Chapitre 18 : La connaissance est une souffrance

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            Jamais je n'aurais cru ressentir cela avant. Mon corps était paralysé par cette perte insoutenable. Quelqu'un venait de m'enlever ma force, mon symbole de puissance, celui alimentant mon maanas ... Alors que cette sensation abominable me traversait sans me laisser le moindre répit, une main se posa doucement sur mon épaule. Levant les yeux dans sa direction, je distinguais vaguement les traits de son visage attristé.

Yggdrasill ... Nous venions de perdre l'un des deux piliers de ce monde. Et pire encore, c'était le mien ! Celui dont j'étais la gardienne, celui que j'avais lâchement décidé d'abandonner. Nous le savions pourtant. Nous nous en doutions ... mais, nous les avions laissé faire. Bien sûr, qu'ils se vengeraient de notre affront.

Saisissant la main qui m'étais tendue, je me relevais. La panique s'emparait du repère, les loups de Tyr comprenant le danger qui nous menaçait maintenant. Il n'y avait plus que le grand cristal pour nous maintenir en vie. Sans lui, tout disparaîtrait à jamais dans le néant. Nos âmes se perdraient dans l'espace et erreraient sans but dans l'obscurité de notre cupidité.

Il fallait que je le vois de mes propres yeux. Je devais m'imprégner une dernière fois de sa présence. Même évaporé, je voulais ressentir sa disparition. Je devais en être sûre ... Sûre, qu'il ne réapparaîtrait jamais.

- Viens, princesse.

Nevra n'avait pas lâché ma main, depuis que j'avais saisi la sienne. Nous traversâmes alors la foule pour rejoindre la galerie menant à la salle du conseil. Tout semblait bouger autour de moi à une vitesse effrénée. Les fenghuangs s'éparpillaient déjà dans la fourmilière, Tiberius ayant disparu du balcon. Combien de temps s'était-il écoulé depuis l'annonce de Feng Zifu ? Le mage avait-il fait un discours ? Je n'avais rien entendu ... je n'entendais plus rien d'autre que ma peine.

En arrivant, les membres du conseil étaient déjà tous installés, une vague d'inquiétude parcourant leurs auras. Chacun d'eux intégrait la nouvelle avec difficulté. Vedrfölnir était là, tentant de capter mon attention du regard, mais je ne parvenais pas à apaiser la douleur qui m'envahissait. Tiberius finit alors par briser le silence, en fixant durement Feng Zifu.

- Qui ?

- Markus.

Brusquement, je relevais la tête. Markus ! Pourquoi ?! Ça n'avait pas de sens. C'était Kassandre que nous avions offensé en enlevant Sibyl et en l'attaquant sur ses terres.

- Le dragon a envoyé les elfes noir pour détruire l'île.

J'eus la nausée ... Markus avait utilisé les elfes noirs contre les fenghuangs. Il avait osé les contraindre à combattre un peuple pacifiste dont la terre était sacrée ! Qu'avait-il en tête ? Quel était son but ! Le mage baissa le regard, entre colère et tristesse, son âme se tordait.

- Il tente de diviser notre mouvement en utilisant nos alliés contre nous. Tiberius, tu sais ce que ça signifie. Si les loups de Tyr l'apprennent, les elfes noirs deviendront une cible à anéantir, s'inquiéta Bjornar

- Nous ne dirons rien. Aucun d'entre vous ne devra en parler à nos loups. Est-ce clair !?

Le mage balaya sévèrement le conseil du regard. Il nous demandait de mentir ... de dissimuler une telle vérité. Pourquoi ?

- Les fenghuangs ont été avertis avant leur arrivée au repère. Aucun d'eux ne souhaite punir les elfes noirs pour cette attaque, nous informa Vedrfölnir

- Nous garderons ce secret, si telle est ta décision, s'inclina Feng Zifu

Je m'étais tellement battue pour que les elfes noirs soient acceptés par les loups de Tyr. Aujourd'hui, j'avais le sentiment de revenir en arrière. Je me souvenais alors des mots d'Alvar sur le drakkar. C'était ça, l'intelligence du dragon ? C'était donc contre ça, qu'Alvar me mettait en garde ? De ses plans stratégiques pour nous atteindre en traître. Je le maudissais ! J'abhorrais ce dragon vicieux et lâche.

[Eldarya/Leiftan] « Fais-moi confiance ... À jamais »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant