Et tous les démons sont ici

Chapitre 3 : Elena

Enfiler l'uniforme d'Huntington était un rêve d'enfance pour Elena. Elle avait fini par mettre ce rêve de côté lorsqu'elle s'est rendu compte que c'était le seul moyen de rester loin de sa famille et de son passé. Mais aujourd'hui, le rêve se réalise, malgré tout. Elle contemple chaque détail dans le grand miroir accroché au mur. Une chemise blanche accompagnée d'un nœud papillon bordeaux, une jupe plissée à carreaux et des chaussettes hautes. La pièce maîtresse reste néanmoins le blazer bleu marine, décoré de l'emblème officiel de l'école : un écu aux bordures dorées divisé en quatre parties et orné de feuilles de laurier. Il faut regarder de près pour apprécier la minutie de l'emblème, qui est divisé en quatre parties pour représenter les arts enseignés ici. Deux masques pour la comédie, une clé de sol pour la musique, une palette de peinture pour les arts plastiques et une plume pour l'écriture.

C'est son premier jour de cours, le début d'une nouvelle aventure qui va lui permettre de développer son art de manière unique. Aucune autre école ne peut révéler votre potentiel de la même manière qu'Huntington. Alors pourquoi a-t-elle un mauvais pressentiment qui ne semble pas vouloir la quitter ?

Elle tente de chasser ses pensées négatives lorsque sa colocataire, Kennedy, sort de la salle de bain. Elles ont pu se présenter officiellement hier après-midi, quand Elena est revenue de son tour du campus. C'est une grande jeune femme, un peu plus âgé qu'elle, à la peau mate et aux cheveux bruns et frisés. Dès la seconde où Kennedy a posé son regard sur elle, Elena a eu l'impression qu'elle pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Cela provient sûrement de son attitude décontractée et sûre d'elle. C'est comme si elle vous donnait envie d'obtenir son approbation, même si vous ne savez pas exactement pour quoi. 

— Il faut que je me dépêche, dit Kennedy en passant une main dans ses cheveux. Mon premier cours commence dans dix minutes. Si j'arrive en retard dès le premier jour, Mme. Montez va me pulvériser avec ses yeux laser. Tu vas réussir à trouver ton bâtiment toute seule ?

Elena pourrait répondre qu'elle connaît déjà tous les recoins de l'école par cœur, mais ça pourrait lui mettre la puce à l'oreille quant à sa véritable identité. Elle ne veut pas que sa réussite soit remise en doute à cause de sa famille. À partir de maintenant, elle n'est pas la fille de Carolyn Huntington, seulement une étudiante parmi les autres.

— Je vais me débrouiller, répond-elle à la place, c'est gentil. J'ai fait un tour des environs hier. Ne te mets pas en retard pour moi.

— D'accord. En tout cas, si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas.

Les colocataires échangent un sourire, puis Kennedy se tourne vers son lit pour attraper son sac. Dans le reflet du miroir, Elena la surprend à fixer les quelques photos qu'elle a accrochées au-dessus de son lit à son arrivée. Personne ne lui a dit que la curiosité était un vilain défaut, de toute évidence. Elena prétend n'avoir rien vu pour ne pas risquer que la conversation dévie vers les personnes présentes sur les clichés. Il est trop tôt pour être bombardé de questions au sujet de son père ou d'Anthony.

À vrai dire, ce n'est jamais le bon moment pour parler d'eux.

Kennedy lance un au revoir par-dessus son épaule avant de quitter la chambre. Elena applique du gloss sur ses lèvres afin d'être prête à faire de même. Que cette nouvelle année commence !

Les rayons de soleil sont de sortie aujourd'hui. Elena essaye d'en profiter un maximum avant de se rendre à son premier cours de la journée : "Introduction à l'Histoire du théâtre". C'était déjà la matière qu'elle aimait le moins dans son ancienne école, mais elle espère secrètement que ce professeur saura rendre les choses intéressantes. On peut toujours rêver.