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1 AN PLUS TARD

Ella restait inconsolable. Assise sur son lit, elle fixait le plafond, revenant d'une journée de travail plus que banale. Tous les jours étaient les mêmes. Inintéressants et ennuyeux. Plus rien ne lui donnait envie. Pas même chanter. Ni même danser.

Elle ne composait plus, ou du moins elle griffonnait quelques notes sur un papier, qu'elle donnait à un compositeur. 'Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec ça ?'. Il lui posait tout le temps cette question stupide. 'Débrouille-toi, c'est ton métier, merde' lui rétorquait Ella à chaque fois qu'il refusait son travail.

Il lui prenait tellement régulièrement de pleurer soudainement qu'elle n'y faisait même plus attention. Elle se coucha sur son lit, et laissa couler ses larmes. Quel intérêt de les essuyer si d'autres rempruntent le même chemin et mouillent le fossé à leur tour ?

Ella se perdait dans ses pensées, alors que son cerveau ne pensait à rien. Pour la première fois de sa vie, c'était le noir complet dans son crâne. Elle ne méditait sur rien, comme si ses neurones étaient déconnectés.

Une heure passa. Puis deux. Puis trois. La nuit était tombée depuis longtemps sur Paris, et la française n'avait toujours pas trouvé le sommeil. Elle n'avait pas non plus bougé, laissant son corps se décomposer dans son matelas.

Enfin, son esprit se réveilla et elle commençait à réfléchir, à penser, à cogiter à de nombreuses choses, mais si soudainement qu'elle eut un mal de crâne horrible. Elle s'attrapa les cheveux violemment en hurlant tellement la douleur était insoutenable. Puis les larmes revinrent à nouveau, et elle sombra dans un sommeil loin d'être réparateur.

Ses nuits étaient souvent vides, froides. Pas spécialement des cauchemars, simplement des nuits où elle ne dormait qu'à moitié, ou elle se réveillait calmement au beau milieu de son temps de sommeil, puis se rendormait, puis se réveillait, puis mettait quelques heures à se rendormir.

Et tous les matins c'était la même chose. Son réveil sonnait très tôt, et la voilà repartie pour une énième journée de travail. Ses semaines lui semblaient monotones, mais elle ne protestait pas. Après tout, elle était sous le contrôle de son agence, et elle devait suivre au pied de la lettre les ordres strictes qui lui étaient dictés.

Elle devait descendre pour prendre un petit-déjeuner. Mais rien de ce qu'il y avait sur la table ne lui donnait envie. Les mets étaient variés, du sucré, du salé, juste pour elle. Mais son estomac ne voulait de rien.

A chaque repas, son manageur lui ordonnait de manger. Elle maigrissait à vue d'œil, elle qui avait déjà une taille de guêpe, mais elle n'avait plus goût à la nourriture. Les plats qu'elle mangeait semblaient fades lorsqu'elle les mettait dans sa bouche, et comme elle n'avait jamais faim à l'heure des repas, elle ne voyait pas l'utilité de manger. Si on la forçait à manger pour sa santé, elle se retrouvait souvent aux toilettes après. Son corps ne voulait pas de cette nourriture, il décidait alors de l'expulser, de la manière la plus atroce qu'il soit. Vomir était douloureux, mais ça l'était moins que de manger lorsqu'elle n'en avait pas envie. Heureusement, Ella ne mettait pas son manageur au courant, sinon quoi il aurait été fou de rage.

Au début, la jeune femme n'avait pas remarqué tous ces changements, ni son comportement, ni son dégoût de tout. Seulement récemment, les gens autour d'elle n'arrêtaient pas de lui répéter qu'elle avait mauvaise mine, qu'elle ne mangeait rien et que ça pouvait avoir de graves conséquences, qu'elle devrait essayer de sortir pendant son temps libre parce qu'elle avait l'air très malheureuse, qu'elle ne voyait plus aucun de ses amis comme elle le faisait avant... Mais Ella continuait de nier que tout allait bien, elle trouvait des excuses à chacun de ces conseils. Sauf qu'un jour, elle se rendit compte qu'elle n'allait pas bien. En se regardant dans le miroir, elle vit qu'elle n'était plus la même personne. Les maquilleurs avaient beau lui mettre plusieurs couches de maquillage pour lui masquer ses cernes ou lui rosir les joues, c'était clair que son corps traduisait son état de santé déplorable. Même ses cheveux étaient ternes. Même son sourire était vide. Même son regard était froid.

The 8th MemberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant