Chapitre 40 : Leo

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Les cours sont toujours suspendus à Huntington. L'administration risque de devoir proposer des cours supplémentaires cet été s'ils ne veulent pas perdre davantage d'étudiants. Beaucoup de personnes ont quitté les lieux pendant cette suspension et la plupart d'entre eux ne compte certainement pas revenir. Joséphine Matheson en fait partie. Elle est partie le lendemain de la tentative d'arrestation de David, se disant sûrement que rien ne la retenait ici. Leo et Ethan, quant à eux, ont décidé de rester et de continuer à travailler sur leurs projets respectifs. Il n'était pas concevable d'abandonner alors qu'ils ont atteint leur dernière année.

Cette semaine, Leo est parvenu à bien avancer sur son second roman. L'inspiration est venue lors d'une nuit d'insomnie et il l'a attrapée fermement pour s'assurer qu'elle ne s'envolerait pas à nouveau. Il n'est pas encore arrivé au bout de son premier jet, mais ça ne saurait tarder. Sans cours et sans devoir à rendre, il a beaucoup de temps devant lui. Et l'écriture lui permet de s'évader et de ne pas avoir de mauvaises pensées.

Au cours d'une de leurs discussions nocturnes, Ethan pose sa main sur celle de Leo. Même dans le noir, son visage laisse transparaître de l'inquiétude, comme il le fait à chaque fois qu'il a quelque chose d'important à dire.

— Qu'est-ce qui te tracasse ? demande Leo.

— Je voudrais te promettre quelque chose, répond Ethan.

— Je t'écoute ?

— Dans quelques mois, on sera enfin diplômés. Et à la seconde où ce sera fait, je te promets qu'on partira loin d'ici, qu'on pourra repartir à zéro.

— On ?

— Oui. À moins... à moins que je sois un peu trop présomptueux.

— Non, tu ne l'es pas.

Ethan arbore un sourire en coin, comme il le fait toujours dès qu'il est soulagé. Leo sourit en retour, car il n'aurait pas pu imaginer un avenir sans Ethan. Dans moins d'un an, une nouvelle vie commencera avec lui, et Leo ne pourrait pas être plus heureux.


C'est en plein milieu d'un après-midi ordinaire que l'appel arrive. Leo est assis sur son lit, dos au mur, en train de travailler sur un nouveau chapitre, tandis qu'Ethan peaufine une partition sur leur bureau, un casque sur les oreilles. Le téléphone de Leo se met à vibrer au pied de son lit. Il l'attrape et voit un numéro inconnu s'afficher sur l'écran. Habituellement, il envoie ce genre d'appels sur messagerie, mais quelque chose en lui l'incite à décrocher cette fois-ci.

— Allô ? dit-il sans savoir à quoi s'attendre.

— Bonjour, répond une voix de femme qu'il ne reconnaît pas. C'est bien M. Leo Marks à l'appareil ?

— Oui, c'est bien moi. Et vous êtes... ?

— Marissa Davis. Je travaille pour la maison d'édition Creative Minds. Vous nous avez envoyé un manuscrit il y a quelques mois.

Quoi ? A-t-il entendu correctement ?

— Eh bien, reprend Marissa, j'ai le plaisir de vous annoncer que votre œuvre a retenu notre attention. Nous souhaitons publier votre roman.

Leo fait un mouvement tellement brusque qu'Ethan retire son casque pour demander ce qui se passe. Il lui fait signe d'attendre une seconde.

— C-c'est... balbutie Leo. C'est une nouvelle incroyable ! Je ne sais pas vraiment quoi dire. Merci énormément, c'est... Je n'arrive pas à y croire.

— Il va falloir y croire, répond Marissa avec un petit rire, car nous vous avons déjà envoyé un contrat d'édition par voie postale. Je vous rappellerai pour qu'on puisse parler plus en détail. En attendant, allez fêter ça. Vous l'avez bien mérité.

— Merci, merci encore. Je... Merci.

Marissa le félicite à nouveau, puis ils échangent des au revoir. En raccrochant, Leo ressent tout un tas d'émotions indescriptibles. Il sent des larmes couler le long de ses joues. Mais cette fois, il pleure de joie. Son travail a fini par payer. Le ciel n'est pas resté gris pour toujours.

— Leo, qui c'était ? demande Ethan, les sourcils froncés. Qu'est-ce qui se passe ?

— C'était une maison d'édition. Ils ont aimé mon manuscrit. Ils veulent... Ils vont publier mon roman, Ethan !

Les yeux d'Ethan s'ouvrent en grand. Puis il sourit à pleines dents.

— Oh mon Dieu, c'est génial ! Félicitations ! Je savais que ça finirait par arriver, c'est...

Mais Ethan ne termine jamais sa phrase car Leo plonge vers lui pour l'embrasser. Un geste passionné qui semble être la chose la plus naturelle au monde. Ethan est surpris durant un quart de seconde, mais il lui rend vite son baiser. Ils finissent par s'arrêter un instant, reprennent leur souffle et recommencent. Ethan prend le visage de Leo entre ses mains. Et la main de Leo se pose derrière la nuque d'Ethan. C'est comme une parfaite évidence. Qui pourrait croire qu'il s'agit de la première fois qu'ils s'embrassent ?

Quelques secondes, ou peut-être quelques minutes plus tard, Ethan s'éloigne pour attraper son manteau près de la porte.

— D'accord, dit-il, plus à lui-même qu'à Leo. Il faut que tu appelles tes parents pour leur annoncer la nouvelle. Ensuite, je t'emmène quelque part pour marquer le coup. Resto, ciné, glace... Tout ce que tu veux. Je te laisse même choisir le film, à mes risques et périls.

Leo sourit comme un imbécile heureux. Il n'y a pas assez de mots dans la langue française pour exprimer à quel point il l'aime.

En cherchant le numéro de sa mère dans ses contacts, une idée fait son chemin dans son esprit. Maintenant que son livre va être publié, il va lui falloir une dédicace sur la première page. Il n'a pas besoin de réfléchir pour savoir exactement ce qu'il va écrire.

Pour Rose. Le reste n'est que du bruit.

Et tous les démons sont iciOù les histoires vivent. Découvrez maintenant