Zara avait le front collé à la vitre chaude du bus. Elle avait les yeux fermés et se laissait attendrir par le ronronnement du moteur et celui des pensionnaires autour d'elle. Aglaé avait sa tête posée sur l'épaule de la jeune femme. Au début, Zara avait repoussé sa camarade, puis elle l'avait laissé faire.
— Before you goooo, chanta une voix féminine.
Zara ouvrit un œil et découvrit Thalie, les bras grands ouverts. Elle chantait affreusement faux mais personne ne lui faisait la remarque. Elle finit sa chanson et quand le silence revint, Zara se détendit.
La rouquine repensa à la fin précipitée de la thérapie de la veille. Elle serra les paupières en revoyant le visage de sa mère, frôlant le corps épais de la psychologue. Elle frissonna quand celui d'Eden s'imposa à la suite de Liciana. Elle sentit la sueur brûler son front et elle ouvrit les yeux.
— Ça va ?
Elle ne répondit pas à Aglaé, laissant son regard sur les arbres qui défilaient à toute vitesse derrière la vitre. Le soleil attaquait violemment sa rétine. Elle se perdit dans un futur inaccessible, remplit de couleur vive et de rire cristallin d'adolescents vivants. "Parce qu'on est de simples survivants, victimes des défauts des suppôts de Satan", hurlait-elle dans sa tête.
— Zara ?
— Quoi Aglaé ?Son ton se fit plus dur que ce qu'elle voulait mais elle ne présenta aucune excuse. Elle ne remarqua pas la frimousse maigre de sa compagne se former en une grimace déçue.
— Tu sers les poings.
Zara baissa son regard azur sur ses mains. Ses phalanges étaient blanches et une veine verte saillait sur le dessus de son poing, qu'elle dessera. Elle renversa la tête en arrière. Elle ferma encore une fois les yeux, sentant ceux d'Aglaé se poser des dizaines de questions. Des questions qui resteront en suspens un long temps. Aglaé fit peser sa tête blonde sur l'épaule osseuse de son amie en lui prenant la main avec une douceur presque inhumaine.
— Trop de choses tournent dans ta tête Zara, le silence n'est pas le meilleur médicament.
Zara garda le silence, s'enfonçant dans sa carapace intérieure. Elle partit loin dans ses douleurs. Pourquoi elle n'allait pas mieux ? Pourquoi leurs visages ne quittaient pas sa tête ? Une larme brûla sa joue et elle la chassa d'un geste vif. Faustine l'observait et pour la première fois, elle eut de la peine pour la rouquine.
— Pourquoi je n'arrive pas à oublier Aglaé ? Murmura-t-elle dans un soupir.
Aglaé ne bougea pas mais pressa ses doigts.
— L'oubli vient après le pardon.
— Et la douleur ?Aglaé n'avait pas de réponse. Elle sentit le corps de Zara se tendre sous l'épuisement.
Le petit groupe roulait depuis presque une heure, l'excitation était à son comble mais la peur n'était pas loin. Ils ne savaient pas ce qui les attendait, ils avaient pourtant conscience que ce sera éprouvant. Le silence avait pris le dessus lorsqu'ils avaient dépassé la ville de Montélimar. Zara s'endormait peu à peu, Isaac la suivant alors qu'Aglaé les avait devancés.
Son corps frêle glissait, Zara l'avait calé sous son bras, caressant tendrement ses cheveux lisses et étonnamment doux. Hiro avait assisté à cette marque de tendresse qui l'étonna.
***
Les dix adolescents foulaient le sable fin qui affrontaient la Méditerranée d'un même pas. Le vent au goût de sel se frayait un chemin dans leurs cheveux et sur leur peau.
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Un ange en enfer
General FictionTrois semaines pour guérir Zara Boqdam ? C'est la mission et la promesse de Juliette Joke, directrice d'un hôpital psychiatrique pour moins de vingt ans. Dans une société malade où des enfants en deviennent fous, une société qui pourrait être la nô...