Le cycle des âmes perdues

22

   - Charlie !
Elle ouvrit les yeux paniqués et en pleurs, souffrant le martyre, pouvant à peine respirer. La chambre, la lumière, Gabriel debout à côté d'elle, Alec de l'autre côté. Ils avaient l'air aussi paniqués qu'elle. Tous les autres se tenaient dans l'embrasure de la porte, curieux et inquiets à la fois. Et Florent devant qui la tenait par les épaules.
- C'est bon, t'es revenue, tout va bien ! Tu es réveillée ce n'était qu'un cauchemar. Charlie, tu m'entends.
Oui ! Voulait-elle dire, mais elle avait trop mal, et elle ne trouvait pas d'air pour respirer. Elle étouffait, elle se noyait dans cet horrible cauchemar. Et son cœur la faisait affreusement souffrir. Elle secoua la tête et ferma les yeux.
- Allez Charlie tu peux y arriver, tu as réussi l'autre fois tu te rappelles ? Regarde-moi.
Florent lui releva le menton et lui prit la main pour la porter sur sa poitrine. Elle la sentait qui se soulevait et s'abaissait au rythme de la respiration du garçon.
- Concentre toi là-dessus, tu vois, inspire... expire, doucement. Voilà c'est ça. C'est bien continu. Tu vas y arriver. On va y arriver ensemble.
Petit à petit elle se calma, elle remontait à la surface, elle retrouva l'air. Elle continua quelques minutes encore, jusqu'à être entièrement calmée. Seule la douleur dans la poitrine subsistait. Elle regarda Alec, Gab et Flo.
- Vous êtes vivants... ? Demanda-t-elle la voix tremblante.
Florent la regarda avec tendresse.
- Oui Charlie, nous sommes tous vivants.
Alors elle s'effondra dans ses bras en sanglotant. Il lui caressait les cheveux pour l'apaiser.
- C'est bon elle a fini ? Demanda June l'air agacée.
- Barrez-vous ! Cria Alec.
- Si elle me réveille encore une fois je la bute, lança Kyle avant de claquer la porte.
Charlie sursauta et se recroquevilla encore plus contre Florent.
- Essaye toujours, murmura Alec.
Elle se releva un peu et sécha ses larmes, elle regarda Florent dont le visage était marqué par la fatigue.
- Je suis désolée...dit-elle. Pour tout.
- Non c'est moi qui suis désolé je n'aurais pas dû te dire ça tout à l'heure tu n'es en rien responsable de ce qu'il nous arrive.
Elle lui fit un mince sourire triste.
- Encore un mauvais rêve ? Demanda-t-il.
Elle hocha la tête. Puis elle posa sa main sur son cœur en grimaçant, la douleur était toujours là. Alec s'assit à côté d'elle et dégagea une mèche du visage de la jeune fille.
- Est ce que ça va ?
- Il y avait la musique, Sam, le policier, Kyle qui tirait sur chacun de vous, vos cadavres à mes pieds, la voiture, la douleur...
A ces mots elle se recroquevilla sur elle-même sous l'effet de la souffrance, empoignant son cœur le plus fermement qu'elle le pouvait.
- Charlie qu'est-ce qu'il se passe ?
- Rien, ça va, dit-elle en se redressant doucement.
Elle avait l'habitude de cette douleur, les médecins lui avaient dit que ça risquait d'arriver de temps en temps.
- Tu devrais te recoucher et essayer de dormir, dit Gab en lui prenant la main.
Elle pâlit à ses mots. Elle ne voulait plus fermer les yeux, elle avait peur de revoir ce cauchemar.
- Ne t'inquiète pas, cette fois on sera là, lui dit-il en la prenant dans ses bras.
Florent se leva et bailla.
- Je retourne me coucher la nuit est loin d'être finie.
Il fit un signe à Charlie et il quitta la chambre, refermant la porte derrière lui. Gabi la tint dans ses bras pendant quelques instants sans rien dire. Alec la regardait l'air inquiet et au fond de ses yeux Charlie aurait juré avoir perçu un peu de pitié. Son cœur se serra, elle était minable. Elle avait réveillé tout le monde à cause d'un stupide cauchemar, tout ça parce qu'elle était incapable de faire la différence entre le monde des songes et le monde réel. Ces deux univers étaient si confus dans son esprit.
- Désolé de vous avoir réveillé, dit-elle doucement avec la voix d'une petite fille.
- Oh ne t'inquiète pas, j'aurais été réveillé peu de temps après de toute façon, j'étais à deux doigt de tomber du lit, lança Alec en baillant.
Gabriel hocha la tête et bailla à son tour, puis il se rallongea et ne dit plus un mot. Charlie l'observa s'endormir, elle fut surprise de voir qu'il dormait déjà quelques minutes après. De temps en temps il grimaçait, lui aussi devait faire de mauvais rêves. Elle resta assise dans le lit un moment, les jambes repliées sur elles-mêmes. Elle ne voulait plus dormir, et pourtant elle se sentait exténuée.
- Tu devrais te recoucher Charlie, tu ne pourras pas continuer comme ça éternellement, dit Alec d'un ton dur.
- Que veux-tu dire ?
- Tu n'as rien mangé depuis presque deux jours et maintenant tu ne veux plus dormir, ton corps de pourra pas supporter ça indéfiniment.
Elle ne répondit pas, il avait raison, mais ce n'était pas sa faute si les cauchemars la hantaient.
- Maintenant essaye de dormir Charlie.
Elle regarda Alec et revit la balle traverser son crâne. Elle détourna les yeux.
- Tu ne sais pas ce que j'ai vu...
- Ce n'était pas réel, ce n'était qu'un rêve.
- Tu ne comprends pas Alec, tu ne peux pas.
- Alors explique-moi.
Elle baissa la tête, comment lui dire ? lui dire que si elle renonçait à croire en la force et l'impact réel de ses cauchemars, elle renonçait aussi de croire que Sam était encore là auprès d'elle. Que l'esprit du garçon lui parlait parfois, la conseillait même. Avait-elle perdu la raison ?
- Je ne peux pas, dit-elle en secouant la tête.
- Bien comme tu veux, dit-il en s'allongeant.
Elle se glissa elle aussi sous la couette, il avait raison, son corps n'allait pas tenir. Cependant elle ne ferma pas les yeux, la peur la retenait. Alec s'était tourné vers elle, ils étaient allongés face à face, leurs corps ne se touchaient pas, ils s'effleuraient, et pour Charlie cette sensation paraissait encore pire. Il plongea son regard dans celui de la jeune fille, et lui adressa un mince sourire.
- Dors Charlie, je serais le gardien de tes rêves.
A peine eut il finit sa phrase qu'il ferma les yeux et remonta un peu la couverture. Charlie put enfin recommencer à respirer normalement. Elle sourit, c'était comme si les mots du garçon avaient effacé ses peurs. Elle ferma les yeux à son tour, petit à petit elle sombra dans le sommeil. Un sommeil étrange et quelque peu agité. A chaque fois qu'un mauvais rêve pointait le bout de son nez, qu'elle se sentait oppressée, qu'elle avait peur, une douce vague de chaleur s'immisçait en elle et semblait former comme un bouclier protecteur.