Delphini.

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5 janvier 1998, Manoir Malefoy, Wiltshire.


- Là, tout va bien, chuchota Narcissa en amenant la tétine du biberon aux lèvres de sa nièce. J'en connais une qui avait faim, n'est-ce pas ?

La petite n'avait que quatre jours, mais elle n'avait passé qu'une petite heure avec sa mère depuis sa naissance. Bellatrix refusait de s'en approcher de trop près, et était toujours très mal à l'aise quand Narcissa tentait de la convaincre de s'occuper de l'enfant. « Ce n'est pas mon travail », voilà ce que répondait la mangemort. Quant au père... il n'était toujours pas venu rendre visite à sa progéniture.

Narcissa déposa doucement l'enfant dans son berceau, et quitta la nurserie. Elle descendit à l'étage des chambres, car la petite était gardée cachée dans le grenier, et entra dans la suite de Bellatrix. Elle trouva sa sœur assise au sol, penchée au-dessus d'une malle remplie d'objets en tout genres.

- Qu'est ce que tu fais ? lui demanda-t-elle en s'approchant d'elle.
- J'ai trouvé ça, je voulais voir ce que c'était, répondit Bellatrix sans détacher son regard d'un journal rempli de notes. Tu ne m'avais pas dit que tu avais récupéré les affaires de nos parents. Regarde, c'est le carnet de comptes de père. Tu reconnais son écriture ? Oh et là, la montre de mère... il y a même son miroir de poche que grand-mère lui avait donné.

Narcissa esquissa un faible sourire.

- J'ai récupéré tout ce que j'ai pu. Il y a encore beaucoup de choses là-bas, au manoir. Mais je dois avouer que je n'y suis pas retournée depuis...depuis les funérailles.
- J'aurais aimée être là. Leur dire au revoir, dit Bellatrix avec amertume.
- Je sais, Bella. Mais, dis-toi que tu as eu la chance de les connaître, de les saluer chaque matin. C'est bien plus important, non ?
- C'est vrai.

Bellatrix replaça soigneusement le journal dans la malle, et la referma en soulevant un nuage de poussière.

- Je suis sûre que ta fille aussi voudra te connaître plus tard, comme tu as connu Druella. Tout enfant a besoin de l'amour d'un parent.

La brune fit une grimace.

- Tu ne lui as même pas donné de nom Bella. Si tu ne veux pas être sa mère, traite-la au moins comme une personne, dit Narcissa, irritée par le comportement de la mangemort.

Bellatrix haussa les épaules et se leva pour se diriger vers sa salle de bain. Là, elle commença à se laver les mains, avant de sortir un rouge à lèvre et de s'en appliquer généreusement sur les lèvres.

- Tu ne peux pas donner la vie à un être et faire comme s'il n'avait aucune importance, aucune valeur ! siffla Narcissa qui avait rejoint sa sœur.
- Ah bon ? répondit Bellatrix en se tournant pour lui faire face.
- Bella... implora la blonde.
- Bien, bien, soupira l'autre en levant les yeux au ciel. Je... je n'en ai pas discuté avec le Seigneur des Ténèbres, mais...

Elle se mordit la lèvre inférieure et plissa les yeux, avant de faire une moue résignée.

- J'avais pensé à Delphini.

Narcissa afficha alors un sourire triomphant. Sa sœur avait tout de même réfléchi au nom de son enfant. Elle n'était peut-être pas une cause perdue, après tout.

- Peut-être que tu devrais être la première à l'appeler par son prénom. Elle vient de prendre un biberon, alors elle ne va pas tarder à dormir. Pourquoi ne vas-tu pas la bercer ?

Bellatrix regarda sa sœur comme si cette dernière avait perdu la raison.

- Allez, Bella. Fais un effort.

Vaincue, la mangemort accepta et se dirigea d'un pas trainant vers la pièce où se trouvait sa progéniture. Elle ouvrit doucement la porte. Narcissa la laissa entrer, mais ne la suivit pas à l'intérieur. Elle se contenta de l'observer en silence. Bellatrix s'approcha d'un pas prudent du berceau au dessus duquel elle se pencha. Elle resta de longues secondes à seulement fixer l'enfant encore éveillé, et se décida enfin à la prendre dans ses bras. Elle la porta contre sa poitrine, et alla s'asseoir doucement dans le fauteuil à bascule posé à côté du berceau. Son regard brillait d'une étrange lueur tandis que les petites mains du bébé tentaient d'attraper les boucles brunes de sa mère. Bellatrix les repoussa du bout du doigt.

- Allons jeune fille, ce ne sont pas des manières.

L'enfant se calma et ne tarda pas à s'endormir dans les bras de Bellatrix qui ne détachait pas son regard de la minuscule créature.

Son visage était impassible, mais son regard trahissait une certaine émotion que Narcissa n'arrivait pas à identifier clairement. Était-ce de la peur ? De la fascination ? Personne n'aurait su le dire, mais face à ce tout petit enfant, la terrible mangemort était comme la plus inoffensive des créatures. Narcissa ne put réprimer un sourire ému et, discrètement, ferma la porte pour laisser un peu d'intimité à la mère et à la fille.

Ce n'est que lorsque personne n'était là pour la voir que Bellatrix s'autorisa à sourire à sa progéniture.

- Delphini Jedusor, murmura-t-elle. Tu feras de grandes choses, fille du Seigneur des Ténèbres.

****

23 janvier 1998, Chemin de Traverse, Londres.


Le Chemin de Traverse était couvert de neige. Il y avait moins de monde qu'à l'habitude, mais les rues n'étaient pas désertes pour autant. Andromeda sortait de chez Fleury et Bott, où elle venait d'acheter de nouveaux ouvrages afin de passer le temps. En faisant un premier pas sur la chaussée, elle percuta un vieillard qui s'empressa de la sermonner. Elle murmura quelques excuses et continua son chemin, ne voulant pas attirer l'attention.
Ces jours-ci, il valait mieux rester discret. Personne ne voulait être emmené au Ministère, surtout pas par les bandes de Rafleurs qui patrouillaient dans tout le pays.

La sorcière marchait tête baissée en direction du Chaudron Baveur quand elle entendit une voix masculine l'interpeler. Elle ne s'arrêta pas immédiatement, et elle entendit des pas précipités venir en sa direction, avant que la voix ne l'appelle une seconde fois. Elle hésita à fuir, puis estima qu'il était plus sage de simplement obéir. Elle s'arrêta, et se tourna vers son interlocuteur pour lui lancer un regard noir.

- Qu'est ce que tu veux, Mulciber ? demanda-t-elle sèchement.
- Hey, tout doux ma belle, répondit le mangemort d'un ton lubrique. T'es pressée ?

Andromeda serra les dents et resta silencieuse.

- On a quelques petites questions à te poser sur ton époux, dit-il alors que deux autres mangemorts le rejoignaient pour prendre place à ses côtés. Si tu voulais bien nous suivre...

Il accompagna ses propos d'un geste de la main, invitant Andromeda à lui obéir sans protester. La femme sentit les battements de son cœur accélérer d'un coup. Elle déglutit avec difficulté, ferma les yeux et inspira profondément. Ils ne pouvaient pas l'envoyer à Azkaban. Elle était de sang pur, elle avait bien trop de valeur. Elle n'avait jamais pris directement par à un combat contre les Forces du Mal. Ils n'avaient aucune raison de la jeter en prison.
Elle rouvrit les yeux, et accepta de suivre les mangemorts.


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Ministère de la Magie.


- « Niveau 2 : Département de la Justice Magique » fit la voix de l'ascenseur qui venait de s'arrêter.

Mulciber poussa brusquement Andromeda hors de l'engin, et celle-ci le gratifia d'un regard noir. Ils traversèrent le hall, suivit des deux autres mangemorts, puis empruntèrent un couloir sombre sur la droite. Ils arrivèrent à une intersection où ils rencontrèrent un autre groupe, à laquelle duquel était un homme terrifiant, massif, aux cheveux gris en bataille. Ses mains crasseuses aux longs ongles jaunes étaient refermées comme des serres autour du bras d'un pauvre homme dont le regard lointain n'exprimait rien d'autre que de la douleur. Celui qui tenait l'homme eut un mouvement de recul en voyant Andromeda, et la fixa d'un drôle d'air pendant une fraction de secondes.

- Tiens, Greyback, dit Mulciber. Je te présente madame Tonks. Tu sais, la femme du sang de bourbe qui n'a répondu à aucune de nos lettres ? Débrouille-toi pour savoir où il est, ordonna-t-il en poussa Andromeda dans les bras du loup garou.

Fenrir poussa un grognement et rattrapa la femme de justesse. Andromeda réprima un frisson de dégoût à son contact, et s'empressa de faire un part d'écart.

- Je ne sais rien sur Teddy, dit-elle, son regard jetant des éclairs. J'ignore où il se trouve, vous perdez votre temps.
- C'est qu'elle est remontée, la petite Bellatri...
- ARRÊTEZ DE ME COMPARER À CETTE FOLLE ! hurla alors Andromeda qui tremblait de rage.

Ses protestations furent accompagnées de rires moqueurs de la part des hommes. Greyback la saisit par le bras et la conduisit jusqu'à une pièce presque entièrement vide, aux murs sombres et sans fenêtre. Seule une seule lumière vacillante éclairait la salle, et les seules meubles étaient une paire de chaise en métal qui avaient l'air très inconfortable.

- Assieds-toi, ordonna Greyback en prenant lui-même place sur l'une d'entre elle avec une nonchalance marquée.

Andromeda obéit, toisant l'homme avec colère.

- Alors, madame Tonks. Peux-tu m'expliquer pourquoi ton mari n'a pas pris la peine de répondre à nos invitations ?

La sorcière se retint de lui lancer une réponse cinglante, et eut la présence d'esprit de formuler un mensonge qui lui déchira le cœur.

- Je n'ai plus aucun contact avec cet homme, répondit-elle froidement. Je l'ai forcé à quitter notre domicile et ai jeté toutes les lettres qui lui étaient adressées depuis. Je ne veux pas avoir à faire à un sang de bourbe. J'ai mis longtemps, mais j'ai finalement entendu raison. Je regrette de ne pas m'en être débarrassée plus tôt.

Greyback afficha un sourire qui laissait voir toutes ses dents aiguisées et jaunâtres.

- Et où est parti monsieur Tonks ?
- Je l'ignore. Ce ne sont pas mes affaires. Ni ma fille ni moi avons de nouvelles de Teddy depuis son départ, et c'est très bien comme ça.

Son interlocuteur étouffa un rire méprisant et secoua la tête en gardant son regard braqué sur la femme. Il se passa lentement le bout de la langue sur ses lèvres et plissa les yeux.

- Intéressant... tiendrais-tu les mêmes propos sous l'influence de veritaserum ?

Andromeda sentit son cœur s'emballer et déglutit avec difficulté. Elle acquiesça.

- Oui. Tu n'as qu'à m'en faire boire une fiole, si cela te chante.

Greyback sembla amusé par son attitude, et se leva.

- Je pense que cela est inutile. Allez, debout. Tu peux partir. Oh et, n'hésite surtout pas à nous contacter si tu as quelques nouvelles de cet homme. Nous souhaitons simplement...discuter avec lui.

Andromeda se leva, et lança un regard noir à Fenrir avant de le dépasser et de prendre le chemin de la sortie. Elle savait très bien qu'elle avait été extrêmement chanceuse de tomber sur un tel idiot, car n'importe qui aurait pu déceler l'énorme mensonge qu'elle venait de raconter. Fort heureusement pour elle, l'intelligence de Fenrir Greyback égalait sa beauté, et elle put partir tranquillement, en sachant qu'elle avait fait de son mieux pour protéger celui qu'elle aimait.


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2 février 1998, Manoir Malefoy, Wiltshire.


La pluie s'abattait avec force sur le comté du Wiltshire. Lord Voldemort venait tout juste de recevoir la visite de Severus Rogue, qui l'avait tenu au courant des évènements à Poudlard. Mis à part les trois élèves qui avaient tenté de dérober l'épée de Gryffondor en décembre, il ne s'était rien passé depuis. Selon le mangemort maintenant directeur de l'école de sorcellerie, tout était rentré dans l'ordre. Les Carrow se chargeaient de la discipline avec une méthode visiblement efficace, et les élèves ne s'étaient jamais aussi bien tenus.
Cependant, Harry Potter n'était pas retourné en cours cette année, et personne ne l'avait vu depuis qu'il avait échappé à Rowle et Dolohov l'été dernier.

Voldemort ferma les yeux et soupira. Ses mangemorts étaient des incapables. Même Bellatrix, qui avait autrefois été son meilleur soldat, l'avait déçu. Depuis qu'elle était revenue d'Azkaban, elle était encore plus instable qu'auparavant. Elle était plus impulsive, plus paranoïaque que jamais. La sorcière avait été profondément marquée par son séjour en prison, même si elle tentait de le cacher. Voldemort l'entendait parfois se réveiller en hurlant la nuit, et savait que son repos était troublé par de nombreux cauchemars. Il le voyait à la façon dont elle se comportait, Bellatrix vivait désormais dans la peur.

