Chapitre 11

222 7 0
                                    

J'ouvre, assez perturbé par l'homme en face de moi.

Moi
« Kylian? Mais qu'est-ce que tu fais là? »

Kylian (stressé)
« J'ai un peu espionné Antoine, il a vraiment pas l'air bien ces derniers temps je voulais être rassuré. Mais je crois qu'il est vraiment mal. Il a jeté Didier, la psy, tous les joueurs, Adrien, Paul, Hugo, tout le monde.. Il avait l'air de vouloir faire une grosse bêtise. C'est complètement déplacé, mais t'as suffisamment confiance en toi et tu ne te démontes pas devant lui. Tu pourrais essayer de lui parler? »

Moi
« Euh.. Tu sais à quel point c'est tendu entre nous? »

J'en ai un peu marre de me faire insulter, c'est pas mon boulot, et surtout, qu'il se démerde. Chacun ses problèmes... Mais je ne peux pas le laisser en détresse. Pourquoi je changerai quelque chose? 

Kylian (embarrassé) 
« Je sais. Mais il est loin d'être mauvais. » (je lève les yeux en l'air en repensant à son coup de tête) « T'es la seule personne côtoyant vraiment l'équipe qui n'a pas encore été rejeté. Juste, essaie quelque chose. Si ça dérape, je suis derrière la porte. »

Je soupire. Longuement. Je prends ma tête entre mes mains, et réfléchis aux différentes possibilités de me défiler. Il n'y en a pas vraiment, à vrai dire. Putain. 

Kylian
« S'il te plaît, Marco. Tu peux faire ça pour nous? »

Je me lève. Mes jambes tremblent un peu mais je ne montre aucune faiblesse à Kylian. Mais qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire.. Je suis pas psychologue. Bon, attends Marco, repense à tes cours de psychologie et psychanalyse du client pendant la formation. Au moins de ceux que tu n'as pas séché. « Face à quelqu'un en détresse, mais agressif, montrez vous ferme et compréhensif. » SUPER. Je vais me manger une droite, je le sens. 

19h50

Antoine est dans sa chambre. Je l'ai entendu renifler. Je dis à Kylian de ne pas nous attendre, et que si ça dérape, je saurais me défendre. Ou du moins j'essaierai, pensai-je. Je toque à la porte, fermement. 

Moi
« Antoine. Ouvre moi s'il te plaît. Je viens faire un point avec toi. »

Pourquoi? Je ne viens pas du tout pour ça.. Je suis trop con. 

Antoine
« Désolé, repasse plus tard. »

Moi
« Ca ne sera pas possible. Ouvre moi s'il te plait. »

Antoine
« Je t'affirme que ça sera possible. Laisse moi. »

Moi
« J'entrerai dans tous les cas, à toi de m'ouvrir ou non. »

Antoine
« Va te faire foutre. »

J'ai plus d'un tour dans mon sac. Je descends à la réception, récupère le double en expliquant qu'il est un danger envers lui-même et que je peux le raisonner. On me laisse les clés, le réceptionniste me remercie et me souhaite bon courage. J'arrive à la porte de Griezmann.

Moi
« Antoine, je vais rentrer. T'inquiètes pas, je viens juste discuter. »

Antoine
« Non fous moi la ...»

La porte s'ouvre. La chambre est plongée dans le noir total. Je le vois, assis en boule sur son lit, recroquevillé sur lui-même. Je reste dans le petit couloir de l'entrée. 

Moi
« Antoine... Je viens juste t'aider. »

Antoine
« J'ai pas besoin d'aide, encore moins de la part d'un PD. Sors de ma chambre. »

Moi
« Bon, je ferai l'impasse sur tes insultes. Plutôt que de rabattre ton mal-être sur les autres, tu ne veux pas parler? »

Antoine
« Non. Dégage. »

Je vois ses yeux encore gonflés. Je ne pensais pas qu'on pouvait autant pleurer. Quoique... Enfin bon, je décide de rester dans ce petit couloir. Je ne dois pas le brusquer. Je dois aller dans son sens, rester ferme, et le recadrer si besoin. Le silence se fait long. 

Antoine
« Pourquoi c'est toi qui es venu? »

Moi
« T'as remballé tout le monde, et tu leur as fait visiblement assez peur. » (Un autre silence se fait)

Antoine
« J'ai plus 5 ans, je peux gérer mes affaires seul. »

Moi
« Je suis d'accord avec toi. Mais là ça influence ton mode de vie, et ta carrière. Ton rôle au sein de l'équipe, c'est comme faire parti de la présidence d'une entreprise. Sans toi, il manque quelque chose. Depuis quelques jours tu es mal, ça arrive à tout le monde et on peut le comprend...»

Antoine (s'énervant)
« NON. Vous ne pouvez pas comprendre ça. Et vous ne pourrez jamais le comprendre. » 

Moi (attendant quelques secondes)
« On comprend que tu puisses aller mal. On ne sait rien de ta situation. On veut juste t'aider : tes potes, tes collègues, Didier, moi-même. »

Antoine (rigolant ironiquement)« Toi? Donc je fais pitié même à la pédale du groupe? Comment tu peux avoir de la pitié alors que je ne peux pas te blairer? Bouffon. »

Moi (inspirant calmement)
« J'ai signé un contrat pour travailler avec vous tous. Vous m'avez chaleureusement accueilli. Ce contrat m'a fait perdre quelque chose de très important à mes yeux. J'essaie de faire en sorte que tout se passe bien, ici au moins. Je garde le professionnalisme que tu prends toi même lorsque tu viens à mes entraînements, que tu réalises ce que je te demande. Ce soir, je viens t'aider à aller mieux. On est une équipe. »

Un blanc se fait à nouveau. J'attends un signe de vie de sa part. Ses yeux fixent le mur, sa poitrine se gonfle, il a quelques fois des spasmes liés à ses précédents pleurs je suppose, mais il essaie de les cacher. 

Moi
« On est partis sur des bonnes bases. Tu ne cautionnes pas certaines choses chez moi, libre à toi. Nous restons des collègues, on doit pouvoir s'entraider si besoin. Je suis aussi soumis au secret professionnel, comme les psy, comme Didier. Si quelque chose te tracasse, tu peux m'en parler, tout restera dans cette pièce. »

J'attends une nouvelle fois une réponse, qui ne vient pas. J'entre petit à petit dans sa chambre, je veux juste m'asseoir dans le fauteuil. 

Antoine (fixant le mur)
« J'ai besoin de personne. J'ai plus besoin de personne. » (il répète cette phrase en montant le ton à chaque fois) « JE T'AI DIT QUE JE N'AI BESOIN DE PERSONNE. DÉGAGE. »

Moi
« Tu sais qu'en te voyant dans cet état, je ne peux pas te laisser seul. J'ai compris que tu n'avais besoin de personne. Il faut simplement que l'on discute un peu, toi et moi. »

Antoine
« T'essaies de me pécho ou quoi? Je suis hétéro connard. Casse toi. Fous moi la paix, foutez moi TOUS la paix. »

Moi (soupirant)
« Je fais ce que je dois faire Antoine. C'est mon travail. Je ne te laisserai pas seul tant que l'on n'aura pas discuté. »

Un silence se fait à nouveau. Plus long cette fois. Beaucoup trop long, même. Je m'assois par terre, la tête entre les mains, et ferme les yeux quelques instants pour mettre les choses au clair dans mon esprit, réfléchir à une stratégie d'attaque. 

Je rouvre les yeux, un peu déboussolé. Je me suis endormi? Je regarde ma montre, 21h45. Ah. En face de moi, Antoine est allongé, la tête dans l'oreiller, en train de pleurer. 

Je me lève doucement, et m'approche silencieusement de lui. 

Dans tes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant