Cavale.

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Quand Bellatrix se réveilla aux aurores, Lord Voldemort n'était plus là. La sorcière bondit hors de son lit et se rua au dehors, espérant le retrouver aux alentours. Elle regarda partout autour de la cabane, mais ne trouva aucune trace de son Maître. Troublée, elle alla s'asseoir sur un tronc d'arbre, la tête entre les mains, la gorge nouée. Bellatrix repensa à la façon dont la mission de la veille s'était déroulée.

Leur tâche était pourtant si simple. Récupérer une prophétie détenue par un enfant de quinze ans. Si Lucius l'avait laissée faire dès le début, ils n'en seraient pas là. Mais Malefoy avait voulu jouer les diplomates, prendre des milliers de précautions qui n'étaient pas nécessaires ; et ils avaient perdu la prophétie. Et Bellatrix...
Bellatrix était la seule mangemort qui avait réussi à s'échapper après l'arrivée des membres de l'Ordre du Phénix. Elle avait réussi à filer entre les doigts d'Albus Dumbledore une première fois, et la seconde fois, c'était son Maître qui l'avait délivrée.
Bellatrix était la seule mangemort qui avait réussi à s'échapper, et la seule sur laquelle Lord Voldemort pouvait passer ses nerfs désormais. Si seulement il l'avait vue. Elle avait combattu la bâtarde d'Andromeda et tué Black avec brio. Elle avait torturé Londubat, et avait grâce à cela été si proche de récupérer la prophétie... Si Lucius l'avait laissée faire dès le début, oui, la mission aurait été réussie.
Mais le Seigneur des Ténèbres ignorait cela. Tout ce qu'il voyait, lui, c'était que la prophétie avait été détruite et que ses mangemorts les plus aguerris avaient été défaits par une bande de gamins et quelques sorciers. Il ne savait pas tout ce que Bellatrix avait fait, à quel point elle avait été si proche de récupérer l'objet tant convoité. Il aurait dû n'envoyer qu'elle sur le terrain. Elle aurait tué tout le monde, et la mission n'aurait duré que deux minutes.

Bellatrix soupira.

Black. Elle avait tué Sirius Black.
Elle ne l'avait jamais apprécié, et avait toujours préféré son frère Regulus. Les deux étaient morts désormais. Sirius ne pourrait plus l'ennuyer avec son rire arrogant, plus jamais. Tous les hommes de la famille étaient morts.

Soudain, la brune réalisa ce qu'elle avait fait.

En tuant son cousin, Bellatrix avait mit fin à la noble et très ancienne lignée des Black.

La mangemort déglutit, son souffle s'accéléra. Elle ferma les yeux et tenta de se calmer. Non, il n'y avait pas de quoi paniquer. Ce n'était pas sa faute, Sirius était un ennemi qu'il avait fallu éliminer, rien de plus. Et puis, à quoi bon avoir des remords ? Il n'aurait jamais eu de descendance de toutes façons. Il fallait être réaliste. Sirius Black avait trente-six ans et n'avait jamais témoigné d'intérêt pour la gente féminine. Alors, vivant ou mort, il n'était pas utile. Bellatrix sentit le poids de la culpabilité s'envoler hors de sa poitrine, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Sirius Black était mort par sa main, et cela ne changeait rien. Le nom des Black était mort bien avant lui.

- Nous attendrons encore une semaine avant de contacter les autres, fit une voix aigüe et glaciale derrière elle.

Bellatrix se leva et fit volte-face. Lord Voldemort marchait en sa direction d'un pas souple, le visage fermé. Son regard était dur, les muscles de son visage étaient tendus. Il lui en voulait.

- Les autres ? demanda Bellatrix.
- Ceux qui n'ont pas été envoyés à Azkaban, répondit sèchement le mage noir. Ton époux, tes beaux-frères et le reste sont déjà dans leurs cellules à l'heure où nous parlons. Je pourrais aisément les faire sortir... mais un séjour à Azkaban leur fera le plus grand bien. Je peux me passer de leurs misérables talents pour le moment.

Bellatrix ne trouva rien à répondre à cela. Si Voldemort n'était pas intervenu, nul doute qu'elle serait avec Lucius et le reste du groupe à cet instant.

- Nous ne restons pas là, dit soudain le Seigneur des Ténèbres. Rassemble tes affaires.

