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   Deux mois s'étaient écoulés depuis qu'elle était arrivée dans la grande ville. Et cela signifiait la fin des vacances. Les cours débutaient le lendemain même. Et elle était partagée entre l'envie de rester cachée sous sa couette et l'envie de fuir cette foutue baraque. Alec lui avait proposée de venir chez lui après le dîner, ce serait leur dernière soirée avant de reprendre les cours. Elle avait accepté évidement. Elle descendit donc rejoindre Diane jack et Florent pour manger. Son père avait compris au fil des semaines que si sa fille descendait manger avec un si beau sourire c'est qu'elle ne comptait pas passer la soirée ici.
- Alors Charlie, tu es prête pour demain ? lui demanda son père au bout d'un moment.
Elle hocha la tête vigoureusement avant d'engloutir une tranche de rôti. Son père haussa les sourcils, amusé de son comportement, visiblement elle l'écoutait à peine.
- Je préfèrerais que tu ne sortes pas voir tes amis ce soir, dit-il calmement.
Elle releva la tête et failli s'étouffer avec sa nourriture. Florent lui lança un regard sans dissimuler son amusement.
- Pourquoi ?! S'exclama-t-elle.
- Tu y a passé beaucoup de temps ces dernières semaines, et demain c'est la rentrée, j'aimerais que tu sois en forme pour ton premier jour. Puis d'après ce que j'ai compris vous allez être dans le même lycée, vous pourrez donc vous voir demain.
- Oui j'y ai passé beaucoup de temps, mais contrairement à toi je n'ai pas de distraction dans cette fabuleuse maison, répliqua-t-elle.
Son père souffla et leva les yeux au ciel, Diane croisa les bras l'air mécontente, un éclair passa dans son regard.
- Charlie, je te demande de rester ici ce soir s'il te plait. Tu auras l'occasion de voir tes chers amis assez souvent je crois, puisque qu'ils habitent à côté. Alors maintenant arrête de toujours remettre en question ce que je te demande.
- Je croyais que ça te ferait plaisir que je me sois fait des amis. C'est facile pour toi, tu as Diane pour t'épauler, mais moi je n'ai rien pour m'échapper de cet endroit de malheur ! Tu n'as pas le droit de m'enlever le seul bout de bonheur que j'ai réussi à construire.
Elle trouvait ça injuste que son père veuille l'empêcher de passer des bons moments et de sortir un peu de cette maison. Cette fois, ce fut Diane qui prit la parole.
- Obéis à ton père Charlie, je crois qu'il a été suffisamment patient avec tes sautes d'humeur jusqu'à maintenant. Nous faisons tout notre possible pour que tout le monde soit heureux sous ce toit. Tu pourrais faire un petit effort pour une fois.
Charlie resta bouche bée. Elle était tellement en colère qu'elle ne trouva pas les mots pour répondre à Diane. Comment cette femme osait lui dire ça ?! Est-ce qu'elle avait la moindre idée de tous les efforts que Charlie faisait pour ne pas lui jeter son assiette à la figure à chaque repas ?
Une boule se forma dans la gorge de Charlie. Son père ne dit même pas un mot pour la défendre. Son regard était dur, il devait donc être d'accord avec Diane.
- Les règles sont les mêmes pour tout le monde sous ce toit. Les veilles de cours, ni toi ni Florent n'avez le droit de sortir. C'est comme ça, point, reprit Diane sèchement.
Charlie écoutait à peine. Les larmes lui montaient aux yeux. Ce n'était même pas parce qu'elle ne pourrait pas voir ses deux amis, mais plutôt à cause de ce qu'avait dit Diane et le fait que son père ne dise rien. Elle se sentait si seule. Personne ne semblait comprendre ce qu'elle ressentait et pourquoi c'était si dur pour elle. Elle n'avait jamais vraiment eu beaucoup d'amis, mais Sam avait toujours été là et de ce fait elle avait rarement été seule. Mais maintenant c'était si diffèrent. Il était si loin...
Charlie se leva et s'apprêtait à quitter la pièce.
- Maman, il y a des fois où tu manques cruellement de tact.
La voix de Flo retentit dans la pièce. Tout le monde se tourna vers lui surpris par son intervention et Charlie s'arrêta un instant, curieuse d'entendre ce qu'il avait à dire.
- Je te demande pardon ? souffla Diane semblant ne pas comprendre la remarque de son fils.
