Chap22

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Adèle et Romain se voyaient régulièrement depuis. Elle passait du temps avec lui et ses potes au lycée, pendant que ses amies à elle avaient des cours différents. C'était un peu comme si elle menait une double-amitié, elle alternait entre Romain et les brunettes presque tout le temps. D'ailleurs, elle ne leur avait pas dit qu'elle s'était fait de nouveaux amis. A vrai dire elle était un peu possessive et voulait garder ces amis funs rien que pour elle, mais au fond c'était surtout parce qu'elle redoutait que les brunettes la jugent, ou pire, lui en veuillent.
Bref, elle ne voulait pas causer de problème, et aimait bien sa nouvelle vie.

Adèle et Romain se retrouvaient plusieurs fois par semaine après les cours pour peaufiner leur devoir de musique. Le temps défilait à toutes vitesses et, même si le prof avait repoussé la date de rendu du devoir, il ne leur restait qu'une semaine.
Ils avaient la maquette : la bande son. Et des idées pour le clip, qu'ils n'avaient pas encore tourné. Aujourd'hui Adèle avait donné rendez vous à Romain près de sa maison, dans un champs de blés en bordure de route.

Depuis qu'elle avait découvert cet endroit, elle y allait le plus de fois qu'elle pouvait. Il ressemblait étrangement au champs de fleurs qu'elle avait vu en rêve, plusieurs fois.
C'était un champs lambda, mais il était immense; on pouvait penser qu'il était infini.
Adèle posait sa veste en jean en plein milieu, et s'étalait dessus, rêveuse. Elle adorait cet endroit, mais en avait peur à la fois. Elle redoutait que des bêtes lui sautent dessus quand elle ne s'y attendrait pas.
Mais elle s'en fichait, ou du moins essayait de ne pas s'en préoccuper, parce qu'elle aimait cette sensation euphorique qu'elle avait quand elle était immergée dans ce champs.

Il était dix sept heures, Adèle lisait un livre allongée sur sa veste, au beau milieu des pousses de blés. Elle entendit des bruissements d'herbes, des pas sans doute. Elle se retourna et aperçut la silhouette de Romain, quelques mètres plus loin. Il allait mettre du temps à la trouver, les pousses de blés étaient tellement hautes qu'elles engloutissaient ce qui se cachait par terre.
C'était une autre chose qu'Adele adorait retrouver ici : cette sensation d'être cachée, protégée, et que personne ne pourrait la retrouver.

« Maudites herbes, marmonna la voix lointaine de Romain. »
Adèle esquissa un sourire taquin. Il ne la voyait toujours pas.
« Y'a quelqu'un? Bordel si j'avais pris une tondeuse j'aurais tout déraciné. »
Adèle se retint de rire et resta cachée.
Les pas se firent plus proches.
« Hého? C'est vraiment là que tu veux filmer? On peut même pas bouger, s'énerva-t-il. »
Adèle roula des yeux et sortit de sa cachette, ce qui fit sursauter Romain qui se trouvait à deux mètres d'elle.

« Salut! sourit-elle.
- Tu te cachais hein, comprit-il en voyant son faux air surpris de le voir arriver.
- Pas du tout, je ne suis pas vicieuse quand même. »
Il soupira exaspéré avant de faire un tour sur lui même pour regarder le monde qui l'entourait.
« C'est beau, hein, déclara Adèle. »
Il la fusilla du regard.
« Tu te fous de moi? On peut même pas marcher! Je te parie qu'il y a des centaines de nids de serpents cachés là dessous. »
Elle sourit, espiègle.
« Tu as peur? »
Il afficha un air dédaigneux.
« Pas du tout.
- Tant mieux! Parce que c'est l'endroit idéal pour tourner le clip, rétorqua-t-elle avec joie. »
Il la regarda pas très rassuré.
« T'es sûre de toi? Qu'est ce que tu veux filmer ici? »

Adèle y avait pensé depuis qu'elle avait trouvé cet endroit. Le rêve qu'elle avait fait. Ce champs de blés, quasi identique avec les champs de fleurs.
Elle qui jouait du piano, Romain qui jouait réellement du piano.
Elle imaginait bien un beau piano à queue en plein milieu du champs, avec Romain comme pianiste, et elle comme caméraman. La scène tournée face à un magnifique coucher de soleil qui rendrait l'endroit utopique et surtout...

« ...Et surtout atypique, s'enthousiama-t-elle! Personne ne va filmer un champs de blés, parce que justement ils ont peur de s'y aventurer.
- Hop hop hop, je t'arrête tout de suite. Moi, je suis contre.
- Romaiiin, s'il te plaît, supplia-t-elle avec un regard triste. »
Il fit non de la tête.
« Comment tu veux qu'on amène un piano à queue ici? C'est pas réaliste. »

Il n'avait pas tort.
« OK, j'avoue c'est compliqué à faire. »
Il confirma d'un hochement de tête.
« Je suis sûre que si on réfléchit, on va trouver quelque chose de bien, et de faisable. »
Il la regarda droit dans les yeux.
« Tu veux vraiment tourner là? Vraiment vraiment? »
Elle hocha la tête avec frénésie.

« OK, ça marche. À condition que j'ai des bottes en caoutchouc ou une combinaison de protection. »
Elle se précipita pour le serrer dans ses bras, si bien qu'ils perdirent l'équilibre et basculèrent dans le champs.
Romain éclata de rire alors qu'Adèle se releva, gênée.
« Pardon! J'ai vraiment pas fait exprès. »
Il lui sourit, toujours allongé dans l'herbe.
« C'est vrai que la vue est belle d'ici, sourit-il. »
Adèle fronça les sourcils, avant de constater qu'elle était en robe.

Elle s'éloigna vite fait les joues cramoisies. Il rit encore plus.
« Pervers, marmonna-t-elle pivoine.
- J'ai rien vu, c'était une blague. »
Elle lui tourna le dos, vexée.
« Je te jure que j'ai rien vu, promis, insista-t-il. »
Elle se tourna pour lire le mensonge dans ses yeux, mais il semblait sincère.
« Allez, viens, dit-il en lui tendant la main pour qu'elle le rejoigne. »
Elle fronça les sourcils.
« Quoi, t'as peur parce que y'a pas ta veste pour éviter que tu te salisses, se moqua-t-il.
- Tu faisais moins le fier, toute à l'heure, declara-t-elle avec animosité. »

Il haussa les épaules avant de se rallonger confortablement et observer le ciel.
« Les herbes hautes çà fait peur quand t'es debout, mais une fois en plein dedans, c'est plus pareil. »
Elle l'observa, pensive, avant de se résigner à s'asseoir à côté de lui.
Ils restèrent un moment comme ça, silencieux.
Adèle brisa le silence :
« Ils sont sympas, tes amis. »
Il sourit mais elle ne s'en rendit pas compte, attentive au déplacement des nuages dans le ciel rose.
« Plus sympas que les tiens, non? »
Elle ne répondit pas tout de suite, prise de court, avant d'admettre :
« C'est vrai. »

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