14. Derrière les murs

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   Notre convoi fut le dernier à rentrer à Starv en grande partie à cause de la bataille toute proche du campement. J'étais réapparut un peu après avec mes trophées en disant en prétextant avoir attendu la fin du tumulte caché. Sur le chemin du retour, on recouvrit notre cage avec un grand drap comme pour aveugler un oiseau dangereux. Cela rendit le voyage bien plus confortable au vu des températures de plus en plus extrêmes qui régnaient à l'extérieur. La plupart des chevaliers avaient troqués leurs armures de plate contre des gambisons épais ou autres jaques bien chauds. Les sabots des chevaux commençaient à s'enfoncer dans les neiges qui bloqueraient bientôt les chemins jusqu'à la fin de l'hiver. Ce serait sans doute les derniers chariots à pouvoir traverser cette année. Plus nous nous enfoncions dans l'Empire, plus les températures baissaient. Chevaucher par ce temps était sans conteste une bien terrible idée mais l'aide de camp de Kobyla avait donné l'ordre de ramener les chiens dans leur chenil avant le creux de l'hiver. Le reste de la garnison s'était replié dans la forteresse de l'Ouest : Soligrav pour y passer la saison blanche.

   J'avait beau être enfermé dans une cage aux barreaux glacés et prisonnier de fers qui brûlaient ma peau, je plaignais bien plus les cavaliers devant affronter « la mort douce » comme on l'appelait chez moi. Celle qui vient vous prendre dans un sommeil éternel. Mais il y avait autre chose que je craignais bien plus et sans doute les chevaliers impériaux partageaient-ils mes inquiétudes. A cette période, les routes commerciales désertées redevenaient les territoires de créatures innommables. A plusieurs reprises, je me réveillai en sursaut à cause d'une odeur ou d'un son de mauvais augure dans les bois. J'en étais certain, des choses avaient laissé passer le convoi sans nous attaquer. Par chance, l'hiver ne devait pas encore être assez avancé pour donner courage aux petits prédateurs et laisser s'aventurer les plus gros aussi loin dans les terres impériales. Ils franchirent donc sans encombre les territoires de l'Ouest pour enfin retrouver la protection des boucliers cardinaux, et celle des murs de Starv. Devant la situation, les chevaliers prirent pas le temps de passer la nuit dans un village et poussèrent les montures pour gagner une journée. Ainsi nous traversâmes enfin les remparts alors que l'obscurité s'installait.

   Le convoi traversa la ville devenue fantomatique à cette heure-là et termina son périple devant le donjon duquel sortirent un groupe d'écuyers et de palefreniers pour s'occuper des chevaux et des blessés. Un chevalier apparut peu après emmitouflé dans des vêtements hivernaux. Je reconnus aisément Vetrov lorsqu'il fut à quelque pas de la cage, et que son visage fût éclairé par la lanterne qui y était accrochée. Il déverrouilla la porte et fit desceller les chaines des deux chiens pour les faire sortir. Charbonnier fut escorté par des gardes vers le chenil tandis que le chevalier m'entraîna avec lui dans la bâtisse anguleuse. Dès lors qu'ils firent un pas à l'intérieur, je sentis la douce chaleur de l'âtre me tirer de la léthargie du voyage et l'odeur du grain réveiller mes sens. Je ne posais pas de question lorsque le chevalier Starvois me fit monter trois étages sous les lanternes à huile avant de s'arrêter devant une large porte de bois.

   Vetrov toqua doucement et une voix étouffée mais assurément féminine lui dit d'entrer. Il ouvrit la porte, et sans un mot me poussa à l'intérieur. Il me fit ployer le genou sur un somptueux tapis rouge sang orné de motifs draconiens sans que je ne tente une quelconque résistance faute d'énergie. Puis je lèvai la tête vers une silhouette familière mais non moins somptueuse. Mes yeux mi-clos furent immédiatement captivés par la manière tout à fait formidable dont les flammes de l'âtre se reflétaient sur le visage de la fille de l'Aurore.

   -   Debout. Souffla-t-elle avant de marquer une pause en me jaugeant du regard. J'ai entendu parler de l'attaque des Olavéens contre le campement. Attaque durant laquelle, le seigneur Vazek Kobyla fut empoisonné par une flèche ennemie. Poison qui l'emporta faute de connaissance sur son origine. J'ai bien fais de te choisir, ton père t'a bien formé.

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