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   Alec ne dit rien, il se contentait de la regarder. Il Semblait vouloir la laisser raconter à son rythme.
- Il est née le premier, quelques heures avant moi. Ce fut le seul moment où nous avons été séparés. On a toujours été très proches, on était les meilleurs amis du monde en plus d'être jumeau. On a toujours été dans la même classe, on a fait des tonnes de bêtises ensemble. On rendait fous nos parents. On avait les mêmes amis et on traînait tout le temps ensemble. On avait une petite maison dans la campagne, mes parents étaient heureux, c'était parfait. Puis... une voiture a déboulée de nulle part et ma vie a volé en éclat.
La voix de Charlie tremblotait un peu, sa gorge était nouée. Ses yeux semblaient ne pas pouvoir quitter le ciel.
- Et pas seulement la mienne, pas vrai Sam ? dit-elle doucement. J'avais tellement mal, je pouvais à peine bouger. Ma vue était brouillée, je distinguais des formes sombre et rouge. Mais je le voyais lui, puis tout est devenu noir. Quand je me suis réveillée j'étais allongée dans un lit d'hôpital, et Samaël était déjà mort et enterré. Quand je l'ai appris j'ai eu tellement mal au cœur que j'ai cru que j'allais en mourir. La descente aux enfers venait de commencer pour moi et ma famille. Une fois rétablie physiquement de l'accident je suis rentrée à la maison. Mes parents étaient dévastés. Ma mère n'arrivait même pas à me regarder en face. Ce petit manège a duré quelques mois. Je passais mes journées enfermée dans la chambre de Sam tandis que mes parents se détruisaient. Ma mère a fini par ne plus m'adresser la parole et un mois avant que je ne vienne habiter ici, elle est partie. Elle nous a dit que je lui ressemblais trop et que ça lui était trop douloureux de voir mon visage. Elle me voyait comme l'ombre de son fils perdu. J'étais devenu le fantôme de mon propre frère alors même que j'avais survécu.
Quelques larmes roulèrent sur ses joues. Elle se tourna enfin vers Alec, les yeux emplis de détresse.
- Et si... si j'étais morte à sa place ce jour-là...Tu crois que...
Il se leva et vint se poster devant elle.
- Ne dis plus rien, dit-il lui prenant le visage de la jeune fille au creux de ses mains. Charlie, je t'en prie, ne pense pas à ça. Rien n'est ta faute. Elle n'avait pas le droit de t'abandonner.
Puis il l'attira à nouveau dans ses bras.
- Mon père a cru qu'il m'était arrivé quelque chose aujourd'hui, je lui ai encore fait vivre la peur de perdre un enfant.
- Mais tu es bel et bien là, ça va aller maintenant. On ne remplacera jamais ce que tu as perdu, mais Gabi, moi et même Florent qui sait, on peut au moins apaiser tes souffrances, tu n'es pas seule. On t'aidera à passer toutes les épreuves qui se présenteront à toi, comme toi tu nous as aidés, quand Enzo était à deux doigts de me mettre en pièce ou quand Gabi et moi on s'est disputés. Tous les trois on ira jusqu'au bout du monde. On se tirera les uns les autres jusqu'à ce qu'on puisse toucher les étoiles.
Elle rit à ces mots. Elle se blottit un peu plus contre lui tandis qu'il la serrait dans ses bras. Ils atteindraient les étoiles, coûte que coûte. La chaleur du garçon enveloppa Charlie comme une bulle protectrice. Elle commençait à s'habituer de ses étreintes chaleureuses et de ses gestes délicats.
- Charlie, je crois qu'il y a quelqu'un pour toi, dit doucement le garçon.
Elle s'écarta de lui à contre cœur. Elle se retourna et vit son père aux abords du jardin, il avait les yeux brillants de larmes. Charlie accourut dans ses bras et son père éclata en sanglot.
- Pardonne-moi Charlie, sanglotait-il.
- Si seulement Sam était encore là, dit-elle les larmes aux yeux.
- Je sais, à moi aussi il me manque terriblement, mais tu es là toi et jamais je ne t'abandonnerais. D'accord ?
Elle hocha la tête. Puis son père l'écarta de lui.
- On rentre ? demanda-t-il.
- D'accord.
Puis il se tourna vers Alec et s'avança vers lui. Il lui serra la main.
- Merci d'avoir pris soin de ma fille jeune homme, je vous en suis reconnaissant.
- Avec grand plaisir monsieur.
Puis Jack quitta le jardin et alla remercier les parents d'Alec. Charlie se dirigea vers lui avec un mince sourire. Elle était un peu embarrassée d'avoir mêlé son ami et sa famille à ses histoires.
- Au moins on ne s'ennuie jamais avec toi, dit alors Alec comme s'il avait lu dans ses pensées.
Elle rit doucement.
- Merci Alec, dit-elle les yeux emplis de reconnaissance.
Il passa ses bras par-dessus les épaules de la jeune fille, et ils rentrèrent. Puis elle remercia Alessa et son mari pour leur gentillesse et elle rentra avec son père. Ce n'était pas de cette façon qu'elle avait imaginé les rencontrer. Charlie redoutait sa prochaine entrevue avec le père du garçon.
Comme Charlie avait fermé sa chambre à clé depuis l'intérieur, elle dut aller se coucher dans le salon. Son père lui avait dit qu'il règlerait ça le lendemain. Elle resta donc seule dans le grand salon. Elle ne s'y sentait pas très bien, elle se sentit envahie petit à petit par un sentiment étrange de solitude. Elle n'arriverait pas à dormir dans cette grande pièce froide. Elle prit son courage à deux mains et monta. Elle vit de la lumière passer sous la porte de la chambre de Flo. Elle s'arrêta devant et elle toqua doucement. Il ouvrit la porte et la regarda les sourcils froncés sûrement étonné de la trouver devant sa porte.
- Est-ce que ça va ? demanda-t-il.
Elle haussa les épaules, un peu gênée.
- Est-ce que je peux dormir dans ta chambre ? demanda-t-elle.
Il ouvrit de grands yeux. Et contre toute attente il la laissa entrer. Elle observa cette pièce dans laquelle elle n'avait jamais posé un pied tandis que Florent fermait la porte. C'était une grande chambre, elle était moins en désordre que ce à quoi elle s'était attendue. Il s'était emménagé un coin salon avec un canapé et une télé avec des consoles de jeu vidéo. Et de l'autre côté, près de la fenêtre il y avait un grand lit entouré d'affiches.
- T'aura qu'à dormir dans le canapé dit-il. Je vais t'attraper une couverture.
Il alla vers l'armoire tandis qu'elle s'approcha pour mieux voir les affiches accrochées aux murs blancs. Il y avait quelques posters de films, mais la plupart représentaient des sportifs, ou des équipes entières. Chacune d'entre elle était entourée de photo de Florent et de ses amis. Elles étaient amusantes, il avait l'air heureux sur ces images.
- Tiens, dit-il en lui tendant une grosse couverture.
Il lui prêta aussi un t-shirt propre, quand il vit que celui de Charlie était sale et déchiré.
- T'as descente s'est moins bien passée ce coup si à ce que je vois.
- J'ai glissé sur le toit du garage et je suis tombée.
Il éclata de rire. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle aurait réagi pareil à sa place.
- Tu ne t'es pas fait mal au moins ? Réussit-il à articuler entre deux fous rires.
Elle secoua la tête. Il se tourna le temps qu'elle change de t-shirt. Puis elle se posa dans le canapé et elle s'enroula dans la couette.
- Tu veux faire une partie ? demanda le garçon en désignant la console.
- Pourquoi pas, dit-elle en haussant les épaules.
- Je vais te pulvériser, dit-il avec un air de défis.
- Même Sam avait du mal à me battre, dit-elle avec un sourire.
Florent hésita un instant puis lui sourit à son tour.
- C'est ce qu'on va voir ! Déclara-t-il.
Ils passèrent une bonne partie de la nuit côte à côte dans le canapé, chacun enroulé dans sa couette respective. Ils semblaient ne pas vouloir dormir malgré les évènements éprouvants de la soirée. Charlie avait peur de fermer les yeux et d'être rattrapée par des cauchemars. Florent semblait l'avoir compris. Étrangement, plus la nuit avançait, plus ils étaient en forme et plus ils faisaient de bruit. Ils continuèrent à se battre virtuellement en riant et en criant à l'injustice quand ils perdaient, jusqu'à ce que Diane débarque dans la chambre. Les deux jeunes sursautèrent quand elle entra. Toute trace de colère disparut de son visage quand elle vit Florent et Charlie ensemble, en train de jouer sur le même canapé. Elle affichait une expression de surprise. Elle bégaya un instant avant de réussir à leur dire de faire moins de bruit. Puis elle sortit et retourna se coucher. Florent et Charlie échangèrent un regard bouche bée, puis ils éclatèrent de rire. Enfin ils continuèrent à jouer. Peu de temps après, les deux jeunes s'étaient endormis, Charlie recroquevillée sur le canapé, et Florent à moitié par terre et à moitié sur de gros coussins. 

Le cycle des âmes perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant