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   La nuit tombait et ils n'avaient pas encore quitté le chemin. L'euphorie de leur fuite était retombée, tous étaient perdus dans leurs pensées noires. Revivant ce cauchemar, revoyant la mort de Claire en boucle. Le corps de Nic toujours inerte et couvert de son propre sang. Gabriel lui caressait les cheveux et lui chuchotait qu'il allait s'en sortir. Flo avait l'air perdu dans le néant qu'avait créée la mort de son amie. Alec avait de plus en plus de mal à tenir éveillé, il avait perdu beaucoup de sang et en perdait encore. Charlie avait voulu s'arrêter pour essayer de faire quelque chose mais Alec avait refusé, il voulait quitter le chemin et la forêt d'abord. Charlie espérait qu'il tiendrait jusque-là.
Quant à elle, elle se forçait à ne penser à rien d'autre qu'à sa conduite. Elle tremblait encore mais ses réflexes et habitudes revenaient doucement. De temps en temps elle sursautait en voyant une ombre ou un animal qui passait par là. Cela ne faisait même pas une heure qu'ils étaient partis, mais ça lui semblait être une éternité.
Soudain au détour d'un virage une lumière vive apparut. Charlie sursauta et retomba dans un horrible cauchemar. La nuit, les Doors qui chantent dans l'autoradio, et les lumières aveuglantes qui viennent droits sur eux. Son corps se raidit, elle cria, enfonça son pied sur la pédale de frein et donna un grand coup de volant. La voiture quitta le chemin et alla se planter dans un arbre quelques mètres plus loin. Charlie sortit de la voiture en se tenant la tête, le choc n'avait pas été trop violent. Florent descendit à son tour et courut voir la jeune fille, il avait l'air d'être sorti de sa torpeur.
- Je suis désolée Sam... Je suis désolée...
Elle répétait ça en boucle, le visage couvert de larmes, le regard dans le vide.
- C'est bon Charlie, ça va aller, ne t'inquiète pas, tout le monde va bien.
Il la serra dans ses bras tandis que les autres sortaient de la voiture. Gabi portait Nic appuyé contre lui, toujours inconscient, et Alec se dégagea tant bien que mal.
L'autre voiture éteignit son moteur. Un homme descendit et se dirigea vers le groupe de jeunes à grand pas, les éclairant avec une lampe torche. Tandis qu'un autre homme restait près de la voiture.
- Tout va bien ? demanda-t-il inquiet.
Il portait un uniforme de garde-chasse. Flo hocha la tête, mais l'homme ne parut pas convaincu, il les regarda de la tête au pied. Puis ouvrit de grands yeux, une lueur de panique traversa son regard.
- On a été alerté par des coups de feu, vous avez quelque chose à voir avec ça ? demanda l'homme à la fois inquiet et méfiant.
- Monsieur je vous en prie, il faut qu'on s'éloigne vite d'ici et qu'on aille à l'hôpital, un de nos amis est dans le coma, et Alec, lui, à prit une balle dans la jambe ! S'il vous plait aidez-nous.
La voix de Flo se brisa. Ils faisaient tous peine à voir. Flo tenait toujours Charlie dans ses bras, blottie contre le lui le regard dans le vague, comme en état de choc. Gab tenait son amant inconscient, et Alec était appuyé sur le coffre de la voiture, la jambe dégoulinante de sang, le teint livide. L'homme s'avança vers eux, il aida Gabriel à porter Nicolas.
- Miles, sors-moi la trousse de secours !
L'homme resté en haut bougea.
- Venez les enfants, on va s'occuper de vous, vous nous raconterez tout ça en chemin.
« Les enfant », ça rassura un peu chacun des jeunes, comme un peu de baume au cœur, comme un mot magique. Miles et Éric les emmenèrent loin de cette forêt, ils les conduisirent aux urgences. Pendant le trajet, Miles fit un garrot de fortune à Alec. Flo, qui était celui qui avait les idées les plus claires, leur expliqua comment ils en étaient arrivés là, depuis le tout début. Il parla de la fête, puis de la manifestation et de tout ce qui avait suivi. Éric appela au plus vite des collègues et envoya la police et d'autres forces armées sur les lieux. Charlie était restée tout le long du trajet blottie dans les bras de Florent qui lui caressait les cheveux doucement.
Elle n'avait pas arrêté de s'excuser auprès de Sam. Sa blessure s'était réouverte, et elle ne noyait dedans, tombant dans ce vide infini. Bercée par les caresses de son ami, le vrombissement du moteur, et les lumières orangées des lampadaires qui éclairaient son visage par intermittence, elle se laissa aller aux images fugaces, grises ou colorées de sa vie passée. Comme si elle avait oublié tout ce qu'il s'était passé dans ce chalet, elle était repartie dans cette maison de campagne au jardin féerique où les rires de deux enfants accompagnaient le vent.


Le cycle des âmes perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant