Fierté de garçons

Chapitre 7

Le rangement avance lentement mais sûrement, l'espoir de finir avant la nuit se montre. Ils maintiennent donc le rythme le plus longtemps possible.

« Ei' ?

- Hm.

- Passe-moi la boîte marquée « photos », s'il-te-plaît.

- Elle est tout en dessous de la pile, pourquoi tu la veux maintenant ?

- Ordre de Charline.

- Alors viens m'aider à l'attraper. »

Naël s'approche prend un côté de la pile, prenant garde à laisser un maximum de distance entre leurs mains et ils soulèvent l'ensemble après avoir compté jusqu'à trois. Ils posent les boîtes à côté avec précaution, s'espacent d'un grand pas comme si le fait de se tenir à moins d'un mètre l'un de l'autre leur était insupportable. Aucun d'eux ne semble décider à faire le premier pas pour mettre un terme à cette atmosphère tendue.

Leurs amis, toujours un œil sur eux, s'inquiètent de cette mésentente qui leur est désagréable. Ils aimeraient que le séjour des jumeaux se passent bien et dans la bonne humeur, ils subissent le froid entre les garçons malgré eux. Haneki, de son côté, réfléchit déjà aux prochaines étapes pour les forcer à se réconcilier.

« C'est déjà bientôt l'heure du dîner, il ne reste plus grand-chose, nous aurons fini d'ici une heure ou deux, on se prend une pause ? propose Arianne, exténuée.

- Je vais continuer un peu, le plus important est de vider cette chambre ce soir, peu importe si le salon est un peu encombré. Il n'y a plus que le petit meuble à vider et ensuite, le ménage, exige Naël.

- Oui, continuons, pour en finir plus vite, valide Eishun, concentré sur sa tâche.

- Et bien continuez tous les deux le temps que nous allions acheter à manger, on vous aidera à terminer au retour, on fait vite, promis ! »

Charline ne leur laisse pas le temps de réagir, elle attrape ses clés de voiture, les bras d'Arianne et Haneki, avant de les traîner dehors. Naël observe la scène sans rien dire, les petites manœuvres de ses amis l'agacent mais il ne peut rien dire, ils sont déjà assez sympas de ne pas lui reprocher son égoïsme. Mais il n'a pas encore le courage de parler à cœur ouvert avec Eishun, celui-ci a l'air vraiment énervé contre lui et il a peur que son cœur ne supporte pas un « non » sec.

« Ils sont partis ? s'étonne son ami.

Eishun s'est perdu dans ses pensées, il n'a même pas remarqué le départ des autres. Il se maudit de l'intérieur « je ne suis pas moi-même », il n'a jamais été rêveur mais ses derniers temps il perd souvent conscience de la réalité contre son gré. Naël s'étonne de sa question et retient un rictus amusé.

- Oui, tu ne t'en es pas aperçu ?

- J'étais ailleurs.

- Ce n'est pas ton genre, repose-toi, si tu es fatigué à ce point.

- C'est bon, finissons au plus vite. »

Ils se remettent au travail. Dans la voiture, la radio a été monté au maximum et les filles chantent à tue-tête. Haneki, au départ mort de rire, panique pour sa vie, Charline ne regarde pas vraiment la route et il regrette de ne pas encore avoir son permis.

« Charline, regarde devant ! s'égosille-t-il.

Sa peur fait rire les filles mais Charline obéit tout de même et se concentre sur sa conduite. Elle baisse le volume, une fois la musique terminée.

- Vous croyez que cela va s'arranger entre eux ? Honnêtement, je commence à en avoir assez, pourquoi est-ce que l'on doit endurer cette ambiance ?

- Je comprends, ça m'énerve aussi.

- Ils sont beaucoup trop têtus !

- Même s'ils sortent ensemble, j'ai peur qu'ils passent leur temps à se disputer et que nous devions essuyer les larmes derrière.

- Qui sait ? Peut-être qu'ils seront super doux l'un envers l'autre, une fois cette histoire arrangée.

- Tu es optimiste !

