Chapitre 13 : Elena

87 20 0
                                    

Le couple diabolique est au sommet de la liste de suspects. Ils ont un comportement étrange depuis que David a disparu. Et maintenant, ils savent que Liam et Joséphine ont un moyen d'entrer et sortir du campus en toute discrétion. Elena est intimement convaincue qu'ils ont un lien avec ce qui est arrivé à son meilleur ami. L'ont-ils attaqué ce soir-là ? L'ont-ils séquestré quelque part ? Sont-ils tous les deux impliqués ? Ou est-ce l'œuvre d'une seule personne ? Pour le moment, Elena parierait sur Joséphine. Elle avait une relation avec David et elle aurait pu aller beaucoup trop loin pour la garder secrète. Peu importe quelle théorie est la bonne, il va falloir pousser Liam et Joséphine à commettre un faux pas au plus vite. Le temps presse.

Elena fait les cent pas dans les coulisses, attendant que le moment de son audition arrive. Il y a encore deux personnes qui doivent passer devant elle. Encore une dizaine de minutes. Elle est si concentrée sur ses pensées qu'elle ne prête même pas attention aux regards indiscrets que ses camarades posent sur elle, ou les chuchotements qui persistent dès qu'elle entre dans une pièce. Elle espère tout de même que les révélations de Joséphine seront vite oubliées. Ce n'est pas la sensation la plus agréable d'être traité comme une bête curieuse ou comme un déchet radioactif. Mais il ne faut surtout pas qu'ils voient qu'elle est atteinte par tout cela. Ça reviendrait à les laisser gagner.

Les mots d'Hamlet résonnent dans l'esprit d'Elena. Suis-je donc un lâche ? Qui veut me traiter de vaurien ? Me briser le crâne ? [...] Poussé à la vengeance par le ciel et l'enfer. [...] Cette pièce est le piège où, tel un rat, j'attraperai la conscience du roi. Elle sent le rythme des mots, le poids de chaque pause. Elle reprend une gorgée de sa bouteille d'eau pour s'assurer que tout se passe au mieux. Est-elle prête ? Pas vraiment, mais c'est le moment d'entrer en scène. M. Lawrence appelle son nom depuis l'auditorium. Advienne que pourra.


Elle traverse la grande scène encadrée de rideaux rouges pour en atteindre le centre. Un rapide coup d'œil en direction des rangées de sièges lui permet de voir les visages de Liam et Joséphine parmi les étudiants qui ont déjà passé leur audition. Elena porte son attention sur M. Lawrence, installé sur une petite table à deux mètres de la scène, pour ne pas laisser la colère l'envahir.

— La scène est à toi, Elena, dit-il en faisant cliquer son stylo. Commence dès que tu es prête.

Elena essaye de vide autour d'elle. Plus rien n'existe. Seulement les répliques. Elle se glisse dans la peau d'Hamlet.

— Ô, quel minable et quel misérable serf suis-je donc ! récite-t-elle. N'est-ce pas monstrueux que ce comédien, ici... dans une simple fiction, dans le rêve d'une passion... puisse si bien soumettre son âme à sa propre fable...

Sa propre voix est étouffée par un bourdonnement soudain dans ses oreilles.

— Que sous son emprise, tout son visage s'enflamme... continue-t-elle malgré la sécheresse dans sa bouche. Les larmes aux...

Sa vision se trouble un peu plus à chaque seconde, comme si un brouillard se formait sous ses yeux. Elle pince l'arête de son nez, puis se frotte les yeux. L'auditorium est toujours flou. Elena sent son cœur accélérer dans sa poitrine, les pulsations remontant jusqu'à ses oreilles. Boum... Boum...

— Elena ? entend-elle M. Lawrence l'appeler au loin. Est-ce que tout va bien ?

Aucun mot ne sort de sa bouche. Ses jambes flageolent. Elles ne vont pas tenir bien longtemps. Elena est... Il faut qu'elle...

Elle sent ses forces l'abandonner.

Son corps cède.

Sa tête heurte le sol.

L'obscurité prend le contrôle.

Et tous les démons sont iciOù les histoires vivent. Découvrez maintenant