Et tous les démons sont ici

Chapitre 33 : Leo

L'étau semble se resserrer dangereusement. Leo en vient à se demander s'il ne serait pas préférable de prendre les devants. S'il avoue de son propre chef avoir tué Liam, il aura sûrement le droit à un peu d'indulgence de la part de la justice. C'est une tentative désespérée de se raccrocher aux branches, il le sait bien, mais ce serait mieux que de ne rien faire. Elena continue de lui répéter que la situation est sous contrôle. Malheureusement, il n'est plus sûr de croire à ses tentatives de réconfort. Elle veut le protéger, ça il en est certain, mais à quel prix ? Ne pas savoir ce qui se trame dans les coulisses est une sensation terrible, surtout pour quelqu'un d'anxieux comme Leo.

Une autre source d'inquiétude : Ethan. Ils n'ont toujours pas discuté depuis qu'il a tout deviné au restaurant. Leo n'a pas encore osé engager la conversation, de peur de le perdre pour toujours. Tant qu'ils ne parlent pas, il peut encore prétendre que tout est comme avant, que leur relation n'a pas été transformée à jamais. Mais ce n'est qu'une illusion. Et il va falloir affronter la réalité un jour ou l'autre. Le plus tôt sera sans doute le mieux.

Quand Ethan rentre du studio de musique, aux alentours de vingt-et-une heures trente, Leo décide de faire un saut vers l'inconnu.

— Est-ce qu'on peut parler ? demande-t-il, faisant son possible pour ne pas avoir l'air d'exiger quoi que ce soit.

— Je crois qu'il est temps, oui.

Ethan jette ses affaires sur son lit sans réelle délicatesse. Pour la première fois depuis deux jours, il ose regarder Leo droit dans les yeux. S'il est encore capable de faire cela, c'est un début.

— Il faut que... commence Leo avant d'être interrompu.

— J'ai beaucoup réfléchi à tout ça, dit Ethan. Je ne veux pas connaître les détails. J'ai seulement deux questions à te poser.

— D'accord. Je t'écoute.

— Est-ce que c'était de la légitime défense ?

Leo hoche la tête, ne faisant pas confiance à ses mots. S'il ouvre la bouche, il commencera une longue explication qu'Ethan ne veut pas entendre.

— Et est-que tu regrettes ton geste ?

— C'était la pire erreur de ma vie. Si je pouvais revenir en arrière, j'effacerais tout. Tu avais raison à propos des cauchemars et de ma baisse de moral. C'était majoritairement à propos de ça.

— D'accord. C'est tout ce que j'avais besoin d'entendre.

Sur ces mots, Ethan commence à vaquer à ses occupations, comme si c'était une soirée ordinaire parmi tant d'autres. Il fait un tour rapide par la salle de bain, puis il vient récupérer son téléphone dans son sac. Leo reste sans voix durant de longues secondes, se demandant s'il devrait dire quelque chose. Quoi, il ne sait pas vraiment. Mais il ne peut pas s'en empêcher.

— Tu n'es pas en colère ? demande-t-il. Ou même écœuré par ce que j'ai fait ? Si jamais tu voulais demander à changer de chambre, je comprendrais.

— Je suis encore troublé, répond Ethan. Je le suis depuis l'autre soir. Si ça avait été n'importe qui d'autre, j'aurais sûrement ressenti de l'aversion, mais... Le problème, c'est que je te connais Leo. Je sais qui tu es vraiment. Tu es foncièrement bon et gentil. Et je sais que tu te dis probablement que tu es un monstre, désormais, mais c'est faux. Un monstre ne serait pas rongé par la culpabilité et les remords. Je ne vais pas te mentir, ce n'est pas comme si rien n'avait changé. Il va me falloir un peu de temps pour me faire à l'idée. Mais une chose n'a absolument pas changé : la manière dont je te vois.

Leo a des centaines de choses à dire, mais rien ne semble approprié. Il espérait sincèrement qu'Ethan parvienne à le pardonner, mais cette idée semblait être un rêve irréaliste. Maintenant plus que jamais, Leo se dit qu'il ne le mérite vraiment pas.

— Ethan, je...

— Tu n'as pas besoin de répondre quoi que ce soit. Je t'ai dit que tu pourrais toujours compter sur moi. Et je n'ai aucune intention de manquer à cette promesse.