The Wicked Deep

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Coupable. Ce mot me donna des frissons dans le dos, dans la nuque et le long des bras. Une telle accusation et tous les regards se tournèrent vers moi, au fond de la classe.

- Je rectifie, votre famille.

- Excusez moi mais je ne comprends pas très bien !

Et cette journée s'annonçait rude d'épreuves. Le lycée entier me regardait méchamment, même des gens qui n'étaient pas au courant de la rumeur suivaient du regard mes pas et je me sentais persécutée, visée. Arrivée chez moi, la sueur sur le front, un soupir aux lèvres, je pouvais enfin me sentir seule, loin des regards accusateurs. Et je croisa mon père qui lisait une lettre sur le tabouret de la cuisine, les coudes sur l'îlot. Il avait reçu une lettre de menace ce soir là. J'avais la sensation que toute la ville était contre nous. Mais je ne pouvais pas me permettre d'imaginer que tout cela était provoqué par une personne que j'affectionne. Ma mère elle, faisait sauter du saumon dans la poêle, son tablier autour de la table. Ils m'ont ignorés quand je suis passée. Et ça m'a choqué, je ne sais pour quelle raison.

L'heure du repas, je retournais dans mon assiette mon filet de saumon sous les yeux de mes parents.

- Papa ? Dis je en fixant le blanc crème de mon assiette.

- Oui ma puce ? Répond il en dirigeant son regard vers moi.

- Tu connais l'histoire de Martin Ferry ?

Ma mère se redressa sur sa chaise, dubitative.

- Et bien. Il replongea ses yeux dans son assiette pour continuer. Martin Ferry avait une très grande place dans l'histoire de notre ville. Pourquoi cette question ? S'étonne t'il.

- On l'a étudié en classe, et bizarrement, le prof d'histoire m'a accusé de son meurtre.

Mon père ravala sa salive avant de reprendre une bouchée de poisson et ma mère restait muette.

- Comment ça ?

- Il m'a dit que notre famille est coupable de la mort de Martin Ferry. J'en sais pas plus.

Je vis dans sa posture et son regard qu'il était dérangé et renfermé pour parler de cette rumeur qu'il a du certainement entendre.

- Papa. Est ce que c'est vrai ? Énonce je en penchant la tête.

- Écoute... Je ne sais pas de quoi tu parles Allison.

- Pourquoi tu mens ? Rétorquais je.

- Georges... Débuta ma mère en le fixant dans le blanc des yeux. Elle a le droit de savoir !

- Bon, notre ancêtre, le fondateur de cette ville a tué par jalousie Martin Ferry...

Un bout de poisson me râpa la gorge.

- Qu... Quoi ?

Ma mère acquiesça de la tête. Je ne comprenais pas comment il fallait réagir, je restais choquée et je m'en voulais. Ma famille a détruite celle de Nick par jalousie. Mon père m'avait ordonné de ne pas le répéter. Pourquoi Nick voudrait-il annoncer cet évènement en ce moment ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je ne cherche même plus à comprendre...

Ce matin là, je me suis levée énergiquement, partie au lycée sans avoir déjeuné. Je n'ai pas ressenti l'envie de me maquiller. Alors au teint naturel, mes lèvres gercées, mes yeux purs, je marchais entre les rochers et l'herbe pour rejoindre le lycée. J'avais la boule au ventre, je me sentais coupable de quelque chose que je n'avais pas commis. J'avais peur de revoir Léana, Lucas ou encore Jason me dévisager et me haïr. Ils me salissaient mais je ne le savais pas. J'étais égoïste, inconsciente. Arrivée devant la porte vitrée, mon cœur palpitait, je m'attendais à une foule en colère mais quand je suis entrée, j'ai découvert un couloir silencieux. Un tas de lycéens se formaient autour de mon casier. Charlie me rejoignit, main dans la main. Quelques jeunes s'écartèrent pour me laisser la place et je vis des lettres rouges peintes sur mon casier. "Sorcière" il y était marqué. Des frissons coururent dans mon dos. Je n'avais qu'une envie. Quitter le lycée. Alors je poussa le peu d'élèves qui s'étaient faufilés derrière moi. La haine, la tristesse, le chagrin, l'impuissance et l'incompréhension me grignotaient. Tant de sentiments et ma tête en avait un mal de crâne.

Je courus alors, Charlie courait après moi mais je ne m'arrêtais pas. Le temps était signe de mon humeur ce jour là. Des nuages gris, un soleil invisible, un vent frais et piquant, un goût de sel dans la bouche et les cris perturbables des mouettes affamées.

Les larmes aux yeux, je rentra, Charlie avait arrêtée ma poursuite et je surpris ma mère, dans la cuisine, choquée par mon arrivée subite.

- Allison ? Mais qu'est ce que tu fais là ?

- Je suis obligée de répondre ?

Ma mère ouvra grand les yeux et baissa le regard sur le plan de travail en continuant de découper ses légumes. Je ne sais même pas si je retournerai au lycée demain. La pire des accusations sur notre dos. Je n'avais pas vu Nick depuis un moment déjà. Je voulais pleurer. Mais ça ne sortait pas. J'avais envie d'hurler, je me disais que cet amour futur est déjà fini depuis longtemps. Nick ne voudra pas de moi, il ne me connait sûrement pas personnellement et ça m'attristait de plus en plus. Chaque seconde, j'avais sa tête qui défilait et tournait dans la mienne. Je devais tourner la page... Mais un coup de feu retentit alors dans le salon... Un moment de blanc plongea la maison dans le néant. J'entrouvris ma porte, et vis mon père, au seuil de la porte, sa sacoche de travail au sol, ma mère qui courut vers lui, son torse en sang...

𝐒𝐨𝐮𝐬 𝐭𝐞𝐬 𝐲𝐞𝐮𝐱Où les histoires vivent. Découvrez maintenant