Bellatrix acquiesça et lança un sortilège afin que le peu de choses dont elle s'était servie la veille vole jusqu'à son sac. Quand cela fut fait, elle remarqua que Voldemort l'attendait sans bouger. Elle comprit alors qu'ils allaient transplaner une nouvelle fois, et fit quelques pas vers lui. D'un geste hésitant, elle s'agrippa à son bras, et ils furent emporté à la seconde dans un tourbillon.

Cette fois, les deux arrivèrent devant une petite maison au beau milieu de la campagne. Il n'y avait aucune trace de vie aux alentours, si ce n'est un chien attaché à un poteau à une quinzaine de mètres du foyer. Voldemort resta un instant immobile. Il semblait attendre quelque chose.
La porte d'entrée s'ouvrit, et un homme apparut, un étrange objet long et métallique à la main. Il cria au chien de se taire, et braqua ce qui était visiblement une arme en direction des deux étrangers. Bellatrix sentit ses muscles se tendre. Elle avait déjà été face à ce genre d'armes moldues, et n'en gardait pas un bon souvenir. À côté d'elle, Voldemort restait impassible.

- Vous êtes qui ? aboya l'homme. Qu'est-ce vous foutez ici, c't'une propriété privée sur quoi vous êtes là !
- Bella, dit Voldemort d'une voix assez basse pour que seule sa servante l'entende. Fais ton travail.

Bellatrix leva sa baguette, et un jet de lumière verte fusa vers l'homme pour le percuter en pleine poitrine. Le moldu s'écroula au sol, raide mort. Voldemort se dirigea alors droit vers l'intérieur de la maison. Bellatrix se pinça le nez dès qu'elle entra dans le bâtiment, car l'odeur y était bien trop forte. Un mélange de bouse, d'herbe et de sueur flottait dans les airs, et la sorcière commença sérieusement à se questionner sur l'hygiène des moldus.

- Nan mais c'pas possible ce putain de câble là on capte jamais rien !

C'était une voix de femme qu'on venait d'entendre. Bellatrix lança un regard curieux à Voldemort, qui n'eut aucune réaction. Ils continuèrent leur chemin jusqu'au salon où se trouvait la femme. Elle était dos à eux, et était occupée à donner des coups sur un objet rectangulaire dont la surface produisait des images aux couleurs criardes.

- Dave, il faut vraiment qu'on...

La femme, qui s'était retournée, se stoppa net. Ce n'était pas son compagnon qui était devant elle, mais deux inconnus habillés d'une façon extrêmement étrange, et à l'allure inquiétante.

- Vous êtes qui vous ?

Bellatrix regarda la femme de haut en bas. Elle était maigre, avait une peau cireuse, des lèvres fines, un regard creusé et deux incisives qui semblaient vouloir s'échapper de sa bouche. Ses cheveux auburn étaient plats et gras, ses yeux verts étaient pâles et étaient touchés par un léger strabisme.

- Oh vous répondez les mongoles ? Vous êtes qui ?

Bellatrix se mit à rire doucement. Elle tourna les talons et alla s'asseoir dans un fauteuil qui avait l'air relativement confortable. D'ici, elle avait une superbe vue sur son Maître. Lorsque celui-ci leva sa baguette pour abattre la femme, Bellatrix ressentit un frisson dans son ventre. La femme tomba à terre, et Bellatrix se leva.

- Qui étaient ces gens ?
- Aucune idée, répondit le mage noir. Va voir à l'étage s'il en reste.

Bellatrix hocha la tête et se précipita à l'étage. Là, elle entendit une sorte de musique s'échapper d'une des pièces au fond du corridor. Elle leva un sourcil exaspéré quand elle entendit les paroles.

Today is gonna be the day
That they're gonna throw it back to you
By now you should've somehow
Realized what you gotta do

Bellatrix continua de s'approcher doucement de la pièce. La porte était entrouverte. Elle regarda à travers l'entrebâillure.

I don't believe that anybody
Feels the way I do, about you now

Une jeune fille se déhanchait au milieu de sa chambre. Elle devait avoir le même âge que Draco, peut-être un petit peu plus vieille. Contrairement à sa mère, elle n'était pas toute maigre. Elle avait un corps normal, avec des formes normales de fille normale. Ses cheveux étaient auburn, mais Bellatrix ne pouvait pas voir la couleur de ses yeux, puisque la fille avait les yeux fermés.
Amusée, la sorcière décida d'entrer dans la chambre. La gamine ne remarqua rien. Bellatrix la regarda avec fascination, et un large sourire se dessina sur ses lèvres. La mangemort se mit à danser avec la fille, copiant la façon dont elle ondulait son bassin. Puis, elle décida d'entamer une valse, et prit les mains de la fille pour la guider.
Celle-ci ouvrit alors les yeux et poussa un hurlement. Elle essaya de se dégager, mais Bellatrix le tenait fermement.