La peur de quoi exactement ?

Voldemort rouvrit les yeux, et regarda son reflet dans le miroir.
Quand Bellatrix l'avait rencontré, elle avait vu en lui un leader tout puissant, immortel et inatteignable. Puis, comme tous les autres, elle avait assisté à sa chute. Elle avait réalisé que son Maître pouvait être vaincu. Cela avait-il ébranlé sa foi en lui ?
Bellatrix craignait pour la sûreté du Seigneur des Ténèbres, même si elle ne l'avouerait jamais. Le mage noir ne le savait que trop bien, et s'en agaçait. Mais lui-même, dorénavant, pensait à assurer ses arrières. Si la possibilité qu'il lui arrive à nouveau quelque chose de terrible était infiniment mince, elle n'était pas inexistante. Voldemort refusait de l'admettre entièrement, et ne croyait presque pas à la possibilité de sa défaite, mais un minuscule doute subsistait.

D'ailleurs, n'avait-il pas demandé à sa plus fidèle mangemort d'assurer sa descendance ?

Le mage noir passa doucement le bout de sa langue sur sa lèvre inférieure, et secoua légèrement la tête. Il avait été si occupé dans ses recherches sur la baguette de sureau qu'il n'était toujours pas allé voir l'enfant. Delphini. C'était Bellatrix qui avait choisi le prénom. Leur fille avait été nommée selon la tradition de la famille Black, après une constellation. Elle descendait de deux des plus nobles familles sorcières de Grande-Bretagne. Le reste de ses origines importait peu. Quand Lord Voldemort serait au pouvoir, de toute façon, plus personne n'oserait référer au sang moldu qui courait dans ses veines et dans celui de son enfant. Sa puissance serait incontestée, et ses origines impures oubliées.

Le mage noir se leva et, d'un pas fluide, tel un spectre, se dirigea à l'étage supérieur, là où il savait qu'il trouverait l'enfant.
Quand il poussa la porte qui donnait sur la nurserie improvisée, il découvrit Bellatrix, endormie sur une chaise à bascule, la petite elle aussi endormie contre sa poitrine. Le mage noir se figea, restant un moment immobile à observer la mère et la fille.

L'enfant avait une apparence tout à fait normale. Voldemort poussa un soupir soulagé. Il avait craint, un instant, que sa progéniture hérite de l'apparence monstrueuse qui était désormais la sienne. Mais visiblement, les nombreuses altérations physiques causées par la magie noire chez Lord Voldemort n'avait pas été transmises à la petite. Au contraire, elle était très certainement le plus beau bébé du monde.
Le mage noir s'en approcha doucement, et, du bout du doigt, caressa la joue de l'enfant. Si tout se passait selon ses plans, cette petite créature inoffensive serait dans quelques années une véritable machine de guerre.
Son regard se posa sur Bellatrix. La femme avait repri de l'énergie depuis son accouchement prématuré. Elle était de nouveau prête à se battre. Voldemort l'avait tenue au courant des évènements, l'informant au passage du placement de l'épée de Gryffondor dans son coffre-fort à Gringott. Elle allait bientôt pouvoir reprendre ses activités habituelles.
La voir ainsi, lovée contre sa progéniture, était une vision extrêmement étrange, qui mettait presque mal à l'aise celui qui était pourtant le père de l'enfant. Néanmoins, d'un geste presque instinctif, Lord Voldemort posa sa main contre la joue chaude de son amante, qui ouvrit aussitôt des yeux encore lourds de sommeil.

- Maître ?

Voldemort lui tendit la main, l'invitant à se lever, et prit sa place sur la chaise. Bellatrix resta debout, Delphini encore endormie dans ses bras, ne comprenant pas vraiment ce qu'il se passait.

- Viens, dit Voldemort d'une voix douce et froide à la fois.

Bellatrix hésita un instant, incertaine d'avoir bien compris l'ordre, puis s'assit sur les genoux de son Maître. Voldemort resta d'abord figé à son contact, mal à l'aise face à une telle intimité. Puis, il passa un bras autour de sa taille pour mieux la soutenir, et Bellatrix posa sa tête sur son épaule. Avant même qu'il ne s'en rende compte, elle s'était rendormie. Le mage noir resta ainsi, immobile dans un silence presque total, n'écoutant que la douce respiration de sa fille et de Bellatrix.

A Black Tale II : the Dark Lord ascendingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant