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  Le regard de Charlie s'attardait souvent dans le vide, et pendant ces fractions de secondes, son sourire semblait différent. Elle avait l'air peinée. Gabi pris une bouteille de rhum et ils allèrent tous les trois s'asseoir au fond du jardin, elle pensa qu'ici ils seraient tranquilles, la plupart des autres jeunes présents à la fête étaient encore en train de s'amuser dans la piscine.
Il était presque minuit, et tout le monde était éméché. Charlie n'avait jamais vu une aussi grosse fête de toute sa vie. Elle et Samaël en avait déjà fait plusieurs ensemble, et pas des moindres, mais là, c'était impressionnant. Sam aurait adoré venir dans cette soirée juste pour pouvoir se servir à boire à volonté et se moquer de l'allure des gens après ça. Ça détendait Charlie et elle se sentait moins oppressée quand il faisait ça, toutes ces personnes qui lui paraissaient intimidantes devenaient alors banales.
Tu vois la fille avec le grand chapeau rouge là-bas ? Je suis sûr qu'elle porte cette atrocité juste pour que les gens s'écartent sur son passage, tu vois, pour qu'ils lui fassent comme une haie d'honneur. Elle doit avoir un truc à compenser c'est sûr, ou alors elle veut cacher ses immenses oreilles...
Sam aurait sans doute dit quelque chose du genre. Charlie rigola en y pensant. Elle but une gorgée de sa boisson et elle observa d'autres personnes puis à chaque fois elle entendait la voix de Sam faire une remarque.
-J'aurais vraiment adoré que tu sois là... Dit-elle tout haut sans même sans rendre compte.
- De qui tu parles ? demanda Gabriel.
Elle sursauta, comme si elle était revenue à la réalité d'un coup. Elle regarda les deux garçons qui se trouvaient à côté d'elle tour à tour. Elle réfléchit un instant à ce qu'elle allait leur dire.
- Quelqu'un que j'aime beaucoup.
- Vu comment tu souriais en pensant à lui tu devais vraiment tenir à ce type, dit Gabriel.
Charlie parut gênée, elle ne voulait pas parler de ça avec eux, pas maintenant, pas déjà. Pourtant elle était sûre qu'ils auraient adoré Sam et vice versa. Elle regarda le ciel un instant, il y avait trop de lumière pour voir les étoiles.
- Quand on s'incrustait à des soirées lui et moi, on s'amusait à inventer des histoires gênantes ou des anecdotes croustillantes et amusantes à propos des gens qu'on voyait. Evidemment rien de tout ce qu'on disait n'était vrai, mais ça nous amusait.
En disant cela Charlie souriait, elle était submergée de souvenir, elle voyait son visage partout où elle regardait. Elle avait envie de le serrer dans ses bras. Elle avait envie qu'il soit auprès d'elle comme il l'avait toujours été auparavant. Alors son sourire se transforma et ses yeux s'embuèrent de larmes. Elle ne put les retenir. Alors elle sanglota devant les deux garçons qu'elle connaissait à peine. Gabriel lui prit la main et la serra doucement. Elle s'en voulait un peu de leur faire subir ça alors qu'ils étaient venus faire la fête, mais elle ne pouvait pas empêcher ses larmes de couler.
- Regardez-moi tous ces idiots, dit alors Alec en désignant les invités qui se trémoussaient en se frottant les uns contre les autres, c'est vraiment devenu des baisodromes les soirées lycéennes.
- Ce n'est pas pour me déplaire, dit Gabriel avec un sourire malicieux.
Charlie le regarda surprise, elle ne s'attendait pas à ça. Il lui lança un regard amusé.
- Quoi ? Ça fait toujours du bien de s'amuser un peu de temps en temps, lâcha-t-il en lui faisant un clin d'œil.
Elle eut un mouvement de recul, elle avait soudain peur qu'il attende quelque chose d'elle. Gabriel n'y prêta pas attention et regarda les convives. Son regard s'arrêta sur une personne en particulier, il se mordit la lèvre.
- L'avantage des fêtes chez Florent c'est qu'il ramène toujours son équipe au grand complet, souffla-t-il, c'est un véritable plaisir pour les yeux... et parfois plus.