- Papa ! s'égosilla l'enfant.
- Shhhh, fit Bellatrix. Je crois qu'il ne t'entend pas.

Tout à coup, Bellatrix poussa violemment la fille qui atterrit dans un bruit sourd sur son lit. La sorcière lui sauta dessus, et se mit à califourchon sur l'enfant, bloquant ses poignets avec des cordes enchantées.

- Comment tu t'appelles ?
- Papa !! continua d'hurler la gamine.
- Papa ? C'est pas très beau comme prénom.

Une ombre au coin de la porte attira l'attention de Bellatrix. Lord Voldemort se tenait là, immobile, et les regardait. Il avait dû être interpelé par les cris de la fille. Puisqu'il ne disait rien, Bellatrix continua son petit jeu.

- Quand j'étais petite, dit Bellatrix en passant une main dans les cheveux de l'enfant, mon père avait deux chiens. Ils étaient grands et féroces, un peu comme celui que tu as. C'était des lévriers irlandais, et ils avaient été dressés pour tuer. Ce sont des chasseurs, ces chiens là, tu comprends ? Mais les nôtres, ils étaient particulièrement agressifs. Un jour, un de nos elfes de maison a renversé une tasse de café sur le jupon de soie de ma mère Druella. Elle l'a aussitôt donnée en pâture aux chiens, et quelques minutes plus tard ; il n'en restait que les os. Crois-tu que ton berger allemand aura assez d'appétit pour te dévorer entière ? Il avait l'air d'avoir faim, il avait l'air contrarié quand mon Maître et moi sommes arrivés...
- Pitié, pitié, je ferai ce que vous voulez... gémit la fille.

Bellatrix se redressa et examina sa victime. Soudain, elle se mit à rire.

- Je sais ! s'écria-t-elle, tandis que la fille continuait de sangloter en dessous d'elle. Je vais te laisser une chance de vivre, d'accord ?
- Qu...Quoi ? balbutia la fille.

La sorcière jeta un coup d'œil à Lord Voldemort, qui était toujours silencieux. Une lueur amusée brillait dans ses yeux écarlates. Bellatrix sut qu'il se délectait du spectacle de la même façon qu'elle.

- Viens, dit Bellatrix en saisissant la gamine par le poignet pour la traîner jusqu'au jardin.

Voldemort, toujours silencieux, suivit les deux d'un pas lent. Bellatrix, une fois dehors, jeta la gamine à terre et pointa sa baguette en direction du chien. Sous imperium, il ferait exactement ce qu'elle lui dirait. Elle trottinât jusqu'au poteau où était attachée la bête, et le détacha.

- Pas bouger ! ordonna la sorcière à l'animal. Debout, debout jeune fille !

La fille se mit debout et courut dans la direction opposée, ce qui déclencha l'hilarité chez Bellatrix. La sorcière amplifia magiquement sa voix pour que l'enfant puisse l'entendre au loin.

- Si c'est ça que tu préfères, voyons qui court le plus vite entre ta bête et toi !

Bellatrix s'accroupit alors à la hauteur du berger allemand de la famille. L'animal, derrière sa robe épaisse, était une énorme masse de muscle. Il ne ferait qu'une bouchée de sa propriétaire. Bellatrix caressa rapidement le crâne du chien, et murmura :

- Tue.

Et le chien s'élança vers sa maîtresse à une vitesse impressionnante. Voldemort eut un sourire imperceptible, et rentra dans la maison au moment où la fille commença à hurler. Bellatrix observa quelques secondes l'énorme chien se jeter sur la pauvre enfant, et écouta la douce mélodie des aboiements féroces mêlés aux cris de douleur. Puis, alors que les dents du chien déchiraient la chair de la fille, Bellatrix tourna les talons, et rejoignit son Maître.


****


Narcissa attendait sur les quais de la voie 9 ¾. Elle sentait les regards posés sur elle. On la jugeait, on la méprisait. Tous connaissaient son nom, le même que celui du mangemort qui avait été attrapé au Ministère de la Magie et envoyé à Azkaban.
Narcissa Malefoy, sœur de Bellatrix Lestrange et épouse de Lucius Malefoy. Ce nom, autrefois glorieux, qui avait fait sa fierté, était devenu un fardeau. Mais la femme restait digne. Son visage froid et son attitude altière ne la quittaient jamais. Narcissa savait que, si elle ne voulait pas sombrer une nouvelle fois, elle devait à tout prix mettre ses doutes et humeurs de côtés. Depuis longtemps elle avait appris à maîtriser ses émotions. Rien ne pouvait plus l'atteindre, ou du moins c'est ce qu'elle se répétait en boucle tandis que les passants murmuraient sur son passage.

Qu'ils parlent, qu'ils inventent les histoires les plus folles à l'égard de sa famille, se disait-elle. Ils finiront par payer, et nous serons récompensés.

La semaine qui avait suivi l'arrestation de Lucius avait été horrible. Des aurors étaient venus fouiller le Manoir de fond en comble. Ils avaient pénétré l'intimité de ses habitants sans aucune vergogne. Ils avaient tout dérangé, sans prendre la peine de remettre en place ce qui avait été déplacé ou jeté à terre. Plusieurs biens appartenant à Lucius avaient été saisis, et Narcissa n'avait pu s'y opposer à aucun moment. Elle avait regardé ces étrangers faire, impuissante. Elle avait supporté leurs remarques déplacées, leurs accusations, leur arrogance. Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle les aurait tous enfermés dans les cachots jusqu'à ce qu'ils meurent de faim et s'écroulent dans leurs propres déjections. Mais Narcissa Malefoy avait une famille à protéger. Lucius était peut-être enfermé derrière les barreaux d'Azkaban, mais Draco lui était toujours à Poudlard.

La mère avait prévenu le fils de ce qui s'était passé. Draco n'avait jamais répondu à sa lettre. Désormais elle attendait son retour, nerveuse, sur les quais où elle l'avait amené pour la première fois il y a cinq ans. Comme elle s'était sentie fière d'accompagner son fils pour son premier trajet à bord du Poudlard Express. Il était ce qu'elle avait de plus cher, de plus précieux. Narcissa Malefoy était prête à tout pour son fils. Elle lui avait toujours tout donné ; toutes les sucreries, tous les jouets, tous les voyages, tous les animaux que Draco avait toujours demandés, il avait reçu. Elle se souvenait de sa réaction quand Lucius avait émis l'idée que leur fils puisse aller faire ses études à Durmstrang. Narcissa avait vu rouge, et avait dit à son époux que cela était hors de question, que l'institut était bien trop éloigné, et que Draco irait à Poudlard, cela était son dernier mot.

Alors Draco Malefoy était allé à Poudlard, la même année que l'enfant qui avait survécu. Draco détestait Harry et ses amis. Surtout la sang de bourbe, Granger. Narcissa se rappelait comment son fils avait parlé d'elle tout l'été qui avait suivi sa première année. C'était une sale miss je-sais-tout qui ne manquait pas une occasion d'attirer l'attention sur elle.
Mais Draco n'avait pas que des ennemis à Poudlard. À vrai dire, il semblait que c'était un garçon plutôt populaire. Il était ami avec les fils Crabbe et Goyle, et avec la ravissante Pansy Parkinson que Narcissa appréciait particulièrement. Pansy était la nièce d'une de ses amies, Maisie, avec qui madame Malefoy avait gardé contact malgré les temps difficiles. Toutes deux espéraient que Draco et Pansy finiraient ensemble, et Narcissa était persuadée qu'il y avait déjà quelque chose entre les deux jeunes gens.
Malgré tout cela, la mère craignait pour son fils. Son père était en prison, et tout le monde le savait. Comme elle, il avait certainement dû supporter les regards des autres, et les rumeurs à son propos. Et puis...
Le Seigneur des Ténèbres avait élu domicile au Manoir Malefoy. Il était peut-être parti pour un temps, mais il reviendrait. Narcissa n'aimait pas savoir que son fils et le mage noir dormaient sous le même toit. Sa plus grande hantise, c'était que Draco soit enrôlé de force dans les rangs des mangemorts. Il n'était pas prêt. C'était un tout petit garçon, fragile, innocent. Draco n'était pas un meurtrier. Il ne le serait jamais. Elle ne laisserait pas Voldemort lui prendre son fils comme il avait pris sa sœur aînée.

Draco ne deviendrait jamais comme Bellatrix.

A Black Tale II : the Dark Lord ascendingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant