ORCAM - Tome 3 : Printemps (version non-corrigée)

Chapitre 8 (3/3)

Le monde autour d'elle disparut dans un grondement assourdissant et des dizaines d'éclairs déchirèrent le ciel, créant comme des flashs de lumières stroboscopiques dans un ciel mêlant le bleu indigo et le gris anthracite. 

Complètement désorientée par ce phénomène qui aurait terrassé un épileptique, Lihanna mit quelques secondes à comprendre ce qu'elle voyait quand ses yeux finirent par s'adapter à la luminosité. Car la réalité et la vision qui l'avait frappée au contact de son lié se brouillèrent pour ne former qu'une seule image. Celle d'un champ de ruines, de cendres, de sang et de flammes.

Lihanna eut un mouvement de recul et elle sentit les doigts de Liam lui broyer la main.

Mais... Bon sang ! Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Voir Orcam détruit était déjà déstabilisant en soi, il fallait le reconnaître. Mais le pire, c'était de découvrir qu'au milieu de ce chaos, un couple – d'une perfection irréelle – marchait tranquillement, le sourire aux lèvres, comme si ces deux êtres exceptionnels faisaient simplement une charmante petite balade dominicale dans un paysage bucolique. Complètement hermétiques – ou indifférents ? – à l'apocalypse qui se déroulait autour d'eux, ils enjambaient paisiblement les cadavres qui jonchaient le sol comme s'il ne s'agissait que de simples troncs d'arbres. Ils évitaient avec une grâce nonchalante les blessés et les moribonds qui continuaient de tomber, marchant au ralenti comme... dans une pub pour du parfum. Oui, oui... C'était complètement naze comme comparaison. Mais les hurlements, les explosions, l'odeur âcre et putride du feu, du sang et des excréments... rien ne semblait troubler leurs mines réjouies de mannequins de papier glacé.

Horrifiée, Lihanna sentit son estomac se contracter, la bile lui remonter dans la gorge. Or, elle ne pouvait pas bouger. Elle ne pouvait s'empêcher de regarder.

L'homme était d'une beauté presque douloureuse, mais froide et malsaine. Ses yeux étaient plus noirs qu'une nuit sans lune. À l'inverse, ceux de la femme brillaient comme des pierres précieuses d'une extrême pureté dans son visage solaire. Elle était le jour, il était la nuit. Leur fusion était à l'origine de ce monde. Un nouveau monde parfaitement horrible.

Evan et Eiliana.

Soudain, la vision de Lihanna sembla se brouiller quelques instants. Puis le couple revint sur le devant de la scène. Mais... ce n'était plus le même. Le nouvel « Evan » avait à présent les traits... flous, faute de trouver un terme plus adéquat. On aurait presque dit Liam d'ailleurs, mais pas vraiment. Quant à Eiliana... elle avait toujours le même visage, mais pas tout à fait. Car ce n'était plus la princesse Th'Eos qui avançait dans ce champ de ruine telle une star d'un mauvais clip post-apocalyptique. Mais elle. Elle, Lihanna, qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à son ancêtre, sans le côté rayon de soleil. Ses yeux étaient aussi noirs que ceux d'Evan, mais contrairement à lui, elle ne souriait pas. Son visage ravagé par les larmes était un masque de rage froide et meurtrière.

Les doigts de Liam lui broyèrent à nouveau la main et l'image changea.

À présent, les deux « couples » se faisaient face. La scène aurait très bien plus s'appeler « Le Triomphe contre le Désespoir ». Avec des majuscules. Surtout pour le Désespoir. À équidistance des deux binômes, quelque chose d'étrange et d'extrêmement lumineux flottait à plusieurs mètres du sol, comme une sorte d'objet précieux retenu en l'air par un champ de force invisible.

Un son étranglé s'échappa de la gorge de Lihanna quand elle parvint à distinguer « ce » qu'était l'objet en question. Il s'agissait tout bonnement d'un énorme diamant brut sculpté en forme de cœur humain... qui palpitait. Vraiment.