Chapitre 2 : Leo

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Si l'index passe plus de temps sur la touche de suppression que sur le reste du clavier, il faut en conclure que ce n'était pas une bonne journée pour essayer d'écrire. À ce rythme-là, Leo ne terminera jamais son deuxième roman. Comment est-il possible d'être aussi lent quand on aime autant écrire et inventer des histoires ? Quelqu'un a sûrement déjà écrit une thèse sur ce sujet. Devrait-il faire une recherche sur Google pour en avoir le cœur net ? Non, mauvaise idée. Une recherche en amène une autre et il finira par regarder une vidéo tuto pour apprendre à construire un radeau.

Un rapide coup d'œil vers son téléphone lui indique que David n'a toujours pas répondu à ses messages. C'est du David Langford tout craché. Combien de temps va-t-il faire le mort cette fois-ci ? Leo n'a pas le temps de se soucier de ça aujourd'hui. Il y a déjà une abondance de préoccupations dans son cerveau.

Leo observe la pièce commune de la Maison Polymnie autour de lui, comme s'il ne connaissait pas déjà chaque recoin par cœur après toutes les heures qu'il a passées ici ces deux dernières années. Il espère naïvement que l'inspiration finisse par montrer le bout de son nez, qu'il ait une illumination ou il ne sait trop quoi. L'espoir fait vivre, mais il ne remplit pas les pages d'un manuscrit. Il devrait peut-être renoncer pour aujourd'hui et aller regarder une série sur Netflix. Une bonne vieille désertion pour ne plus voir cette page blanche qui le juge du regard.

Au moment précis où Leo s'apprête à refermer son ordinateur portable, il voit un grand blond au dégradé court entrer dans le bâtiment. Il porte les mêmes vêtements que la veille et il n'a pas l'air très réveillé. Arrivée discrète à l'aube après avoir découché : un dimanche ordinaire pour Ethan Rivers. Ce dernier avance dans sa direction, comme s'il avait lu dans les pensées de Leo.

— Hé, Marks ! dit Ethan avec un petit signe de la main. Tu bosses sur ton livre ?

— J'essaye, répond Leo. Et j'échoue misérablement. Et toi ? Tu vas continuer à composer ton morceau au piano ?

— Là, je compte surtout prendre une douche, m'écrouler dans mon lit et me réveiller dans un an ou deux. Si tu remontes dans la chambre, je t'en supplie, ne fais pas trop de bruit.

— Même si je jouais de la flûte de pan à côté de ton lit, ça ne te réveillerait pas.

Ethan hoche la tête pour signifier que Leo marque un point. Quand on cohabite avec quelqu'un pendant deux ans, on finit par connaître toutes ses habitudes par cœur.

— Je ne vais pas te mentir, dit Ethan, j'ai envie de t'entendre jouer de la flûte de pan maintenant que tu as dit ça.

— Ça ne risque pas d'arriver, Rivers. Je ne m'approche d'aucun instrument de musique. C'est pour le bien de tous, crois-moi.

— J'arriverai à te faire jouer quelque chose un jour. Je ne recule pas devant un défi.

— C'est ce genre de phrases que tu utilises pour draguer ? Parce qu'on dirait que tu as volé ça dans ton horoscope.

Ethan laisse échapper un sourire par mégarde, révélant les fossettes de chaque côté de son visage.

— Personne ne s'est jamais plaint jusque-là, dit-il d'un ton confiant.

— Il faudrait que tu reparles à tes conquêtes pour qu'elles puissent se plaindre.

— C'est vrai, je te l'accorde. Mais tu sais que les rendez-vous, ce n'est pas mon truc. Ça complique les choses inutilement.

Leo s'enfonce un peu plus dans le canapé.

— Ouais, soupire-t-il, les humains sont des êtres compliqués.

Et tous les démons sont iciOù les histoires vivent. Découvrez maintenant