Chapitre 35 : Leo

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Leo n'a pas la moindre idée de ce qui se passe autour de lui, mais il continue à garder un semblant de routine. Il va à tous ses cours, prend des notes, rend ses devoirs en temps et en heure. Cela suffit à lui donner une impression de normalité. La majorité du temps. Dès lors que son cerveau n'est pas occupé un exercice d'écriture créative ou par l'histoire d'un mouvement littéraire, il recommence à s'inquiéter pour l'avenir. Il ne sait pas du tout ce qu'Elena prépare. Un départ clandestin vers l'étranger pour échapper à la justice ? L'assassinat de David par un tueur à gages ? Même les hypothèses les plus folles paraissent plausibles ces jours-ci. Il espère seulement que son idée n'aggravera pas la situation. Si tant est que ce soit encore possible.

C'était une très mauvaise idée de penser à cela, car les choses peuvent toujours empirer. Et Leo en fait l'expérience lorsqu'il passe par la pièce commune de la Maison Polymnie. Dans un coin, il voit Ethan en pleine discussion avec sa cousine. Ils chuchotent quelque chose d'imperceptible, mais le visage inquiet d'Ethan ne présage rien de bon. Que peuvent-ils bien se dire ? Leo décide d'aller attendre le retour de son colocataire dans leur chambre afin de le découvrir.

Ce dernier arrive moins de dix minutes plus tard. Il sourit en saluant Leo, mais il est clair qu'il cherche à dissimuler ce qu'il pense vraiment. Comme la fois où il a fait semblant d'apprécier la série Sherlock pour lui faire plaisir. Ethan a toujours de bonnes intentions, mais il ment très mal. Les colocataires échangent quelques banalités à propos de leurs journées avant que Leo ne se décide à partir à la pêche aux informations.

— De quoi vous parliez, Elena et toi ? demande-t-il d'un ton neutre.

— Tu nous as vus ? rétorque Ethan, pris en faute. Je ne pensais pas que tu allais rentrer si tôt ce soir. Je ne voulais pas te mentir, c'est juste que...

— Ethan, tout va bien. Je ne suis pas en colère. Je veux juste savoir de quoi vous avez parlé. Elena ne me dit absolument rien, alors je me demande ce qu'elle te veut.

Après un moment d'hésitation, Ethan finit par expirer tout l'air de ses poumons. Il ne voulait visiblement pas avoir cette conversation, mais elle est maintenant inévitable.

— Elle voulait que je l'aide pour quelque chose, dit-il de manière évasive. C'est mieux que tu ne saches rien.

— Non, s'il te plait. J'en ai assez d'entendre cette phrase toute faite. Je sais déjà beaucoup trop de choses, ça ne sert à rien de me protéger.

— Très bien, comme tu voudras. Elle m'a demandé de voler la clé de la chambre de David sans qu'il s'en aperçoive.

Leo arrive à peine à croire ce qu'il vient d'entendre.

— C'est une blague ? dit-il, un peu plus fort que prévu. Elle sait parfaitement que je ne veux pas te mêler à toute cette histoire. Pourquoi elle... Dis-moi que tu as refusé. Et si ce n'est pas le cas, j'irai lui dire non de ta part.

— C'est déjà fait, Leo. J'ai récupéré la clé avant-hier, je lui ai donné et je l'ai replacée dans le sac de David quand il ne faisait pas attention. Je viens de parler à Elena pour lui demander si son plan avait fonctionné, c'est tout.

La colère monte plus vite que jamais chez Leo. S'il avait Elena en face de lui, il pourrait exploser. Il ne demandait qu'une seule chose : qu'Ethan reste en dehors de cet immense bourbier. Et elle a délibérément choisi d'ignorer ce qu'il voulait.

— Et elle t'a dit que David était dangereux avant de t'entraîner là-dedans ? demande-t-il sans dissimuler son agacement.

— Oui, elle m'a raconté les grandes lignes des événements de ces dernières semaines. Mais elle ne m'a pas mis de couteau sous la gorge. Je suis adulte et j'ai pris une décision.

— Pourquoi, Ethan ? C'était déjà assez terrible que tu sois au courant de ce qui s'est passé le soir du feu de camp. Maintenant, c'est bien pire. Elle a fait de toi un complice. Ce n'est pas juste, tu étais complètement innocent et... Pourquoi as-tu accepté de te mettre en danger de cette manière ?

— Parce que je t'aime ! Je t'aime, Leo. Et je ne veux pas que qui que ce soit te fasse du mal, peu importe le risque.

Le cœur de Leo bat à toute allure. L'espace d'un instant, il a l'impression d'être en pleine hallucination. Il cligne des yeux, s'attendant presque à ce que tout disparaisse autour de lui. Mais Ethan est toujours là, l'air tout aussi surpris que Leo par ses propres mots. Cependant, il n'y a la moindre indication de regret sur son visage. Ce qu'il vient de dire était sincère. Ethan l'aime. Leo sait qu'il doit répondre. Et rapidement. Mais la vague d'émotions qui vient de s'échouer en lui empêche son cerveau de fonctionner correctement.

Ça n'a pas d'importance, car ce moment est vite interrompu par un cri strident provenant du couloir. Leo échange un regard furtif avec Ethan qui signifie : On finira cette conversation plus tard. Puis, sans attendre, ils se précipitent à l'extérieur pour découvrir la source du hurlement. 

En réalité, il n'y a pas qu'une seule source. L'agitation est générale. Tous les étudiants qui résident au même étage sont sortis de leur chambre, créant une cohue épouvantable dans le couloir. Des murmures indéchiffrables de part et d'autre, Leo tente de comprendre ce qui provoque tant d'émoi. Un petit groupe s'est amassé devant la seule fenêtre, quelques mètres plus loin, comme s'ils attendaient l'arrivée d'une célébrité.

— Qu'est-ce qui se passe ? demande Ethan au grand brun de la chambre numéro six.

— Un ouvrier a retrouvé un corps sur le chantier de la nouvelle bibliothèque, répond-il. La police vient d'arriver sur le campus. Ce n'est pas encore sûr, mais tout le monde dit qu'il s'agit de Liam Dawkins.

Et tous les démons sont iciOù les histoires vivent. Découvrez maintenant