Chapitre 1 : Notre avenir ici ?

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              Le soleil brillait à son zénith, ses rayonnements parcourant les grandes étendues de champs et les différents enclos bordant ma route. En longeant le ruisseau afin d'emprunter le ponton menant aux plaines verdoyantes de ma campagne, je me mis à contempler le ciel. Les oiseaux gazouillaient gaiement, la flore naissant à l'annonce du début de cette saison printanière. J'inspirais alors profondément pour relâcher toute la pression de ces derniers jours. Et, enfin, cette sensation de liberté, tant attendu, m'envahit pleinement.

Tout en prenant soin de ne pas rencontrer d'obstacle susceptible d'entrainer ma chute, je repensais avec morosité à ce mois d'enfermement. Cela faisait des semaines que je n'avais pas pu sortir, jonglant entre mon domicile et l'hôpital. Cette balade en pleine air m'était donc vitale. Je voulais sentir le vent caresser ma nuque, voir mes longs cheveux auburn virevolter et, enfin laisser mes pensées vagabonder à chacun de mes pas. J'étais une grande rêveuse et si les randonnées n'étaient pas forcément mon fort, il faut avouer que j'en avais grandement besoin.

Depuis mon hospitalisation, mon conjoint, Jorik, surveillait le moindre de mes faits et gestes. Il n'avait alors pas pu s'empêcher de me réprimander avant mon départ de la maison. Mes parents prenaient également régulièrement de mes nouvelles et, bien que je ne sois pas quelqu'un de solitaire - je me qualifierais même de plutôt sociable – je ne supportais plus de me sentir épiée sans cesse. Il était donc hors de question, qu'ils me dictent mes envies une fois de plus. J'allais être vigilante pour nous deux, mais je désirais le faire seule.

Je voulais enfin me donner les moyens de connaître cette fille qui grandissait en moi ... Malgré toutes les difficultés qu'avait entraîné ma grossesse, il m'était nécessaire de prendre le temps de l'apprivoiser et surtout d'apprendre à l'aimer ... Car, si j'avais désiré cet enfant, les complications de ces derniers mois m'avaient empêchée d'imaginer son arrivée. À de nombreuses reprises, j'avais cru qu'elle ne verrait jamais le jour. Ainsi, après sept mois de grossesse, j'aspirais à un peu de sérénité loin de toutes ces personnes qui m'avait rabâché : « de faire attention », « de me ménager », « de penser à mon enfant ». Il fallait maintenant que je pense à nous et à personne d'autre.

J'avais souvent entendu dire que les pères ne réalisaient pas leur paternité avant l'accouchement. Cependant, Jorik s'était sentit père à la seconde même, où je lui avais annoncée. Tout de suite, il avait pris les choses en main avec la plus grande des attentions : la chambre, les cours de préparation à l'accouchement, les rendez-vous de suivi ... Je ne pouvais pas lui en vouloir, bien au contraire, je devais même avouer que j'étais un peu jalouse de sa capacité d'anticipation. Il accueillait la nouvelle avec force et détermination. Je voyais déjà dans ses yeux bleu clair tout l'amour qu'il éprouvait envers sa future fille.

Quant à moi, du haut de mes vingt-six ans, je me sentais tellement seule avec mes angoisses. Nous l'avions voulu ... Mais, étais-je prête à endosser le rôle de mère ? Dans une autre situation j'aurais surement réussi à exprimer mes craintes à mon entourage. Malheureusement, comme à chaque fois qu'un événement traumatique se dressait sur mon chemin, je me renfermais, n'arrivant plus à savoir moi-même ce que je ressentais. Quel comble pour la psychologue que j'étais.

Avais-je peur ? Regrettais-je ? Je ne parvenais absolument pas à décrypter mes propres ressentis et à réfléchir à une solution adéquate pour soulager mon état d'anxiété. Puis, qui pourrait comprendre que la future mère que j'étais, n'arrivait pas à se lier avec son futur enfant. J'avais déjà pu échanger avec des collègues qui ne comprenaient pas les femmes ayant ce type de problématique. Alors, où trouver une oreille attentive autour d'un sujet qui fait tant débat auprès de mes confrères ?

Pourtant, je l'avais attendu cette grossesse. Durant un an, nous nous étions battus, Jorik et moi, pour concevoir cet enfant. Cette décision n'avait pas été prise sur un coup de tête, c'était la suite logique de la construction de notre couple. J'aimais Jorik, comme je n'avais jamais aimé personne auparavant. Alors, pourquoi, après ces sept mois et demi de grossesse, n'arrivais-je pas à me réjouir de l'arrivée de ma fille ...

[Eldarya/Leiftan] « Fais-moi confiance ... À jamais »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant