la vie, à la fuir et à la détester. Au fond d'elle, Zara espérait enfin pouvoir la vivre, l'attendre et l'aimer les dix-huit prochaines années.

Maintenant, elle était assise, les cheveux secoués par le vent salé, les yeux perdus sur la surface déjà sombre de la mer. Elle aussi était secouée. Un demi-sourire flottait sur les lèvres pulpeuses de Zara.

La jeune femme attendait ses deux compagnons, qui devaient arriver pour connaître ses failles. Une larme salée s'écoula sur la joue aux senteurs de sel de Zara. Elle la balaya d'un geste sec de la main, ne sachant pas pourquoi elle avait fui le lieu sûr de son œil.

— Zara, tu ne t'es pas endormie ?

La rouquine cligna vivement des yeux puis se retourna, une main appuyée dans le sable, l'autre sur ses genoux.

— Encore trente secondes et je dormais.

Elle fit rire les deux arrivants. Le corps anorexique d'Aglaé était caché par un pull beaucoup trop large qui lui tombait un peu au dessus des genoux.

— T'es invitée à quel bal ? La titilla Zara.
— Tu t'es découvert une passion de clown dis-moi ?

Zara se laissa aller d'un petit rire, sa tristesse inconnue était partie au loin au gré du vent. Elle sentit Isaac se glisser à sa droite et suivit Aglaé qui vint s'asseoir devant elle. Zara remarqua que sa compagne ne savait pas trop quoi dire et ouvrait sans cesse la bouche pour la refermer deux secondes après. Isaac l'observait et attendait aussi.

— Bah go, lança la blonde.

Zara arqua un sourcil, surprise de l'entrée en matière de sa compagne. Aglaé tritura ses mains avec nervosité.

— Tu as peur de quoi ?

Isaac venait de fracturer sans peine le silence et fit ainsi sursauter Aglaé et Zara dans un même mouvement.

— J'ai pas peur... Enfin si, j'ai peur de ce que je vais vous dire. Je sais même pas comment le dire.

Zara lui prit les mains et ouvrit la bouche.

— On va procéder par questions-réponses. Je pose une question, tu répond et pose une question à ton tour. Comme en primaire avec le action, chiche ou vérité.
— C'est un remake là.

Zara eut envie de rigoler mais aucun son ne grandit dans sa gorge. Du coup, elle hocha la tête.

— Je commence, dit Zara avec douceur. Pourquoi n'aimes-tu pas manger ? dit-elle à l'intention de son amie.

Aglaé échappa des mains de son amie et se frotta la nuque dans un geste mécanique. Elle s'arrêta vite et regarda derrière les deux adolescents qui l'affrontaient du regard.

— J'ai été harcelée, parce que j'étais trop parfaite.

Un petit rire inhumain résonna mais mourut rapidement.

— Certaine rêve d'être moi, blonde aux yeux verts, corps musclé et fin, pour être populaire. Moi, c'est devenu mon cauchemar. Alors j'arrêtais de manger, de un parce que je n'avais pas faim et de deux parce que je voulais perdre toute cette graisse, cette peau et ces muscles qui faisait de moi ce corps souhaité.

Zara ne savait pas quoi dire, elle garda alors le silence. Elle sentait Isaac qui moulinait pour trouver un mot à dire ou faire un petit geste. Ne trouvant pas, il resta de marbre.

Un ange en enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant