25. Le Chaudron d'Or

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Musique : Miroslav Tadić - Rustemul


   Courir, je devais courir plus vite. Mais pour aller où ? Le vent s'était remis à souffler plus froid que jamais et me ballottait de gauche à droite comme pour chercher à me ralentir. Je n'avais rien vu bien sûr, si c'était le cas je ne serais plus en vie. Mais il me pourchassait, cela j'en étais certain. C'était plutôt ironique. Mon père avait toujours vénéré Herne le chasseur pour que ses flèches se plantent toujours dans la chair de ses proies. Il parlait au dieu comme à un camarade qu'il respectait. Mais les Gris eux étaient nés chasseurs nés. Ils ne dépendaient pas d'Herne. Me voilà qui envoyait pour la première fois de ma vie des prières à ce dieu mineur pour me redonner ma place de chasseur face à cette bête qui parcourait les plaines enneigées.

   J'étais stupide.

   Herne ne répondait pas aux prières mais seulement aux offrandes. Il n'offrait sa protection qu'aux chasseurs qui lui dédiaient leurs victoires. Pas à ceux qui fuyaient la queue entre les jambes. Alors qu'il en soit ainsi.

   Je m'arrêtais net, presque à bout de souffle et tirais l'arc de mon corps avant d'attraper trois flèches dans ma main droite. Je pris une grand inspiration et comme mon père me l'avait appris, contrôlait mon souffle pour calmer mes tremblements. Je ne sentais plus le froid sur ma peau ni les lames glacées me pénétrer la chair. Il n'y avait plus que mes yeux qui scrutaient les bois et mes oreilles qui écoutaient attentivement le murmure traître du vent. « Écoute et regarde » s'était toujours contenté de dire mon père. Toutes les réponses à mes questions étaient là. Il suffisait de les voir et de les entendre. Je relâchais un léger souffle en plissant les lèvres et les crissements de l'air se firent plus stridents encore.

   Là.

   J'encochais, tendit ma corde et décochais dans un même mouvement. Le trait fila à travers les quelques flocons qui tombaient du ciel et sa pointe alla s'enterrer profondément dans le crâne d'un grand loup couleur suie qui venait d'apparaître. Il s'effondra sans un bruit alors que j'encochais une seconde flèche vers une silhouette encore invisible. Dès l'instant ou le second loup sortit de derrière un groupe d'arbres morts, une flèche traversa sa poitrine et le fit s'écraser dans la neige dans son élan. Il émit un fin gémissement qui l'air me rapporta étrangement. Le vent semblait dans un étrange langage me souffler à l'oreille ce que je ne pouvais entendre. J'avais déjà entendu ces sons étranges, mais je n'avais jamais cherché à y voir un sens. Pour moi ce n'était que les plaintes de l'hiver. Mais il me parlait. J'avais l'impression d'être un cinglé, mais j'entendais le vent murmurer.

   Et alors que je venais de l'entendre pour la première fois, il se mit à hurler à plein poumon. Une soif et une bestialité sans nom s'en dégageait comme les aboiements d'un chien dressé pour tuer. Il grognait de rage.

   Je compris alors que ce vent-là, celui qui murmure, n'était qu'un porteur de messages. Celui qui avait prononcé ces souffles sanglants était là, à moins de cents pas. Il m'observait, les crocs à l'air et les griffes prêtes à fondre sur moi en un instant. C'est alors qu'une autre silhouette apparut. J'entendis les échos de se souffle bien humain et me tournait dans sa direction prêt à lui décocher une flèche.

   -   Par ici ! Hurla la silhouette encapuchonnée en me faisant de larges signes.

   Il était couvert d'une tenue de cuir près du corps, noire et bordeaux qui semblait peu adaptée au froid extrême. Une chose était sûre, ce n'était pas un garde et c'était tout ce qui importait. Je détendis ma corde et me mis à courir dans la neige vers lui. Mon propre souffle m'empêchait d'entendre le vent lorsque je courrai alors je ne pouvais pas savoir si j'étais poursuivi. Il n'était qu'a quelque dizaines de pas, mais la neige était épaisse et rendait ma démarche lourde. Il était après moi, j'en étais certain. Il pouvait fondre sur moi à tout instant ou être juste dans mon dos. Je sentais presque ses griffes transpercer mes côtes. J'avais bien trop peur pour me retourner, je devais juste courir vers ce type en priant Rod pour qu'il soit mon sauveur d'une manière ou d'une autre.

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