Chapitre 21 : Ce sont les sentiments qui gouvernent une guerre

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              Mon réveil fut nauséeux. J'avais la sensation d'avoir été assommée, avec hargne, par de simples paroles. La violence pouvait véritablement prendre deux visages : celui des coups et celui des mots. En me redressant péniblement, dans l'infirmerie de la Garde, je pris conscience que l'obscurité de la nuit n'apaiserait nullement la noirceur de mon âme. Petit à petit, ils avaient réussi à m'anéantir. Cela avait été insidieux, mais ils y étaient parvenus. J'avais terriblement mal, une plaie ouverte laminant mon cœur. J'avais, trop de fois, perdu contre eux. En ce jour, j'avais le sentiment que jamais je n'aurais pu gagner. Markus m'avait tout pris et je n'avais même plus la force de me venger ...

En balayant la pièce rose du regard, je vis qu'Alvar somnolait sur un fauteuil, en face de ma couche. Il ouvrit, d'ailleurs, les yeux en m'entendant me relever. Ainsi, à peine avais-je posé les pieds sur le carrelage froid, qu'il vint précipitamment me soutenir.

- Comment vous sentez-vous ?

- Je ne t'ai rien demandé, Alvar !

C'était gratuit de ma part, en plus, d'être agressive. Mais, au fond, j'aurais voulu voir Leiftan à mon chevet et il n'était pas là ... Son absence m'était alors difficile à encaisser.

- Je sais, je ne suis pas la personne que vous espériez voir.

- Je n'espère plus rien ... Je dois simplement prendre l'air.

Tandis que j'esquivais la discussion pour rejoindre les jardins de la Garde, Alvar m'interpella dans la salle des portes.

- Vous fuyez depuis notre arrivée à Eel. Où est passé votre désir de liberté ?

- Je t'ai menti ... La liberté, la justice, tout ceci n'est que mensonge, ça n'existe pas. C'est toi-même qui me l'a dit : « la vérité est un mensonge sur Eldarya ». Tu avais raison. Je suis désolée de t'avoir fait espérer le contraire ...

Une fois de plus, je sentis les larmes me monter. Comment pouvais-je avoir encore la force de pleurer ? Depuis mon arrivée sur Eldarya, je n'avais fait que ça. Aujourd'hui, je ne désirais plus qu'une chose : abandonner ...

- Après tout ce que vous avez sacrifié pour parvenir jusqu'ici, vous rendez les armes ?

- Justement ! Nous n'avons fait que nous sacrifier. Et, pourquoi !? Chrome, Lucina, Gullik, Hraesvelg, Karenn, et tant d'autres sont morts en croyant en cette fausse liberté ! Nous avons perdu à la seconde même où nous y avons cru !

- Avez-vous déjà oublié les vivants ? Il n'y a pas que vous et nous dans ce conflit. C'est Eldarya qui risque de disparaitre si nous abandonnons cette guerre. Ce n'est plus uniquement une question de pouvoir ou de vengeance. Désormais, nous nous battons principalement pour continuer à vivre. Car, dès lors que Markus mettra la main sur le grand cristal, nous mourrons tous ... sans exception.

Alvar pointait là l'un de mes principaux défauts, faisant de moi une personne lâche. Jusqu'à présent, j'avais tenté d'être cette personne qu'il attendait de moi : une guerrière, une meneuse et un symbole d'espoir ... Mais, tout cela, ce n'était pas moi ... Certes, j'avais des convictions, des rêves et des espoirs pour faire évoluer ce monde. Seulement, je manquais de courage et de force pour les mener à bien.

- Cette guerre était inévitable et vous n'y êtes pour rien. Cessez de vous imputer des crimes qui ne sont pas les vôtres. Tant que votre lame ne s'est pas enfoncée dans la chair de votre adversaire, vous n'êtes aucunement responsable de sa mort. Ne l'oubliez jamais.

J'accrochais ses iris argentés avec peine. Peut-être, m'étais-je mis trop de pression sur les épaules. Ils avaient tous essayé de me décharger, mais je les avais, un à un, rejetés pour conserver ce fardeau qui écrasait, désormais, mon corps au sol. Pourtant, je savais que je pouvais compter sur eux.

[Eldarya/Leiftan] « Fais-moi confiance ... À jamais »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant