Musique : Sergei Rudnev's - Fantasy on 'Crimson Moon
Je me fis violence pour me redresser, le souffle coupé. La neige et le corps du garde avaient amortis ma chute, mais elle n'en restait pas moins douloureuse. L'homme avait perdu connaissance ou bien avait simplement rendu l'âme. Mais je n'avais nullement le temps de m'en assurer. J'agrippais fermement sa côte de maille et le traînait de toutes mes forces vers les rochers. Les premières flèches fusaient déjà à l'aveugle. Grâce aux dieux, elles me manquèrent mais l'une d'elle rebondit sur une pierre à deux pieds de ma jambe. Une fois derrière le premier roc venu, je repris ma respiration. Ils allaient me poursuivre, au moins pour un moment. Il leur faudrait tout au plus quelques minutes pour seller les chevaux et faire le tour par l'extérieur. Je me débâti dans la neige avec le corps inanimé pour lui ôter son précieux gilet de maille et le gambison qu'il portait par-dessus. Puis je me mis à fuir comme une bête s'étant pris la pâte dans un piège. La citée était sur une petite colline et la pente hérissée de rochers était assez vertigineuse. Je sautais de mon mieux d'une prise à une autre en glissant malgré moi dans des ténèbres de plus en plus épaisses.
Le vent se mit à me cingler le visage et à me glacer les os à travers ma houppelande et mon pourpoint. Je m'étais déjà habitué aux douces effluves des braseros... Dans mon dos j'entendais des cris mais je n'osais me retourner. Je devais courir. Une fois les pieds de nouveau dans la poudreuse, j'étais l'orée de l'imposante forêt. Cette fois c'était l'obscurité totale qui m'attendait. Ni étoiles, ni lune, ni torche pour éclairer mes pas. Levant les bras devant mon visage, je fis des pas hauts et exagérés pour planter mes jambes dans la neige et éviter cogner une racine ou un rocher. La différence de température avec l'intérieur de la ville était effrayante. Chaque bouchée d'air brûlait déjà mes poumons. Le vent sifflait d'une manière tout à fait singulière à mes oreilles. Comme un haïssable langage oublié et compréhensible uniquement par des choses non humaines. Une terrifiante magie habitait l'hiver. Je la sentais me griffer la peau et tenter d'arracher chaque étincelle de chaleur de mon corps alors que je m'enfonçais dans les bois.
Je ne savais pas s'ils me poursuivaient encore, mais j'avais déjà oublié leur existence. Ce vent de folie me vidait l'esprit et grignotait ma lucidité à une vitesse terrifiante. Le vent sifflait.
Il sifflait.
Il... sifflait....
Non ! Ce n'était pas que le vent. Cette terrible sensation d'être dévoré vivant. C'était le blizzard. Le blizzard se levait, et avec lui la flamme de ma vie allait s'éteindre. Je ne pouvais pas mourir. Je ne devais pas mourir. Je... pourquoi ne devais-je pas mourir ? La vision de ce jour me revint dans une errance de l'esprit. Ce ciel gris annonçant les premiers flocons blancs. La sensation de la corde rugueuse contre mon cou. La mort. La mort qui m'effleurait du bout des doigts et m'emplissait d'une étrange sérénité. J'allais mourir. Je n'y voyais plus à un pas. Seulement ce voile blanc sombre. Était-il dehors ? Dans mes yeux ? Ou bien dans mon esprit. C'était une si belle couleur. Le blanc dans l'obscurité. Oui, je pouvais bien mourir ici...
C'est alors qu'une terrible sensation irradiât dans mon dos et au travers de ma poitrine. Un feu bien moins pur et bien plus malfaisant me dévorait la chair. Je m'effondrais, ignorant la brûlure du froid et ôtant le gambison, la houppelande et mon pourpoint. C'était mon tatouage. Il rayonnait d'un éclat sinistre comme une flamme maudite qui refuse de s'éteindre. C'est alors que le vent cessa son murmure assourdissant et les épaisses pelotes de coton s'écartèrent. Une étroite strie s'ouvrit au creux des nuages noir et une lumière pâle et claire inonda ce minuscule coin de ciel. La douleur se calma alors que la scrutait. Les rayons tombaient dans la neige comme des cheveux d'argent, comme ses cheveux d'argent. C'était la Lune. L'Aurore nocturne m'offrait son halo l'espace d'un instant. Je souris douloureusement en sentant quelques larmes échapper à mon contrôle.
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Copper Coin
Fantasy"Regarde moi, et dis-moi quel espoir en toi n'est pas mort ?" Seul l'hiver m'est tendre et seule la mort réchauffe ma couche. Je combattrais le Peuple Gris au Nord, les éleveurs de bêtes du Sud et tout être que les dieux mettront sur ma route. Pour...