Chapitre 29

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Arrivés à l’étage de réanimation-néonatale (non sans mal car marcher comme un pingouin dans les couloirs sous le « compatissant » des infirmières, des femmes enceintes, des nouveaux papas ce n’est pas facile niveau physique et moral). Ce cinéma durant pendant au moins trois jours le temps que je ne sente plus rien ; pour mon problème mammaire, le fait de me tirer le lait me soulagea physiquement et moralement. Mes seins me faisaient de moins en moins mal, je n’avais qu’à me tirer du lait environ toutes les trois heures (ce qui correspond environ au rythme des tétées d’un nouveau) et ce dernier sera donner en priorité à ma fille puis aux autres bébés. Pour ce qui en ait du moral, j’avais l’impression d’avoir finalement un rôle dans auprès de ma fille car je ne l’avais pas encore portée, je ne lui avais jamais donné le sein donc le fait de lui donner de mon lit pour son alimentation me faisait sentir comme…tout simplement sa mère.

            Julien et moi passions donc la majorité des journées auprès de notre bébé. Nous faisions connaissance de ce petit être qui s’était invité et que nous aimions malgré tout de tout notre cœur. Nous la caressions, lui parlons, lui donnait des sourire. Elle ouvrait les yeux et nous observait avec ses grosses billes noires : elle était magnifique et ce n’était pas pour me/nous venter. En même temps c’est normal, tout parent trouve son enfant magnifique et talentueux. Elle ne prit pas les yeux bleus de son papa mais les miens tout marrons/noirs ainsi que mes mains toutes fines. Elle avait pris le nez de son père qui était plus long que le miens et plus fin ainsi que sa bouche avec des lèvres fines. Plus nous la regardions, plus nous comprenions que c’était bien notre fille.

            Je me souviens aussi de la première fois que j’ai faite du « peau à peau » avec elle. Elle n’avait plus sa perfusion au niveau du nombril car elle pouvait ingérer du lait et les médecins pouvaient lui administrer des médicaments. L’infirmière me proposa de la porter contre moi pour la première fois. J’acquiesçai d’un signe de tête inquiète : j’allais porter mon bébé pour la première fois, ma petite Alice allait connaitre pour la première les bras de sa maman car, jusqu’à ses quatre jours de vie, elle ne connut que les mains des aides-soignantes et des infirmières, des médecins, des tuyaux contre sa peau et comme fond sonore tous les bips et autres bruits qui sortaient des machines. On me demanda de m’assoir bien au fond d’un fauteuil (très confortable) et de déboutonner ma chemise ainsi que mon soutien-gorge puis, l’infirmière débrancha de quelques fils ma fille, fit toutes sortes de manipulations avant de ma l’apporter. Je vis pour la première fois mon bébé : elle était minuscule contrairement à tous les nouveaux nés que j’ai ou voir et que je trouvais déjà très petit ; je compris à quel point la vie était quelque chose de fragile et d’éphémère. La jeune femme posa Alice en position du fœtus sur ma peau, entre mes seins avant de nous recouvrir avec une couverture polaire. Je ne réalisais pas bien qui se passait : je réalisais enfin et vraiment que je venais d’être maman, que ma fille faisait désormais partie de ma vie. Mon bébé avait les yeux ouverts et observait. Julien s’approcha de moi et s’assis sur une chaise près du fauteuil. Il retira son nez du masque que l’on lui avait  nous donné (car oui, nous ne pouvions entrer et toucher nos bébés qu’après avoir enfilé une combinaison et avoir mis un masque ainsi que s’être lavé puis désinfecté les mains pendant au moins trois minutes et pour les mamans avoir les cheveux attachés). Je voyais dans ses yeux qu’il me souriait, moi aussi je lui souriais mais en pleurant. Je sentais ses petits petons bouger en bas de ma poitrine ainsi que ses petites mains s’agiter au niveau de mes seins. Je ne regardais qu’elle : je n’accordais pas d’attention à ces foutus tuyaux (foutus mais vitaux) mais à elle. Je distinguais sous tous ces fils, tuyaux et électrodes le bébé qui y était relié et qui était le mien. A un moment, Alice mit son pouce dans sa bouche (avec quand même une bonne dose de hasard). Je passai ainsi une bonne heure voir deux à porter ma fille, à la regarder à la caresser.

            Quand l’infirmière revint, c’était pour me la reprendre et pour la replacer dans sa couveuse. Elle dû ce qui se passait dans les yeux de Julien et ce pour la première fois depuis notre rencontre : une once de déception. Je reboutonnai ma chemise après avoir remis mon soutien-gorge lorsque l’infirmière demanda à Ju : « Do you want hold your daughter ? ». Je souri à Ju qui accepta tout comme moi avec un hochement de tête. Il y avait une sorte de lumière dans ses yeux un peu comme un enfant à qui on promettait un tour de traineau avec le Père-Noël et avait une sorte de sourire à la fois gêné et heureux. Il fit tout comme moi et s’assit sur le fauteuil bleuâtre situé à côté de la couveuse. Je lui détacher le derrière de sa blouse pour qu’elle soit plus lâche et pour qu’il puisse faire entrer Alice dans son T-Shirt. Alice découvrit cette fois-ci, pour la première fois les bras et l’odeur de son papa.  Julien était comblé. J’approchai ma tête de son oreille et murmura : « Je vous aime ». Il me regarda, me sourit et me répondit : « Moi aussi ».

            Je me rappelle de cette journée comme si c’était hier avec tous les détails car pour vous ce n’est rien, mais pour nous, c’est une immense victoire. Pouvoir porter son bébé prématuré, le voir sucer son pouce, lever la tête au son de votre voix et tous ses petits gestes : c’est magique. Oui magique pour tous les parents alors mais merveilleux pour ceux de bébés prématurés. Alice, ma petite étoile, oui ma petite étoile, ce fut le plus grand jour de ta vie. Oui le plus grand mon petit ange, mon étoile. Tu découvris pour la première fois les bras de ta maman et de ton papa ainsi que leurs odeurs.

Intrusøs (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant