Elle avait entendu dire qu'une petite famille y vivait, un couple à peine plus jeune que son père avec deux enfants. Probablement le garçon qu'elle avait rencontré ainsi qu'une autre personne. La maison était grande, mais pas autant que celle où elle venait d'emménager. Elle avait du mal à définir la couleur des murs dans l'obscurité mais ils avaient l'air blanc et noir.
Elle s'approcha du perron, la porte était en bois travaillé très joli, elle aurait plu à sa mère. Il y avait sur la droite une balancelle en bois avec des coussins dans les angles. Et sur le sol étaient éparpillés des jouets en bois. Le côté gauche du perron était rempli de pots de fleur, dans lesquels se trouvaient des plantes grasses, des cactus ainsi que des tas de fleurs colorées que Charlie n'avait jamais vues.
La porte d'entrée s'ouvrit et le garçon de tout à l'heure en sorti. Il souriait gentiment. Charlie l'observa, il n'avait pas l'air très grand, à peine plus que Charlie, il avait l'air assez musclé, le genre de gars qui prend soin de son corps. Il avait les cheveux blonds et courts, Charlie n'arrivait pas à distinguer la couleur de ses yeux de là où elle se trouvait. Il lui adressa un large sourire auquel Charlie répondit par un regard méfiant, il lui fit signe d'entrer. Elle s'avança et sursauta lorsqu'il ferma la porte derrière elle. Elle se demanda tout à coup ce qu'elle faisait ici, pourquoi avait-elle fait ça ? Et si ce voisin était quelqu'un de mauvais, qu'il vouait lui faire du mal, profiter d'elle et de ses faiblesses ? Qu'est-ce qu'elle avait été idiote de le suivre jusqu'à chez lui ! Elle était à sa merci maintenant, qu'est ce qui lui avait pris de faire une chose pareille, personne ne pourrait lui venir en aide s'il lui faisait quoi que ce soit.
- Je m'appelle Gabriel, mais tu peux m'appeler Gabi, et toi comment tu t'appelles ?
- Pourquoi tu m'as fait venir chez toi ? demanda-t-elle méfiante.
Il parut de nouveau embarrassé. Mais il avait toujours son sourire fixé sur le visage. Elle se fit la réflexion qu'il n'avait pas l'air d'être mauvais. Après tout il avait voulu la sauver d'un suicide imaginaire, il ne pouvait être que gentil non ? Elle s'en voulu un peu d'être aussi méfiante avec lui.
- Et bien à vrai dire ce n'est pas vraiment chez moi...
Charlie le regarda, surprise, elle retira aussitôt ce qu'elle avait pensé quelques secondes auparavant. Ce Gabriel était vraiment bizarre.
- On est chez mon meilleur ami, Alec, c'est un peu ma maison aussi j'y passe tellement de temps... il s'arrêta en voyant l'expression méfiante de Charlie. Enfin bref, je t'ai proposé de venir parce que c'est la première fois que je te vois sortir le bout de ton nez alors que je t'ai vu emménager chez Flo il y a déjà plusieurs semaines. Je me suis dit que ce serait sympa que tu rencontres quelques personnes dans le coin. Puis j'ai vraiment cru que tu allais te suicider.
- Je te remercie mais je n'ai besoin de personne, je suis très bien toute seule.
Elle baissa la tête en même temps de dire ce mensonge, pourquoi réagissait-elle comme ça ? Elle avait vraiment besoin de se faire des amis, elle allait devenir folle à rester seule enfermée dans cette foutue maison toute la journée. Alors pourquoi réagir comme ça face à ce Gabriel ?
Ce dernier se retourna et posa sa main sur la poignée de la porte.
- Désolé si je t'ai importunée, je ne vais pas t'obliger à rester ici. Mais c'est toujours bon d'avoir des amis, on ne va jamais bien loin quand on est seul.
Charlie releva la tête et elle l'observa stupéfaite, il avait toujours son grand sourire.
- Je m'appelle Charlie, finit-elle par dire, et tu es un garçon vraiment étrange.
Il rit et avança dans la maison. Ils arrivèrent dans ce qui devait être le salon, il était assez grand et la décoration était assez particulière, c'était un mélange de tout. Il y avait un canapé blanc aux angles très défini, probablement du style moderne, et à coté il y a avait un vieux fauteuil aux allures austères, ainsi qu'une chaise à bascule qui avait l'air de sortir tout droit d'un vieux western. La table basse était recouverte de tout un tas de choses, dont des petits pots de fleurs et des vieux magasines ainsi que des bâtons d'encens. Sur un mur il y avait un tableau qui la fit penser à du Monet, celui avec les nénuphars, et sur le mur d'à côté il y avait une grande tenture colorée avec des figures bouddhistes. Malgré ce drôle de mélange la pièce était étrangement harmonieuse et sereine. Charlie s'y sentie bien.
- Je te sers quoi Charlie ? demanda Gabriel depuis la cuisine.
Charlie s'approcha, il y avait une ouverture dans le mur de la cuisine qui donnait sur le salon. Contrairement à ce dernier, cette pièce avait l'air ordonnée. Tout était assorti en rouge et blanc cassé.
Charlie ne sut que répondre, elle n'aimait pas l'idée d'accepter un verre d'un inconnu.
- Je ne sais pas.
- Viens de ce côté, je t'ai sorti un verre tu n'as qu'à te servir toi-même.
Elle le rejoignit. Il y avait du whisky du rhum et de la vodka. Elle n'était pas sûre que ce soit une bonne idée de boire de l'alcool chez un inconnu. Mais après tout elle n'était pas sortie depuis une éternité, et une envie de se laisser aller la chatouillait sévèrement. Elle se servi un petit verre de vodka. Elle le prit dans ses mains sembla le juger du regard puis le bu d'un trait.
- Eh ben, tu avais soif. Dit Gabriel en riant. Viens, je vais te présenter à Alec, il est dans le jardin.
Charlie hochait la tête et le suivi sans discuter. Le jardin était assez grand, il n'y avait pas de piscine mais un portique avec deux balançoires et un toboggan. Elle en avait un dans son ancienne maison, elle y jouait souvent avec Sam lorsqu'ils étaient enfants et quand ils étaient plus grands ils avaient pris l'habitude de s'y rendre lorsque les choses n'allaient pas, ils faisaient alors comme s'ils étaient des enfants et s'amusaient à faire comme s'il s'agissait d'un vaisseau pirate qui parcourait les mers et les océans, libres comme l'air. Ils criaient et chantaient des chansons de pirates, couraient dans tout le jardin, combattant des soldats invisibles jusqu'à en avoir des points de côté.
Charlie sourit tristement à ce souvenir. Une silhouette se dessina dans l'ombre sur le sol. En s'approchant d'avantage elle vit que c'était un garçon -surement Alec- qui était allongé dans l'herbe à regarder le ciel.
- Et bien, t'en a mis du temps pour aller pisser ! s'écria le garçon en se relevant.
Quand il vit la jeune fille au côté de son ami il parut surpris.
- J'ai rencontré une jeune demoiselle sur le chemin, dit Gabriel en riant toujours. C'est la nouvelle voisine d'à côté, celle qui a emménagé chez Flo, elle s'appelle Charlie.
- Salut, dit Alec sans même la regarder, depuis quand tu invites des inconnues chez moi ? Une fille qui plus est. Il me semblait que tu étais de l'autre bord Gab.
Charlie n'arrivait pas à savoir si ce garçon plaisantait ou s'il était sérieux, elle pensa qu'il valait mieux qu'elle parte. Mais quelque chose l'en empêchait, elle voulait rester et connaître ces deux gars étranges.
- Désolé mec, j'ai fait foirer son suicide fallait bien que je me fasse excuser. Répondit Gabriel l'air embarrassé.
- Je ne... non ce n'est pas ce qu'il s'est passé... je voulais seulement... bafouilla-t-elle en rougissant.
Gabriel posa une main sur son épaule et lui adressa un grand sourire.
- Je plaisante ne t'inquiète pas Charlie, dit-il en lui adressant un clin d'œil.
Charlie ne sut même pas quoi répondre, ces garçons paraissaient irréels, jamais elle n'avait vu personne se comporter de cette façon avec une inconnue. Elle n'arrivait pas à savoir quoi penser de ces deux-là.
Le garçon qui était assis par terre se mis debout et se dirigea vers eux. Il tendit la main en direction de Charlie. Elle eut un mouvement de recul. Il était plus grand que l'autre mais moins baraqué, il avait l'air très maigre. On aurait dit qu'il flottait dans son t-shirt, et il portait un jean slim moulant qui montrait ses jambes fines. Ses cheveux devaient être assez foncés, ils étaient bouclés et certaines mèches tombaient devant ses yeux.
- Salut la suicidaire, moi c'est Alec, bienvenue.
Sa voix avait l'air détaché de tout, il parlait avec un calme déconcertant. Comme s'il n'était pas vraiment là. Et il avait l'air ailleurs. Après une brève hésitation Charlie s'avança et lui serra la main.
- Je m'appelle Charlie et contre toute attente je ne suis pas suicidaire.
Elle avait essayé d'adopter un air sûr d'elle, mais elle se doutait qu'elle ne devait pas être très convaincante. Alec sourit.
- Tu n'es pas très souriante comme fille j'ai l'impression, dit-il avant de se tourner vers Gabriel, Je vais chercher à boire tu veux quelque chose ?
- Je ne dirais pas non à un petit cocktail à base de rhum dont toi seul connais le secret Alec ! répondit l'intéressé en riant.
- Et toi ? dit-il en regardant Charlie.
Elle réfléchit un instant n'osant pas trop demander quoi que ce soit à ce type bizarre. Gabriel se pencha vers elle et chuchota
- Je te conseille de gouter son cocktail, c'est une vraie tuerie je t'assure !
- Va pour le cocktail alors dit-elle doucement en s'écartant un peu de Gabriel qu'elle jugeait trop proche.
- Parfait, c'est parti pour trois cocktail alors, dit Alec sans vraiment d'entrain.
Il disparut par la porte vitrée qui conduisait au salon. Charlie l'observa, il avait une drôle de démarche. Elle se demanda s'il avait consommé de la drogue ou s'il y avait trop bu. Gabriel s'assit dans l'herbe en soupirant.
- Est-ce qu'il est drogué ? Finit-elle par demander en s'asseyant elle aussi, mais à une distance convenable du garçon.
Ce dernier éclata de rire, d'un rire cristallin, il ressemblait à celui d'un enfant. Il mit un moment à se calmer avant de répondre enfin à Charlie.
- Non non il n'a rien consommé à part quelques bières. On commençait à peine à s'amuser quand tu es arrivée.
- Je ne voulais pas vous déranger, c'est toi qui... commença-t-elle un peu embarrassé.
- Ne t'inquiète pas, comme tu l'as dit c'est moi qui suis venu te chercher, tu devrais te détendre un peu tu sais on ne mord pas. Dit-il en lui adressant un sourire. Et Alec à raison tu ne souris pas beaucoup.
- Je ne suis pas très à l'aise dans ce genre de situation dit-elle en baissant la tête.
On était à la fin du mois d'aout, il faisait encore chaud, mais ce soir-là un vent frais soufflait avec légèreté sur la pelouse tondu la veille même. Charlie avait souvent entendu des bruits de moteurs et d'outils les matins pendant ces vacances, et souvent elle était montée à la fenêtre du grenier pour observer qui faisait se boucan. Elle avait vu un homme qui semblait avoir l'âge à son père mais qui avait pourtant un corps d'athlète, elle le savait car il arrivait qu'il enlève sa chemise de temps en temps. Et malgré son âge certain il n'avait pas toujours laissé Charlie indifférente. Elle pensa que ce devait être le père d'Alec.
Ce dernier revint avec trois verres en main. Il en donna un à Gabriel et en tendit un à Charlie, elle le prit en le remerciant. Il s'assit en face d'eux, Gabriel leva son verre et dit d'un ton solennel.
- Levons nos verres en l'honneur de Charlie qui vit à cette heure grâce au destin qui m'a mis sur son chemin !
- Je remercie les dieux de t'avoir fait surgir à cette fenêtre, dit-elle en levant son verre à son tour.
Elle avait décidé d'opter pour l'humour, le reste n'avait pas l'air efficace avec celui-là.
- AMEN ! s'écria Alec en levant lui aussi son verre.
