Chapitre 21 : Elena

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Les deux derniers jours ont été moralement épuisants. Elena veut garder la tête froide pour ne pas inquiéter Leo, plus qu'il ne l'est déjà. Mais il est difficile de rester optimiste face à tant de peine et de mauvaise fortune. Ils sont dans un bourbier monstre et elle n'est pas sûre qu'ils puissent sans tirer sans la moindre égratignure. Les données du téléphone de Liam ne se sont pas avérées utiles. S'il y avait quoi que ce soit de compromettant là-dedans, il a pris soin de l'effacer avant le soir de sa mort. La vérité au sujet de David a peut-être disparu avec lui. Elena va devoir commencer à envisager la possibilité qu'elle ne reverra plus jamais son meilleur ami. Il sera peut-être une de ces personnes dont on parle parfois à la télévision, disparues depuis des années sans laisser la moindre trace derrière eux. Assez longtemps pour supposer qu'ils ne sont plus des nôtres, sans jamais avoir de réelle confirmation.

Comme un malheur ne vient jamais seul, Leo doit s'occuper de l'organisation des funérailles de Rose, puisqu'il était la seule famille qui lui restait. Leo essaye de se montrer digne, mais il est évident qu'il est au plus bas depuis ce jour-là. D'après Ethan, il faut le forcer pour qu'il mange ne serait-ce que la moitié d'un repas et il a des nuits très agitées. Au bout de combien de temps Ethan va-t-il réaliser que son état n'est pas seulement dû au deuil ?

Autre nouvelle peu réjouissante : le bureau du shérif a officiellement ouvert une enquête sur la disparition de Liam Dawkins. Et Malcolm a demandé à Leo et Elena de passer pour répondre à quelques questions. Aujourd'hui. Elena a passé la matinée à préparer son cousin à toute éventualité, pour qu'il sache exactement quoi répondre et qu'il ne se laisse pas submerger par la panique. Ils doivent seulement dire qu'ils ne savent rien et qu'ils n'ont pas vu Liam le soir du feu de camp. Et il faut à tout prix éviter de mentionner les découvertes qu'ils ont faites à son sujet. Ça ne ferait que leur créer un mobile pour voir Liam disparaître.


Elena regarde donc les minutes défiler sur sa montre, attendant que Malcolm vienne la rejoindre dans la petite salle d'interrogatoire du bureau du shérif. Quand il arrive enfin, il s'excuse pour son retard et il prend place de l'autre côté de la table. Elena parvient à se donner un air innocent lorsqu'elle répond aux questions de son oncle. Elle assure ne pas savoir en quoi elle pourrait être utile.

— Est-ce que tu as remarqué quoi que ce soit qui sortait de l'ordinaire ? demande Malcolm, les yeux rivés sur elle.

Elena fait semblant de creuser dans son esprit.

— Non, ment-elle. Rien d'inhabituel. J'ai fait la fête jusqu'à deux ou trois heures du matin, pour essayer de relâcher la pression, et puis je suis rentré me coucher. Je n'ai pas vu Liam. Je ne savais même pas qu'il était au feu de camp avant que tu ne me le dises.

— Et quand l'as-tu vu pour la dernière fois ?

— Dans la journée de vendredi. En cours. On a fini à seize heures trente et je ne l'ai pas croisé après ça.

Malcolm hoche la tête à chacun de ses mots, tout en prenant des notes dans un calepin.

— Comment décrirais-tu tes relations avec lui ? interroge-t-il après une courte pause.

— On est dans la même classe, répond Elena avec un haussement d'épaules. Ça s'arrête là. On n'a jamais eu l'occasion de discuter. Je ne le connais pas vraiment.

— Pourtant... Joséphine Matheson, sa petite amie, m'a confié qu'il y avait des tensions entre eux et toi. Que voulait-elle dire par là ?

— Ce n'est pas elle que tu devrais poser la question ?

Cette réponse est accueillie par un haussement de sourcils de Malcolm, qui est censé la rappeler gentiment à l'ordre.

— Ils ont l'habitude de toujours être les meilleurs comédiens du groupe, reprend Elena. J'imagine qu'ils se sont senti menacés en voyant quelqu'un de nouveau débarquer. Je ne peux pas contrôler la manière dont ils réagissent.

— Elle m'a aussi parlé de l'incident de la semaine dernière. Quand tu as perdu connaissance sur scène. Apparemment, tu les aurais accusés de t'avoir empoisonnée. Enfin, par le biais de Leo.

Elena ne s'attendait pas à ce que Joséphine ose raconter ce genre de détail dangereux à la police. Cette petite conne ne compte pas lui faciliter la tâche.

— C'était un énorme malentendu, dit-elle en essayant de cacher sa surprise. J'ai pensé qu'ils avaient fait ça pour saboter mon audition pour la pièce d'automne. Mais en réalité, j'avais seulement mal dosé mes anxiolytiques. J'étais trop embarrassée pour aller m'excuser auprès d'eux.

Elle trouve qu'elle est plutôt bien retombée sur ses pattes, en fin de compte. Malcolm fait cliquer son stylo, sans pour autant écrire quoi que ce soit.

— Donc, tu n'avais pas de raison de leur en vouloir ? demande-t-il. Ni à lui, ni à Joséphine ?

— Aucune. Comme je te l'ai dit, ce ne sont que des camarades de classe.

Malcolm s'enfonce un peu plus dans sa chaise, l'air perplexe. Elena soutient son regard sans ciller.

— Je suis face à une situation épineuse, Elena. Deux disparitions sur le campus, à trois semaines d'intervalle. Une absence quasi totale d'indices. Il y a fort à parier qu'elles sont liées, d'une manière ou d'une autre. Et tu sembles être un dénominateur commun. Tout a commencé le jour de ton arrivée à Huntington, David est ton meilleur ami, et la petite amie de Liam m'a fait comprendre que je devrais m'intéresser à toi. Ne te méprends pas, je ne t'accuse de rien. Je veux seulement comprendre ce qui a bien pu se passer.

— J'aimerais pouvoir t'aider. Vraiment. Je souhaite retrouver David plus que quiconque. Mais je n'ai aucune explication à te donner. Mon arrivée était prévue depuis plusieurs mois. Et Joséphine est inquiète. Elle cherche quelqu'un à blâmer de toute urgence. Tout ça n'est qu'une coïncidence.

— Après des années dans les forces de l'ordre, je ne crois plus trop aux coïncidences...

Malcolm s'approche un peu plus et pose ses mains sur la table, comme s'il s'apprêtait à lui révéler un secret d'État.

— Tu es certaine de m'avoir tout dit ? demande-t-il, avec une appréhension limpide.

— Tu en sais autant que moi, Malcolm. Je te le promets.

Elena est elle-même impressionnée par l'aplomb avec lequel elle est capable de mentir. Ce qu'on dit doit être vrai... La pratique mène à la perfection.

Et tous les démons sont iciOù les histoires vivent. Découvrez maintenant