Et tous les démons sont ici

Chapitre 15 : Elena

Elena sent un regain de confiance après son audition. Au vu des circonstances, M. Lawrence a accepté de lui donner une seconde chance d'interpréter le monologue d'Hamlet. Son instinct lui dit que tout s'est bien passé. Elle a donné le meilleur d'elle-même, maintenant il ne reste plus qu'à attendre. M. Lawrence devrait annoncer la distribution des rôles d'ici une semaine. Avec un peu de chance, le couple diabolique ne recevra pas les premiers rôles, cette fois.

Une pensée vient lui traverser l'esprit sans crier gare. Si Elena et Leo parviennent à prouver que Liam Dawkins est responsable de la disparition de David, il n'aura aucun rôle dans la pièce. Il sera derrière les barreaux. Elena se raccroche à cette idée. Elle peut encore trouver David. Il y a toujours de l'espoir.

Elle avance à reculons jusqu'au bureau de sa mère, situé dans le bâtiment administratif, non loin de la Maison Athéna. Carolyn lui a demandé de passer la voir, insistant sur le fait que c'était urgent. Afin d'éviter que Richard ne revienne lui forcer la main, Elena a décidé de se rendre au rendez-vous de plein gré. Mais elle ne compte surtout pas s'attarder.

—    Entrez ! entend Elena quelques secondes après avoir frappé.

En franchissant le seuil de la porte, Elena réalise que l'endroit est fidèle à ses souvenirs. Rien ne semble avoir bougé depuis des années. Quand elle était petite, elle adorait venir ici, surtout quand sa mère n'était pas là. Elena pouvait s'installer sur sa chaise, beaucoup trop grande pour son petit corps, et prétendre qu'elle était la Doyenne de l'école pendant quelques instants. Maintenant, elle a hâte de pouvoir partir.

La pièce se trouve au sommet d'un ancien clocher qui surplombe tout le campus. Depuis la grande fenêtre en forme de cercle derrière son bureau, Carolyn a une vue imprenable sur les toits de tous les autres bâtiments, mais également les kilomètres de forêt qui entourent son école. Cela semble approprié pour quelqu'un qui aime garder le contrôle en toutes circonstances.

—    Tu voulais me voir ? demande Elena lorsque sa mère ne lève pas le nez de la paperasse sur son bureau.

—    Ah, Elena ! Je suis contente que tu sois venue, ma chérie. Ne reste pas devant la porte, viens t'asseoir.

Elena prend place sur un des deux fauteuils en simili-cuir, sous l'œil vigilant de William Huntington, son arrière-grand-père, fondateur de l'école d'arts. Elle doit avouer qu'elle a toujours détesté cet immense portrait. Le vieil homme aux tempes grisonnantes a quelque chose d'intimidant qu'elle ne saurait expliquer.

—    J'ai appris que tu avais été transportée à l'hôpital après avoir perdu connaissance, dit sa mère en retirant ses lunettes de lecture. Pourquoi ne m'as-tu pas appelée ?

—    Pour quoi faire ? Tu n'es pas médecin. Tu ne pouvais rien faire pour moi.

—    Je suis ta mère, Elena. Que tu le veuilles ou non. Je mérite d'être prévenue s'il t'arrive ce genre de choses. Que s'est-il passé, exactement ?

Elena pourrait dire la vérité. L'opinion de sa mère à son sujet lui importe peu. Mais elle serait bien trop avis d'avoir eu raison. Elle s'est bel et bien mise en danger en voulant retrouver David, comme l'avait prédit sa mère. Elena ne regrette rien, mais elle ne compte pas donner l'opportunité à Carolyn de lui passer un savon.

—    Un mauvais dosage de médicaments, ment-elle alors. Rien de grave. Je vais parfaitement bien.

—    Je suis heureuse de l'entendre, répond sa mère en s'appuyant contre le dossier de sa chaise. J'ai aussi eu vent d'un autre incident. Un message à propos de toi qui aurait été envoyé à toute l'école. Un message qui parlait d'Anthony Lawson...