- En tout cas, qu'est-ce que l'on pourrait faire pour accélérer encore les choses ? Je sais que ce ne sont pas nos affaires mais après tout, nous sommes touchés aussi.

- Je pensais y aller franco et les obliger à dormir ensemble, avoue Haneki.

Les filles ouvrent de grands yeux étonnés. Leur ami semble viser un peu trop haut.

- Si tu es pressé que ton frère perde sa virginité, ok, mais bon, peut-être qu'un objectif un peu plus raisonnable serait mieux, non ? plaisante Arianne.

- Tout de suite de mauvaises pensées ! Je veux dire, il est injuste que nous virions Naël de sa chambre n'est-ce pas ?

- Hm, c'est assez vrai. Mais nous y avons réfléchi, si tu dors avec Naël, Eishun sera blessé et ce ne sera pas bon pour le ShunNaë ! Et les deux idiots refuseront l'idée alors nous pensons que c'est la seule solution.

- C'est vrai qu'ils vont avoir du mal à digérer la nouvelle mais je veux essayer. J'ai toujours eu une chambre pour moi seul, je travaille beaucoup et j'ai besoin de silence, je ne supporte pas le bruit des jeux vidéo ou quoi que ce soit. Ce serait donc plus logique que je prenne la petite chambre, non ?

- Je ne dis pas le contraire mais comment espères-tu les convaincre ?

- Et bien pendant qu'ils regarderont ailleurs, j'irai faire mon lit dans la chambre et déposer mes affaires. Le mieux serait de les mettre devant une partie de console, mon frère est capable de jouer une nuit entière alors je serai sûrement couché et endormi avant qu'ils s'aperçoivent de la chose.

- Naël le verra, il prend garde à tout.

- Alors je devrais essayer d'en parler avec eux ?

- C'est toujours mieux, le faire dans leur dos ne marchera pas et tu risques de les énerver contre toi, je ne préfère pas, s'inquiète Charline.

- Bien, alors j'essaierai au repas.

- Croisons les doigts ! »

A l'appartement, les deux garçons arrivent enfin à bout de leur travail. La petite pièce encombrée et sombre est devenue propre, l'ampoule neuve éclaire bien l'endroit et cela paraît plus grand qu'il ne l'est. Ils se laissent choir sur le canapé, épuisés. Naël lutte pour ne pas fermer les yeux, il a étudié tard hier soir, sachant qu'il ne pourrait pas le faire aujourd'hui, et la fatigue commence à le rattraper. Eishun le remarque aussitôt mais se garde bien de tout commentaire, il se lève, attrape le pichet d'eau et deux verres qu'il dépose sur la petite table devant eux.

« Tu en veux ?

- Oui, s'il-te-plaît.

Il sert donc deux grands verres d'eau fraîche qu'ils s'empressent de vider. Eishun est aussi épuisé mais il se porte tout de même mieux que son ami.

- J'ai faim, finit-il par se plaindre, une main sur le ventre et les yeux semi-ouverts.

La porte d'entrée grince pile au même moment et un gémissement de bonheur lui échappe. Ils n'ont quasiment rien avalé de la journée, il a bien besoin d'un remontant.

- On est là, tu vas pouvoir manger ! le rassure gaiement Arianne en déposant le sac de course sur la table.

- Vous avez pris quoi ?

- Des pizzas, des glaces et de l'alcool, très équilibré et sain, ne t'inquiète pas !

- Vous comptez boire ? râle Naël.

- Tu dis ça mais tu vas être le premier bourré comme d'habitude !

- Quoique, la dernière fois qu'il a bu a mal tourné, il a peut-être retenu la leçon, se moque Charline, en référence à cette fameuse soirée.

- Cha' ! s'exclame Naël, agacé.

Eishun se contente de regarder ailleurs, le visage neutre. Mais cette référence ne lui a pas plu, il aimerait que tout le monde oublie cette soirée, ce serait tellement plus simple alors.

- Je n'ai rien dit ! Je vais mettre le four à chauffer, sors des verres. »