Copper Coin

15. Prières

   C'est un étrange sentiment qui me traversa lorsque Vetrov me ramena devant la même porte une fois de plus, et que derrière cette dernière je découvris les yeux d'azur de la fille de l'Aurore. Etait-ce du soulagement, ou bien une terreur plus grande encore ? En tout cas c'était bien elle qui m'avait « racheté » au chenil. Une fois de plus le soleil s'était mis à briller d'une lueur surnaturelle depuis la fenêtre de sa chambre. Comme si Zorya les observait d'un œil, l'astre matinal s'était paré de ses couleurs les plus chatoyantes pour noyer la Nebesnoy sous sa lumière. A cette vue, je ne puis m'empêcher de me dire que j'irais aux confins du monde pour cette femme, toute humaine qu'elle soit. Après un silence religieux, Natalya s'adressa à moi.

   -   Alexei Beregovoi.

   Dès lors qu'elle prononça mon nom, un spasme incontrôlable traversa mon dos depuis le tatouage d'asservissement apposé par le mage.

   -   Bien, on dirait que cela fonctionne. Dit-elle en montrant le dos de sa main marqué d'un petit tatouage étranger. Comme tu peux le constater, j'ai reçu les droits de commandements liés à ton tatouage. J'ai désormais tout pouvoir sur ta vie. Tu n'es plus un chien de Starv, tu es maintenant mon gardien et mon serviteur. En contrepartie tu recevras les mêmes droits que mes chevaliers et tu seras membre de mon clan. Tu es maintenant un Iegorov.

   Un membre de son « clan ». Cela signifiait à la fois que je devais protéger l'honneur et la prospérité de celui-ci, mais aussi que je serais protégé à mon tour par ce statut. C'était sans doute l'unique moyen qu'avait un chien de s'affranchir de son sort et c'est ce dont parlait Charbonnier. Cette femme venait de faire de moi un être humain de nouveau. J'ignorais pourquoi, mais ces mots m'ébranlèrent totalement. Mon errance solitaire était désormais terminée.

   Sans qu'elle ne me le demande, j'ôtais les arcs de mon corps et posai un genoux à terre.

   -   Relève-toi, je n'ai pas terminé. Dit-elle.

   Je m'exécutais et les vis prendre une petite boite d'ivoire sur la table.

   -   Pour être honnête, je ne connais pas bien ce sorcier et je n'ai pas une grande confiance en lui. En tant que membre de mon clan, je te traiterai de la même manière que les autres.

   Elle ouvrit alors la boite et en sortit deux anneaux chromés. Je reconnus ces objets pour en avoir déjà vu au doigt de mon père. Des anneaux de promesse, une magie très ancienne utilisée pour conclure des pactes inviolables. On disait que Rod les avait créés autrefois pour obliger l'empire à conclure la paix avec les provinces du Sud. Aujourd'hui, ils étaient utilisés pour s'assurer la loyauté d'un homme. C'était simple, si l'intention de l'un était de tuer l'autre, l'anneau le tuait au moment du pacte. J'ignorai jusqu'où s'étendait le pouvoir de cet objet, mais quitte à être enchaîné, autant s'assurer que mon nouveau maître ne m'envoyait pas à une mort certaine. Je me redressais donc, et tendis la main où elle déposa l'anneau d'argent. Nous passâmes tous deux nous annulaires gauches dans l'anneau et nous serrâmes la main. Je sentis une brûlure intense dans mon doigt comme si l'anneau lui-même avait soudainement prit feu jusqu'à ce que nos mains ne se séparent. Elle ôta alors l'objet sans broncher et je l'imitais en découvrant une trace de brûlure circulaire autour de mon annulaire. « La marque de la promesse » me dis-je. Rien de particulier ne se passa après. Au moins cette femme ne cherchait pas à me tuer, elle semblait honnête sur ce point.

   -   Bien, maintenant que cela est fait je vais pouvoir te confier ta première mission.

   Un mauvais pressentiment me tarauda comme pour me punir de m'être réjouit trop vite.