Cher Sam,
Aujourd'hui tout recommence, je « repars à zéro » comme papa le répète à longueur de temps. Il dit que nous allons commencer une nouvelle vie. Je dois t'avouer que je suis beaucoup moins enthousiaste que lui. Tu sais bien que je n'ai jamais été très à l'aise avec les gens que je ne connais pas. Puis ils vont sûrement vouloir savoir d'où je viens, pourquoi j'ai déménagé, et je n'ai pas vraiment envie de déballer ma vie. Mais d'un autre côté déménager me permettrait de changer d'air, de me changer les idées, et surtout de ne plus sentir le regard de pitié de nos voisins, de nos anciens amis et même de quelques personnes que nous n'avions croisé que quelques fois.
J'ai eu du mal à vider ma chambre, et la maison en général. Nous n'avons pas pu tout emporter, nous avons juste pris les meubles qui se trouvaient dans le bureau de papa, mon lit et mes affaires. Le camion qui les transportait est arrivé hier d'après ce qu'il m'a dit, et tout est déjà bien rangé à sa place. Diane,sa nouvelle copine, a l'air d'être totalement maniaque.
La maison va me manquer. J'y ai toujours vécu, en 18 ans c'est la première fois que je vais ailleurs. J'ai l'impression d'avoir abandonné une partie de moi, de l'avoir laissé là-bas avec toi. Et je déteste l'idée que des inconnus prennent cette place. Pendant tout le trajet je me suis contentée de regarder le paysage défiler par la fenêtre. Je voyais des souvenirs prendre vie dans ces derniers coins de campagne. Chaque image montrait deux enfants adorables et têtus, qui avaient fait les 100 coups ensemble. Je souriais en les voyant chasser les papillons. J'ai eu envie de faire demi-tour, de revenir en arrière de tout effacer et d'être à nouveau avec toi. Puis j'ai fermé les yeux pour penser à autre chose. Papa et moi n'avons pas échangé un mot de tout le trajet.
Le paysage a changé petit à petit, au bout de quelques heures on a rencontré la ville. Les bâtiments étaient de plus en plus nombreux et de plus en plus imposants. On a continué notre route encore un bon moment avant d'arriver dans un quartier tranquille. Loin du centre, chaque maison ressemblait à un manoir, mais sans le côté glauque de celui de la famille Adams ou de l'oncle Olaf (tu te souviens des aventures des orphelins Baudelaire ?).
Papa s'est garé dans l'allée du numéro 14, la maison était immense. Et j'appréhendais d'y entrer. Diane a déboulé de la maison et a sauté dans les bras de papa qui sortait à peine de la voiture. Et j'ai pensé à maman. J'ai ressenti cette colère terrible et indomptable qui fait tant de mal autour de moi. J'étais en colère parce qu'elle nous a abandonné mais aussi parce que papa semblait l'avoir déjà oublié. Comme s'il avait tiré un trait sur tout ce qu'il s'est passé ces derniers mois. Et à cet instant je l'ai détesté, et je haïssais Diane. Je sentais les larmes envahir mes yeux et devenir un océan. Je n'ai pas réussi à toutes les retenir. La voix de Diane appelant un certain « Flo » me fit sortir de mes pensées. J'ai essuyé mes larmes du revers de la main et je suis descendue de la voiture. Diane est venue à ma rencontre en me disant plein de belles paroles et en affirmant que je serais bien ici. Crois-moi Sam, elle aurait mieux fait de garder sa salive.
Elle nous a présenté son fils Florent. Le genre de gars qui plaît aux filles et qui aime ça. Il avait l'air très sûr de lui. J'ai pensé tout de suite que tu ne l'aimerais pas.
On a visité la maison elle était gigantesque, beaucoup trop grande pour quatre personnes. Ma chambre est à l'étage, et fait deux fois la taille de celle que j'avais avant. Diane a déjà pris l'initiative de mettre en place quelques meubles. Elle n'a pas ouvert mes cartons, c'est déjà ça. Pendant les quelques jours suivant j'ai déballé mes affaires. Et finalement tout était disposé exactement comme dans mon ancienne chambre. Ce n'est que le début de l'été, j'ai donc beaucoup de temps libre. Les journées sont longues et je meurs d'ennui.
Je ne fais pas de vague pendant le peu de moment qu'on passe tous ensemble « en famille ». Je ne parle pas beaucoup et je passe la plupart de mon temps à lire dans ma chambre seule. Florent ne semble pas me détester, ni m'apprécier. Et aucun de nous ne fait d'effort.
Je me sens tellement seule. J'aurais préféré que tu sois là Sam. Tu me manques terriblement.
A bientôt, je t'aime fort.
Charlie.
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Le cycle des âmes perdues
General Fiction"Cher Sam, aujourd'hui tout recommence... " Charlie, une jeune fille au passé trouble, entame une nouvelle vie rythmée par des lettres adressées à un certain Sam. Cherchant à la fois à avancer tout en restant enchaînée à son passé, elle va devoir fa...