Tout trois échangèrent un regard puis éclatèrent de rire. Charlie se sentie légère, elle eut tout à coup l'impression qu'elle devait être là. Que c'était gravé quelque part. Elle se détendit un peu, et un léger sourire resta encré sur son visage. Elle sirota son cocktail, il était délicieux, elle aurait pu en boire une dizaine sans trop sentir le gout de l'alcool, c'était le genre de cocktail au gout sucré trompeur. Aucun d'eux ne parlaient, ils semblaient se délecter de chaque gorgé de ce breuvage. Gabriel releva la tête et observa les étoiles.
- Tu sais Charlie, je crois bien que notre rencontre était programmée, finit-il par dire.
Elle sourit, c'est comme s'il avait lu dans ses pensées. Alec rit doucement en secouant la tête.
- Par qui veux-tu que ce soit programmé ? Soupira-t-il.
- Je ne sais pas vraiment, une force supérieure, un truc aux allures mystique, quelque chose de grand, d'immense au puissant pouvoir. Il tire les ficelles et guide les hommes c'est lui qui décide de nos vies.
Charlie grimaça, certes elle avait ressenti la même chose mais elle n'aimait pas l'idée qu'une force supérieure décide de ce qu'il advint de leur corps.
- Et où est la place du hasard dans ton histoire ? demanda Alec.
Une lueur traversa les yeux de Gabriel.
- Le hasard n'existe pas.
Alec leva les yeux au ciel.
- Ton monde doit être bien triste alors.
- Qu'en penses-tu Charlie ?
Elle n'hésita même pas, ses paroles sortirent de sa bouche sans même qu'elle n'y réfléchisse.
- J'avoue avoir ressentie la même chose que toi Gabriel, mais je n'aime pas l'idée qu'on soit de vulgaires pions tirés par des ficelles invisibles. Ça signifierait que la personne qui tire ces ficelles est un meurtrier, il y a tellement de gens innocents, des enfants, des jeunes comme nous qui meurent sans raison. Et d'après toi ce serait au petit plaisir de quelque chose d'immense et de puissant ? Laisse-moi rire.
Les deux garçons parurent assez surpris de cet élan de franchise. Elle-même était assez surprise de s'être ainsi confiée à eux. Mais elle ne laissait rien paraitre, son regard était perdu dans le vide. Elle pensait à Samaël. Gabriel haussait les épaules. Il finit son verre et se leva.
- Je vais me servir autre chose à boire.
Alec lui tendit son verre. Et lui demanda de lui servir ce qu'il voulait tant que ce n'était pas de la vodka. Et Charlie indiqua qu'elle n'avait pas encore fini son cocktail. Gabriel partie en sifflotant. Charlie avait toujours le regard vide, elle était ailleurs. Ses pensées avaient rejoint Sam, comme elles le faisaient tout le temps. Il était sa terre, et elle était perdue en mer.
- Je ne sais pas ce que tu as vécu pour penser ces choses-là, mais je partage ta vision des choses. Finit par dire Alec.
Charlie lui adressa un sourire triste. Puis elle finit son verre d'un trait et s'allongea dans l'herbe fraîche de la nuit.
- Tu veux que je te serve autre chose ?
- Non merci, je vais m'arrêter là pour un premier soir.
Il rit, un rire doux et léger.
- Quelque chose me dit que ce ne sera pas le dernier soir.
Elle le regarda, il lui sourit. Son sourire avait l'air de travers, ça la fit rire. Il ne sut pas qu'elle riait pour cette raison, mais il fut heureux de la voir sourire.
- Vous êtes des amis à Flo ? Demanda-elle.
- Disons qu'on se côtoie, on est voisin depuis un bon moment et on fréquente le même lycée alors il nous arrive souvent de nous retrouver au même endroit au même moment. Il me semble que Gab est en classe avec lui de temps en temps, c'est un gars sympa d'après lui. Répondit Alec.
- Disons que c'est un peu le stéréotype du lycéen sportif.
Alec rit à ces mots. Il haussa les épaules. Il n'avait pas l'air de vouloir rependre tout de suite. Il s'était lancé dans la contemplation des étoiles. Quant à Charlie elle en profita pour l'observer plus attentivement. Il avait un visage assez fin, peut-être même un peu féminin, ses traits étaient très délicats. Il avait l'air fatigué, comme épuisé par le poids du monde. Et son regard semblait ne pouvoir se poser nulle part, ou peut-être ne rien voir. Ses cheveux bouclés et volumineux rendaient son visage d'autant plus fin. Il paraissait si mince qu'elle se demanda si ses jambes n'avaient pas du mal à le porter. Il paraissait fragile, et en même temps intouchable peut-être même invincible. À cet instant Charlie était persuadé qu'il aurait pu voler. Elle le trouva beau, angélique même et elle pensa qu'avec lui et Gabriel, les limites du monde pouvaient s'effacer, qu'elle pourrait atteindre les étoiles. Elle fut effrayée à l'idée qu'en seulement quelques heures et quelques paroles son inconscient ait accordé sa confiance à ces étranges garçons.
Gabriel réapparu à cet instant avec deux verres pleins. Il en donna un à Alec et se rassit.
- Tu vas où à la rentrée ? Demanda- t-il à Charlie.
- Dans le même établissement que Florent. Mais je n'ai pas choisi d'option encore. Ce sera la surprise.
- Tu sais quoi ? Ça signifie qu'on sera dans la même école ! Je te le dis, c'est le destin qui nous a réunis ! s'exclama Gabi.
Il souriait toujours, elle se demanda s'il lui arrivait d'être triste, ou du moins de le montrer. Elle lui rendit son sourire.
- Au moins je ne serais pas entourée que d'inconnus. Répondit-elle.
- Pourquoi t'es venu habiter ici ? Demanda Alec.
Charlie eu un pincement au cœur. Elle regarda la balançoire. Tout à coup elle eut envie de voler. Elle se leva et se dirigea vers le portique. Les deux garçons la regardèrent intrigués. Qu'est-ce qu'il lui prenait au juste, elle qui n'avait pas osé trop parler ni même bouger. Elle s'assit sur la balançoire et elle commença à se balancer doucement.
- Qu'est-ce que tu fais Charlie ? Demanda Gabi en riant.
Elle allait de plus en plus haut, elle sentait le vent caresser son visage et ses bras. Elle se sentit de mieux en mieux, plus elle allait haut plus son cœur semblait s'alléger.
- Je vais m'envoler Gabi ! Dit-elle avec l'air sûre d'elle.
Alec haussa un sourcil, mais qu'est-ce qu'elle fait ? Pensa-t-il. Il était à la fois intrigué et fasciné par cette étrange créature qui se présentait à lui.
Charlie allait suffisamment haut à présent, la balançoire partit en arrière puis elle repartit en avant, et à cet instant Charlie lâcha les cordes, et quand la balançoire fut au plus haut, elle se propulsa dans les airs. À cet instant elle se sentie vivre, Elle était bien là, elle existait, aucun doute.
Elle atterrit en faisant une roulade toute minable dans l'herbe humide. Elle termina allongée sur le dos, face aux étoiles. Elle resta ainsi, silencieuse. Elle avait presque oublié les deux garçons qui l'observaient perplexe. Elle les entendit se lever et se diriger vers elle. Ils se penchèrent au-dessus d'elle.
- Tout va bien ? Rien de cassé ? Demanda Gabi.
Elle le regarda, elle lui sourit. Le plus beau sourire qu'elle ait fait depuis qu'elle était arrivée ici. Un sourire de bonheur pur. Puis elle commença à rire doucement. Et petit à petit ça se transforma en un fou rire incontrôlable, elle riait et criait en même temps, comme si elle avait gagné un défi. Un défi contre elle-même pensa Alec.
Le monde tournait autour d'elle, tout tournait à une vitesse incroyable elle ne distinguait plus les visages de ses futurs amis, l'espérait-elle du moins. Elle voyait défiler sa vie. Toutes ces choses qui sont arrivées. Le bonheur avec Samaël à ses coté, sa mère qui ne cessait de peindre dans le jardin en chantonnant, Son père qui jouait de la guitare pour elle.
Les montagnes, elle revoyait les balades au cœur de la foret sauvage. Elle cessa de rire. Elle se releva elle secoua la tête pour rejeter ces pensées avant que ses yeux ne deviennent deux océans.
- Je dois y aller. Dit-elle
Et elle partit sans même les regarder une dernière fois. Ils furent tellement surpris qu'ils ne la retinrent même pas. Juste avant qu'elle n'eût quitté la maison elle entendit Gabi crier
- Reviens quand tu veux ! Tu es la bienvenue.
Ça la fit sourire un peu, ce n'était même pas chez lui. Elle se demanda comment elle allait rentrer. Il lui était impossible d'escalader par là où elle était descendue, c'était trop haut pour grimper. Elle n'avait pas pensé à cela. Mais le problème fut assez vite résolu. En arrivant elle vit Flo en train de fumer sur les marches du perron. Il la regarda intrigué. Il avait l'air épuisé.
- Tiens donc, d'où tu viens comme ça toi ?
Elle ne répondit pas mais elle s'assit un peu plus bas. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait décidé de s'asseoir avec lui. Ils restèrent un moment assis là en silence.
Puis Flo lui tapota l'épaule, elle se retourna surprise, il lui tendait la cigarette.
- Tu en veux ?
- C'est du tabac ? Demanda-t-elle bien qu'elle ait senti l'odeur de la drogue.
- Du tabac arrangé dit-il en riant.
Elle prit le joint et tira quelques taffes. Puis elle le rendit à Flo.
- Tu viens de chez Alec ? Demanda-t-il
- Oui.
- Je ne savais pas que tu le connaissais.
- Je ne savais pas que ça t'intéressait, répondit-elle avec un ton sarcastique.
Il haussa les épaules, il avait l'air un peu mal à l'aise. Elle ne pouvait s'empêcher de regarder les étoiles, était-il là-haut ? Flo tira sur le joint.
- Comment t'es sortie de la maison ? La porte était verrouillée et je sais que tu n'as pas les clés.
- Par la fenêtre de ma chambre. Répondit Charlie la tête ailleurs.
Ses pensées divaguaient. Flo parut étonné, il la regardait d'un drôle d'air, à la fois méfiant et curieux. Il ne savait rien d'elle au fond, il n'avait que des préjugés. Il ne dit rien pendant un instant, puis il commença à rire doucement. Charlie le regarda intriguée. Tout le monde est étrange ce soir pensa-t-elle.
- Qu'est-ce qu'il te prend ?
- Tu es exactement comme je me l'étais imaginé. Tu ne parles jamais, tu fais tout le temps la gueule, tu ne peux pas nous encadrer ma mère et moi, tu refuses de sortir et tu t'éclipse en douce la nuit venue. C'est comme si tout ce que tu vivais ici était un enfer.
Charlie ne répondit pas, elle commençait à être en colère contre Flo. Certes il n'avait pas tout à fait tort sur son comportement, mais ça n'était dû qu'aux circonstances. Il ne savait pas ce qu'elle avait pu vivre avant ça, ni même à quoi elle pensait, ni ce qu'elle aimait.
- Tu ne sais rien de moi, alors garde tes remarques pour toi, dit-elle finalement.
Elle se leva et se dirigea vers la porte. Flo avait laissé les clés sur la poignée.
- Tu devrais faire gaffe à tes fréquentations. Lâcha Flo dans le plus grand des calmes.
- J'ai aucun conseil à recevoir d'un type comme toi.
Charlie entra dans la maison et referma la porte derrière elle. Il faisait noir, il lui fallut un peu de temps pour que ses yeux s'habituent à l'obscurité. Elle détestait cet endroit. Il n'y avait pas de vie, cette maison ne racontait pas d'histoire. Il n'y avait pas de dessins d'enfants sur les murs, ni de photo de famille. Juste des portraits de Florent, impeccable et droit, affichant un léger sourire déjà l'air fier dès son plus jeune âge. Sur la plupart des photos il posait, rien ici n'était naturel. Elle traversa le couloir et fonça dans sa chambre, lasse de voir tous ces cadres vides d'émotions.
Elle s'enferma dans sa chambre et plongea dans son lit. Elle s'enroula dans sa couette et repensa à Gabi et Alec. Elle regrettait un peu d'être partie comme ça. Elle se demanda si elle les reverrait, s'ils seraient amis un jour, ou s'ils resteraient de simples connaissances. Elle commença à sombrer dans les rêves. Elle finit par s'endormir en priant presque pour revoir les deux garçons un jour.
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Le cycle des âmes perdues
General Fiction"Cher Sam, aujourd'hui tout recommence... " Charlie, une jeune fille au passé trouble, entame une nouvelle vie rythmée par des lettres adressées à un certain Sam. Cherchant à la fois à avancer tout en restant enchaînée à son passé, elle va devoir fa...