- Certes, les règles sont les règles, je suis d'accord. Mais bon mes grands-parents, tes parents, ont divorcé quand tu étais petite, toi aussi tu as vécu ce genre de situation, tu devrais comprendre ce que ressent Charlie non ? Je ne vois pas l'intérêt de lui parler comme ça. Mis à part pour te la mettre encore plus à dos.
Diane ne dit rien. Charlie quitta la pièce, les joues rouges. Elle ne comprenait pas du tout Flo, mais cette fois ci, elle lui était vraiment reconnaissante. Elle monta dans sa chambre. Elle envoya un message à Alec pour lui dire qu'elle ne pourrait pas venir puis elle resta pendant une heure sous sa couette, les yeux pleins de larmes. Elle espérait de tout cœur qu'elle les verrait souvent au lycée.
Plus tard elle prépara un sac pour le lendemain, quelques feuilles et des stylos feraient l'affaire. Elle s'apprêtait à se replonger dans sa lecture quand quelqu'un toqua à la porte.
- C'est ouvert, lança-t-elle.
Elle fut surprise de voir Florent rentrer dans la chambre. Il tenait un plateau dans ses mains.
- Je me suis dit que tu devais avoir faim, tu es partie avant de finir le repas.
Il avait l'air un peu mal à l'aise. Charlie se leva pour récupérer le plateau sur lequel était posée une assiette avec des restes et des biscuits. Elle observa Florent longuement, elle ne comprenait décidément jamais son comportement.
- Euh, merci beaucoup, tu n'étais pas obligé de faire ça, dit-elle.
- Je sais, répondit-il.
- Et merci de m'avoir défendue tout à l'heure.
- Je sais ce que ça fait quand des beaux parents font des reproches, je me suis dit qu'un peu de soutien serait le bienvenu.
Elle lui adressa un sourire. C'était un garçon surprenant. Il lui était venu plusieurs fois en aide sans qu'elle ne lui ait rien demandé. Pourtant elle ne pouvait pas s'empêcher de se méfier de lui, il avait la faculté de changer de comportement tellement rapidement qu'elle restait tout de même sur la réserve.
- Tu as déjà eu d'autres beaux-parents avant mon père ? demanda-t-elle curieuse.
- Deux autres oui, mais c'était il y a un moment.
- Ça fait longtemps qu'ils sont séparés tes parents ?
- On peut dire ça comme ça oui, dit-il en haussant les épaules.
- Tu vois ton père de temps en temps ?
- Non, il est mort quand j'étais bébé, je ne l'ai pas connu en fait.
- Je suis désolée je ne savais pas, s'excusa-t-elle.
Elle s'en voulait un peu d'avoir posé trop de question et elle espérait qu'il ne lui en voudrait pas.
- Ce n'est pas grave, je ne l'ai pas connu donc il ne me manque pas. Et toi tu comptes retourner voir ta mère régulièrement ?
Charlie fit la grimace. C'était un sujet assez sensible pour elle.
- Non, elle... elle ne veut plus me voir. Dit-Charlie doucement en essayant de garder le sourire.
Flo fronça les sourcils. Il semblait ne pas comprendre.
- Je serais curieux de savoir ce que tu as bien pu faire pour qu'elle refuse de voir sa propre fille.
- Rien en particulier, elle ne supportait plus de me voir c'est tout.
En disant cela, Charlie dut refouler les larmes qui lui montaient aux yeux.
- Eh bien, c'est tout de même étrange. Je ne vais pas insister pour cette fois, mais sache que je suis quelqu'un de curieux, un jour je saurai le fond de l'histoire.
Il s'arrêta sur le seuil de la porte.
- Demain matin je t'emmène au lycée, on part d'ici à sept heure trente.
Puis il ferma la porte derrière lui. Il pouvait toujours courir pour qu'elle lui raconte sa vie ! Comment pouvait-il être si gentil et si détestable à la fois ? Elle alla se coucher en se demandant comment allait se passer sa rentrée. C'était la première fois qu'elle irait dans un établissement scolaire sans Samaël. Elle frissonna à cette idée. Au moins elle n'irait pas toute seule. Elle fut soulagée que Florent ait le permis. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas conduit, et elle préférait que ça reste ainsi. Elle détestait prendre le volant. Elle essaya de penser à autre chose, puis elle sombra dans le sommeil.

Le cycle des âmes perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant