17. Né en hiver

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Musique : Gojira - Born in Winter


   Des images de neige. Une neige rouge tachée par du sang. Pas un son. Le ciel de la fin de l'hiver pesait dans mes oreilles comme avant un énorme orage. Le visage de cet homme qui ne semblait rien avoir. L'odeur du charbon dans l'air et les silhouettes qui allaient venaient. Pas un cri ne sortit de la bouche de ceux dont le sang coulait à flot. Pas un son ne sortait de la bouche de l'homme dont les lèvres bougeaient anormalement. Je ne bougeais pas. Paralysé par le silence, à regarder mon père et ma mère se faire massacrer. J'étais calme, trop calme. Pourquoi n'arrivais-je à rien ressentir ? Pourquoi ne pouvais-je pas bondir de la forêt pour les aider. De la peur ? Je n'en ressentais aucune, c'était sans doute ce qui me terrorisait le plus. Puis quelque chose brisa le silence. Une détonation brutale comme si la terre se fendait. Non, plutôt comme la colère de Rod qui faisait vrombir le ciel. Cela ne venait pas d'ici. J'ouvrais violemment les yeux et me dressait sur mes pieds sous la voix de Charbonnier.

   Les détonations continuaient de retentir au loin en raisonnant dans la nuit. Tout le monde était debout et les silhouettes obscures dansaient dans la hutte. Face aux faibles lueurs du feu de camp au dehors.

   -   C'est quoi ce boucan ? Cria Vlad.

   -   Le Tonnerre ? Une tempête ? S'inquiéta Solomone.

   Non ce ne pouvait pas être le tonnerre. J'avais consciencieusement lu le ciel hier et la manière tout à fait singulière qu'avait le son de raisonner était différente. C'était autre chose. Quelque chose que je connaissais. Je l'avais déjà entendu, mais quand ? Une sortie avec mon père ? Pendant mon enfance ? En hiver. C'est ça !

   -   Debout ! Criais-je. Ramassez votre barda on s'en va et vite !

   -   C'est quoi putain !?

   -   Le froid ! C'est le froid, bouge ton cul si tu veux pas crever !

   Nous dormions bien sûr habillés et avec nos armes à portée de main. C'était Charbonnier qui était de garde mais le bruit nous avait tous réveillés rapidement. Nous chargeâmes en quelques secondes les peaux de bête, les armes et la nourriture à la volée sur le traîneau avant de fuir dans la direction opposée des bois. Le Bynya semblait ravit de notre décision et plus que pressé de partir lui aussi. Nos maigres torches improvisées éclairaient à peine à deux toises devant nous. Mais je sentais l'air plus froid et plus sec qu'hier me craqueler la peau et les lèvres. La neige ne tombait plus et pas une brise ne soufflait. Tout devenait de plus en plus froid alors que le son se rapprochait. Soudain j'entendis distinctement quelque chose noyé dans les craquements retentissants. Un bruit que je n'avais jamais entendu et qui provenait du même endroit que ce vacarme. J'ignorais quel chose avait pu produire un son aussi haïssable, mais j'étais certain d'une chose : C'était vivant.

   -   Par-là ! Hurlais-je en bifurquant.

   Nous coupâmes à travers une clairière couverte de bosquets épineux en franchissant les arbustes coûte que coûte avant d'arriver à une pente enneigée.

   -   Grimpez comme si vous aviez un démon au cul ! Criais-je pour forcer la marche.

   J'aidais Charbonnier et Vlad à tirer le Bynya qui peinait à grimper sur la colline. Chaque bouchée d'air était plus douloureuse que la précédente. Le froid glacial inspiré me brûlait les poumons mais je serais les dents pour ne pas tousser et perdre mon souffle. Chaque seconde comptait. Enfin nous arrivâmes au sommet, mettant presque une centaine de pieds entre les derniers arbres et nous. Le bruit continua d'avancer dans la vallée et poursuivit son chemin pour s'éloigner. A bout de souffle, je m'effondrais dans la neige et toussant. Un liquide chaud et sombre moucheta la neige alors que je calmais ma respiration.

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