Alec ricana. Charlie regarda Gabi un instant, puis elle lui sourit. Elle sécha ses larmes et regarda à son tour les personnes qui dansaient en face d'eux, de l'autre côté de la piscine.
- De quel garçon parles-tu ? demanda-t-elle.
- Tu vois le plus grand qui se trouve juste à côté de Florent ? répondit-il, je le trouve plutôt sexy...
Charlie essaya de distinguer son visage. Au bout de quelques secondes, il tourna un peu la tête et elle le reconnut aussitôt, c'était Enzo.
- Lui ?! Mais c'est une brute ! s'écria-t-elle.
- C'est ce que je me tue à lui dire...soupira Alec.
- Tu le connais ? demanda Gabi surpris.
- C'est lui qui m'a fait une scène dans la cuisine.
- Et c'est lui aussi qui me pourrit la vie, ajouta Alec.
- Décidément il n'a rien pour lui cet imbécile, dit Charlie.
- Mais il est tellement beau... s'exclama Gabriel l'air exaspéré.
Charlie eut l'impression de voir de la peine et de la tristesse dans son regard.
- Je préfèrerais encore t'arranger un coup avec Florent.
Gabriel lui jeta un regard amusé.
- Je ne dirais pas non, susurra-t-il.
Charlie se frappa le front en grognant. Et les deux garçons éclatèrent de rire. Ils continuèrent à discuter et à boire pendant quelques heures. Elle se sentait bien auprès d'eux, elle se sentait en sécurité. Et elle avait apprécié qu'aucun d'eux n'ait insisté pour avoir plus de précision sur le garçon de ses souvenirs. Ils s'amusèrent à inventer des conversations entre les personnes qui dansaient. Charlie n'avait pas autant ri depuis plusieurs mois. Même ses meilleurs amis, ceux qu'elle avait laissé là-bas dans sa petite ville, n'avait pas réussi à la faire rire comme ça depuis une éternité. Elle se laissa donc aller au rire ce soir, et l'alcool l'aidait bien aussi. Elle avait l'impression que tout tanguait autour d'elle, mais ce n'était pas vraiment désagréable, elle se sentait comme sur un nuage doux et moelleux. Elle volait dans le ciel au-dessus du monde et tout était si petit, si fragile. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras pour le protéger de tous les dangers.
Malgré la nuit, ses vêtements avaient enfin séché. Et ses cheveux devaient ressembler à un nid d'oiseau tellement ils étaient emmêlés. Il commençait à se faire vraiment tard. Ou très tôt en fonction de la façon de voir les choses. Il n'était pas loin de quatre heures du matin et la plupart des invités étaient partis. Elle se demanda à ce moment-là si ne serait-ce que la moitié des personnes qui avaient passé la soirée ici avaient été réellement invitées. Ou si tous ces gens étaient vraiment des amis de Florent.
À cet instant un couple commença à s'embrasser langoureusement sur un transat au bord de la piscine. Ils commencèrent à se caresser intimement. Ils ne semblaient pas avoir vu le trio au fond du jardin à seulement quelques mètres d'eux.
- Eh oh, vous n'êtes pas tous seuls les gars allez faire ça ailleurs ! Cria Alec.
La jeune fille poussa un cri de surprise. Et le garçon se releva, il fit un bras d'honneur à Alec, Gabriel et Charlie. Les trois jeunes lui répondirent par un doigt d'honneur à l'unisson. Le couple rentra dans la maison et le trio s'esclaffait.
Peu de temps après Gabi se leva, il dit au revoir à Charlie et il partit. Alec ne bougea pas, il semblait ne même pas avoir remarqué le départ de son ami. Charlie le regarda intriguée.
- Tu ne le suis pas ? demanda-t-elle.
- Il dort chez moi de toute façon donc je le rejoindrai juste après.
- Gabi passe beaucoup de temps chez toi si j'ai bien compris.
- Oui, ses parents, surtout sa mère, sont très protecteurs et ils l'étouffent beaucoup. Je ne pense pas qu'ils le fassent exprès, mais Gabi est quelqu'un qui a besoin de se sentir libre alors il vient souvent chez moi. Puis comme on est en vacances il en profite d'autant plus.
- Ça ne dérange pas tes parents ?
- Non, Gabi est comme un frère et ils ont l'habitude qu'il soit là au moins une fois par semaine, sinon c'est presque eux qui vont l'inviter à venir, répondit-il en riant.
Les deux garçons semblaient être très différents et pourtant ils avaient l'air inséparables, ils devaient se compléter l'un l'autre. Elle était contente de les avoir rencontrés. Elle se disait qu'elle survivrait peut-être à ce changement finalement, avec eux à ses côtés.
- Ce n'était pas une si mauvaise soirée, souffla-t-il en regardant le ciel.
Cette remarque fit rire Charlie, elle ne regrettait pas du tout d'être sortie de sa chambre quelques heures plus tôt finalement. Il faut dire qu'elle ne s'attendait pas du tout à trouver Gabriel et Alec dans le jardin. Florent l'avait vraiment surprise sur ce coup-là. En y repensant il n'avait cessé de la surprendre aujourd'hui.
Alec tourna son délicat visage vers Charlie et il l'observa, l'air curieux. Elle détourna le regard mal à l'aise.
- Tu sais, je perçois quelque chose d'étrange chez toi, mais je n'arrive pas encore à mettre le doigt dessus, dit-il calmement.
Elle le regarda surprise, elle pensait un peu la même chose de lui au fond.
- Je suppose que chacun de nous à un petit quelque chose à cacher, répondit-elle.
Un voile de tristesse se posa sur son regard à ces mots sans qu'elle n'y prête attention. Alec le remarqua mais ne dit rien. Au lieu de ça il se leva et tendit ses mains à Charlie afin de l'aider à faire de même. Charlie fut prise de vertige une fois debout, elle avait beaucoup trop bu. Le sol se balançait sous ses pieds. Elle trouva cette sensation amusante, elle avait l'impression d'être sur un bateau. Alec n'avait pas l'air au mieux de sa forme non plus. On aurait pu croire qu'il était prêt à s'endormir sur place. Ils avancèrent vers la maison d'un pas mal assuré.
- J'ai un remède pour te réveiller un peu, dit-elle avec un sourire des plus chaleureux.
Il haussa un sourcil, curieux
- A bon ? Qu'est-ce que c'est ?
Elle lui adressa un sourire merveilleux, puis elle se rapprocha de lui. Il fronça les sourcils ne comprenant pas ce qu'elle était en train de faire, mais il ne recula pas. Elle posa ses mains sur son torse, il tressaillit. Le regard de Charlie se faisait plus insistant et elle se rapprocha encore un peu plus. Puis un éclair de malice traversa les yeux de la jeune fille et à cet instant elle poussa Alec qui, en reculant, tomba dans la piscine. Charlie fière de son coup éclata de rire. Elle en avait les larmes aux yeux. Alec sortie la tête de l'eau et la foudroya du regard, ce qui l'a fit rire encore plus. Il se hissa hors de la piscine en grommelant tandis que Charlie se roulait par terre en pleurant de rire. Il se dirigea vers la table et saisi une bouteille d'eau. Il s'approcha de Charlie qui dans son hilarité ne l'avait pas vu venir. Puis dans le plus grand des calmes, il vida la bouteille d'eau sur la jeune fille. Elle s'arrêta de rire brusquement et poussa un petit cri, surprise. L'eau de la bouteille était bien plus froide que celle de la piscine. Elle se releva et fit face au garçon qui se tenait bien droit devant elle les bras croisés. Elle adopta la même posture. Ils restèrent ainsi à s'observer, le regard sévère, pendant quelques minutes. Puis Charlie n'en pouvant plus de se retenir, lui adressa un petit sourire qui se transforma en éclats de rire. Alec riait lui aussi et tous deux se dirigèrent vers l'entrée de la maison. Alec rentra chez lui en répétant à Charlie qu'elle était la bienvenue et que si elle en avait marre de supporter Florent elle pourrait venir se réfugier chez lui avec Gabi. Elle acquiesça avant d'aller enfin se jeter dans son lit. Elle s'endormit presque immédiatement, son lit était à cet instant aussi confortable qu'un gros nuage.

Le cycle des âmes perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant