Chapitre 20 : Leo

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Cette nuit donne l'impression que la fin du monde est proche. Et à vrai dire, cette perspective ne semble pas si terrible que cela. Une apocalypse pourrait mettre fin à toutes les souffrances de Leo en un rien de temps.

Il monte les escaliers de la Maison Polymnie tel un zombie, comptant sur la familiarité de ce trajet pour faire tout le travail à sa place. Il essaye de tourner sa clé dans la serrure pendant au moins trente secondes, jusqu'à ce que la porte s'ouvre en grand sous son nez. À sa grande surprise, Ethan est déjà rentré de la soirée.

— Te voilà enfin, dit-il, un air de soulagement sur le visage. Je t'ai envoyé plusieurs messages, mais tu n'as pas répondu. Je me demandais où tu étais passé.

— J'ai... Mon portable est éteint, je...

L'inquiétude reprend vite place chez son colocataire. Sans pouvoir l'expliquer, Leo se sent encore plus mal de l'avoir inquiété.

— Qu'est-ce qui se passe, Leo ? demande Ethan. Tu trembles.

— Je... C'était horrible, il... J'étais...

À cet instant, Leo réalise qu'il est si épuisé qu'il pourrait tout raconter à Ethan. Toute la vérité. Les mots afflueraient comme une chute d'eau infernale. Mais s'il faisait cela, Ethan le détesterait, de la même manière que Leo se déteste. Et cette idée lui est insupportable.

— Rose est décédée, dit-il avec le cœur toujours aussi lourd. C'est arrivé dans la nuit. Causes naturelles.

Lorsqu'il ose regarder son colocataire dans les yeux, Leo remarque une douleur qui paraît très similaire à ce qu'il a lui-même ressenti.

— Oh non... dit Ethan d'une voix tremblante. Je suis désolé, Leo, c'est horrible. Rose était vraiment quelqu'un de formidable.

Et sans se faire attendre, Leo sent à nouveau des larmes couler le long de ses joues. Il a honte de craquer devant Ethan, mais il ne peut absolument rien faire pour s'arrêter.

— Viens là, dit Ethan en venant l'enlacer sur le pas de la porte.

Leur étreinte dure plusieurs minutes, peut-être même une dizaine. Leo ne saurait dire. Mais il se laisse aller, son visage enfoui dans la poitrine de son colocataire. Il entend Ethan fermer la porte derrière lui, puis il se laisse guider vers son lit, de l'autre côté de la pièce. Quand les sanglots viennent à s'espacer de plus en plus, Leo s'écarte de quelques centimètres pour le laisser respirer.

— Pardon, j-je... balbutie-t-il. Je ne veux pas être un fardeau. Tu avais sûrement d'autres choses prévues ce soir. Ça va aller. Tu peux retourner à la fête si tu en as envie. La fille de tout à l'heure est sûrement de meilleure compagnie que moi.

Ethan plisse les yeux, comme s'il voulait déchiffrer des petits caractères en bas de page. Leo regrette instantanément d'avoir dit cela, mais il est trop tard pour ravaler ses mots.

— Je t'ai vu parler avec une fille rousse quand je suis revenu sur le campus, explique-t-il. Je ne voulais pas vous déranger, alors je suis parti boire dans un coin... Comme un abruti.

— Tu veux dire, Lena ? C'est seulement une amie d'enfance. Elle doit aller dans l'Ohio pour le travail et elle a fait un petit détour pour venir me voir. Elle n'est pas restée très longtemps, elle est repartie vers son motel en ville depuis un moment, déjà. Il n'y a absolument rien entre elle et moi, Leo. Elle a décidé de venir à la dernière minute, et elle m'a reproché d'être collé à mon téléphone, parce que j'attendais de tes nouvelles.

Leo ne s'attendait vraiment pas à cela. Son cerveau s'est permis une trop grande liberté d'interprétation, sur ce coup-là.

— Et attends une seconde, reprend Ethan, tu as dit que tu avais bu ? Toi ?

Et tous les démons sont iciOù les histoires vivent. Découvrez maintenant