Chapitre 47

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Je ne sais pas s'il m'a vu avec Jules. De toute façon, je n'ai pas vraiment à me justifier. On n'est plus ensembles, je peux flirter, danser, rire avec qui je veux. Mais j'ai la sensation de le tromper en faisant cela. Dans ces moments, je ne pense pas à lui. Je pense à moi. Je pense au jeu, à la séduction. Aux regards. Mais aucun n'égale le sien. 

Moi
"Non, ne t'excuses pas ! Dis moi tout."

Il a la tête baissée, il regarde ses pieds. Il a l'air à la fois timide et perdu, comme s'il ne savait pas encore ce qu'il allait me dire.

Antoine
"Tu sais ... En vrai non, tu ne sais pas. Je n'ai jamais voulu te faire de mal, encore moins à ce point."

Moi (l'interrompant)
"Antoine ... Je ne sais pas si c'est ce que j'ai besoin d'entendre à l'heure actuelle."

Je lui souris timidement. Je ne veux pas de ses excuses. Je veux bien entendre, mais je ne suis pas prêt à le comprendre, encore moins à le pardonner. Je ne sais même plus ce que je veux, ni ce que j'attends de lui. 

Antoine (se levant)
"Excuse moi ..."

Il s'apprête à quitter la chambre. Je n'en ai pas envie, mais j'ai besoin qu'il sente que ça ne va pas. 

Moi
"Antoine ?"

Il se retourne, et me regarde dans les yeux pour la première fois depuis que je l'ai vu dans ma chambre. Ses yeux ont l'air vides, tristes. Je n'aime pas du tout le voir comme ça.

Moi
"Tu m'as manqué aussi ..."

Il me sourit alors. Un silence se fait, quelques secondes qui font que l'atmosphère s'alourdit. Ce n'est pas gênant. Tout est hésitant. Est-ce que je dois aller vers lui ? L'embrasser ? Le toucher ? Est-ce que je dois abandonner ? Les questions fusent, aucune réponse n'arrive. Aucune. Dans ces moments, je veux tout contrôler, tout calculer. Me sentir en sécurité, sûr de ce qu'il se passera demain. Mais aujourd'hui, je n'en ai plus rien à faire. 

Je me lève et l'attrape par le bras. Son regard se porte sur ma main au niveau de son avant-bras. Je ne quitte pas ses yeux du regard, ils remontent le long de mon bras, puis de mon torse, avant de venir croiser les miens. A ce moment-là, je l'embrasse. C'est un baiser intense, celui dont on rêve tous les deux. Celui qui signifie tout l'amour que l'on se porte, celui qu'on ne veut pas arrêter. Son bras se place derrière mes hanches, il me sert contre lui, sa main vient se glisser à l'arrière de ma tête, je sens que je perds le contrôle. Et qu'il le prend. 

Je me retrouve plaqué contre la porte. Ses mains prennent possession de mon corps. Chaque baiser me rend plus vulnérable. Je l'ai voulu. Je le veux encore. Son regard change. Je n'y vois plus de tristesse, uniquement de la passion. Sa main passe autour de ma gorge, il se détache alors de moi brièvement, ce qui me paraît une éternité. J'essaie de regagner ce contact, mais il m'en empêche. Je suis à lui. Il le voit. Il jubile. Il m'embrasse délicatement dans le cou, je gémis et le supplie dans mon attitude de ne jamais s'arrêter. Mon t-shirt vole, mais j'en veux toujours plus. Je me perds dans ses yeux bleus. Son regard est aussi profond que l'océan, aussi intense qu'une tempête, je veux juste m'y perdre. Je ferme les miens, et profite de ce moment. Je perds pied, et j'aime ça.

Quelques instants plus tard, je suis posé dans mon lit, sur son torse. Il me fait des papouilles dans les cheveux. Personne ne parle, je n'ai jamais vécu quelque chose d'aussi intense. Je me sens bien, à nouveau. La passion est l'un des sentiments les plus puissants. Elle règle chaque souci, ou du moins nous les fait oublier. Elle nous fait perdre pied, perdre raison, et nous laisse écouter nos sentiments les plus profonds. Certains deviennent sauvages, d'autres délicats, chacun la vivra différemment. Mais la passion est également l'un des sentiments les plus dangereux. Elle nous fait parfois regretter, détruit tout le travail que l'on a pu faire jusque là. 

Antoine
"Je peux dormir ici ?"

Moi (l'embrassant)
"Ne me laisse pas seul, pas cette nuit."

Il me câline pendant de longues minutes, qui deviennent des heures. Ce moment est arrêté dans le temps. Je ne veux pas penser à demain. Sa main passe le long de mon torse, je la saisis et la serre contre moi. Je ne veux pas le laisser partir. Je veux qu'il reste, éternellement. Tout le mal qu'il m'a fait semble avoir disparu, mais je sais au fond de moi qu'il reviendra. Je ne sais pas si c'est ce que je veux. 

04/03/2018, Clairefontaine, 

C'est encore une fois dans ses bras que je me réveille. On part manger, ensemble cette fois. L'atmosphère entre nous semble bien plus légère, apaisée. Je continue de prendre de la distance avec l'équipe tout en me rapprochant du staff. Jules est toujours aussi blagueur, parfois allant dans l'humour plus taquin. Je ne sais pas comment réagir, je laisse une forme d'ambiguïté mais sans plus. Nous n'avons pas parlé avec Antoine, je ne sais pas ce que je veux, et je ne fais rien de mal. Enfin, je crois. Mais j'ai encore cette sensation de le trahir lorsque je me retrouve seul avec Jules. 

09/03/2018, Clairefontaine,

Les jours se succèdent, je suis heureux, mais j'ai l'impression de ne pas me reconnaître. J'ai l'impression d'être encore vide, comme si tout était irréel. Un rêve qui s'achèverait et qui ferait mal. Beaucoup trop mal, même. 

Je sors de ma chambre, je fais ma séance de sport quotidienne, repasse les objectifs et affine les entraînements. Après le repas, je vais fumer avec Jules. Il ne s'est rien passé avec lui, toujours cette petite ambiguïté. Antoine est repassé quelques fois dans ma chambre, pour coucher ensemble, ou pour me garder dans ses bras toute la nuit. Il ne m'a fait aucune remarque sur ma nouvelle amitié, bien qu'il voit ce rapprochement et n'a pas l'air de l'apprécier. Tout ça commence à me faire perdre la raison. 

Jules
"C'est marrant, mais ton comportement n'est pas le même."

Moi (intrigué)"Comment ça ?"

Jules
"Je te vois heureux, mais je te vois absent. Tu te déconnectes facilement dans des discussions, et pourtant, ça n'a pas l'air d'être vraiment toi."

Moi
"Et si j'avais juste un trouble de l'attention ?"

Jules (se rapprochant)
"Et si tu avais juste un problème plus profond qui te rongeait ?"

Je le regarde et manque de m'étouffer avec ma fumée. Comment ? C'est si évident que ça ? Putain, pourquoi est-ce qu'il s'est rapproché ? Je peux presque sentir sa main sur mon genou. j'ai envie de disparaître, maintenant. 

Jules
"Ne t'inquiètes pas, j'ai fait un parcours psychologie à la fac. J'aimais beaucoup ça, mais je n'ai pas la carapace pour séparer la vie professionnelle de ma vie personnelle. J'allais moi-même me faire bouffer par les problèmes des patients."

Je reste silencieux. C'est tellement intime, je n'ai pas envie d'en parler. 

Jules
"Excuse moi si tu l'as mal pris. Je peux être une écoute attentive si tu en as besoin, mais je suis sûr que les psy de l'équipe sauront s'occuper de toi si tu le veux."

Moi
"Je .. je ne sais pas. Je n'en ai pas besoin."

Jules
"Seul toi pourras prendre cette décision. Et c'est généralement le premier pas le plus difficile, je voulais plutôt t'aider à avoir cet électrochoc. Pas de la meilleure manière peut-être, mais j'espère que ça te permettra de te soulager. Tout le monde mérite d'être heureux."

Sa dernière phrase me coupe le souffle. Mes yeux se mettent à briller. 

Moi
"C'est mon objectif en tout cas !"

J'éteins ma clope alors qu'elle n'est consommée qu'à moitié.

Moi
"Bonne nuit Jules !"

Je m'enfuis clairement. Je m'arrête à la chambre d'Antoine, les yeux embués de larmes. Je toque une fois, il ouvre vêtu d'un simple short et me fait entrer. Il essaie de provoquer un dérapage, mais je le repousse. 

Moi
"Antoine, j'ai besoin de toi ..."

Et je m'effondre. 

Dans tes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant